Depuis l'avènement des FPS consoles et leur maniabilité de tracteur (merci le joypad), un constat s'impose : le joueur de FPS moyen s'est ramolli. Il ne reste pas grand monde pour faire des tricks jumps de grenade en grenade sur les serveurs de Quake Live, la "version moderne" de Quake 3 Arena. Ceux qui n'ont pas connu cette époque ne penseraient même pas la chose possible sans la présence de vidéos sur YouTube. Le gameplay hyper-nerveux de Quake 3, ses matchs au Railgun où il fallait une précision diabolique, sa physique de folie qui permettait de longer les murs à coups de Plasma Gun... tout ça disparait dans le flou de l'Histoire.

Résurrection d'un genre

Il reste quelques fans irréductibles des FPS sans pitié, mais aucun titre n'avait tenté d'aller chasser sur ces terres arides depuis bien longtemps. La famille Unreal n'a jamais convaincu, pas plus que Counter-Strike & Co, qui a eu du succès, mais pas avec les mêmes joueurs. L'amateur de FPS intransigeant, qui connait les temps de respawn des armes par coeur, était orphelin, puisque même id Software ne s'occupe plus vraiment de Quake de nos jours.

L'idée derrière Shootmania, c'est donc de proposer un titre totalement orienté multijoueur et eSport. Pas de mode solo bidon, pas de scénario, rien. Shootmania, c'est un terrain de tennis pour joueurs en manque de challenge. Un outil. On est là pour voir qui est le plus adroit, le plus fourbe aussi... Le pari est risqué en 2013, mais Nadeo force le respect en allant au bout de sa démarche.

Design des 90's

Mais impossible de parler de Shootmania sans parler de ManiaPlanet. Le launcher made in Nadeo est inévitable pour les titres du groupe. Et je ne vais pas vous mentir : c'est une catastrophe. J'ai beau analyser le problème dans tous les sens, je ne comprends pas la raison d'être de ce bidule. Primo, c'est atrocement laid, avec un design à base de boutons sortis d'une démo Atari ST de 1989. Secundo, l'ergonomie (particulièrement dans la recherche et la gestion des serveurs) est catastrophique. Sans parler des tuiles à la Windows 8 qui sert de base au tout... Quand on voit les interfaces "pré-jeu" (pourtant pas parfaites) d'un League of Legends, d'un Dota2 (ingame) ou d'un Battlefield 3 (browser), on a vraiment du mal à comprendre comment ce "truc" a été validé. Même le processus d'upgrade fait vieillot quand on a gouté à Spotify ou simplement à Steam. Voilà, le point le plus négatif de ce titre est traité et... il n'a au final rien à voir avec le jeu, ce qui est plutôt une bonne nouvelle !

Escrime à la roquette

Le gameplay de shootmania diverge du reste des FPS par plusieurs points cruciaux : pas de points de vies à gogo, de champ protecteur qui se recharge. Pas d'armes sélectionnables, pas de munitions. Enfin tout ça est présent, mais "à la shootmania". L'arme de base est un ersatz de lance-roquettes qui se recharge lentement. Pour envoyer plusieurs tirs d'affilés, il faudra être patient ! Le spam est donc possible, mais très limité. Les points de vie sont rares également. Généralement 2 touches suffisent pour mettre hors jeu un adversaire (ça varie en fonction du mode de jeu). "Touche", le mot est lâché. Le gameplay est tellement épuré que le vocabulaire de l'escrime commence à envahir Shootmania.

Pour le reste, Shootmania a pas mal évolué dans les dernières semaines de bêta, rajoutant une physique un peu plus amusante, avec glissades sur certaines surfaces, rebond contre les murs, etc. Le bouton droit de la souris vous permet d'utiliser votre energie / endurance (très limitée aussi, une constante dans ce titre) pour sprinter si vous êtes au sol, ou pour faire varier votre trajectoire si vous êtes en "vol", via un saut ou les différents tremplins présents sur la plupart des cartes. Certaines maps proposent même d'utiliser une sorte de grappin sur des zones élevées dédiées.

La position qui tue

Le seul moyen de changer d'arme dans Shootmania est de se placer dans certaines zones. Les tunnels et sous-terrains changent votre pétoire habituelle contre un lance-grenades assez puissant, mais super lent. Ces "grenades" sont en fait des blobs bizarres, capables de se fixer aux parois, qui rappelleront des armes d'Unreal à certains. Pour avoir un Railgun aussi précis que difficile à maitriser, il faudra jouer les pigeons d'argile sur des plates-formes souvent très exposées aux tirs ennemis. A vous d'être plus rapide et adroit que vos adversaires. Certains modes changent un peu la donne, j'y viens. Mais retenez ceci : dans Shootmania, ce sont la carte et le mode de jeu qui vont définir les armes disponibles.

Ces modes sont pour le moment encore réduits, mais certains sont très efficaces. Joust est le moins passionnant : du 1 contre 1, avec un système de recharge de votre arme via des piliers spécifiques, qui se vident après chaque utilisation. Ca oblige à se déplacer et le premier arrivé à 7 touches gagne. On passe pas mal de temps dans la pré-zone à s'entrainer et seul le gagnant reste en lice. Dans les modes officiels, j'ai un faible pour Royal, un chacun pour soit où la zone de combat se réduit très rapidement, ce qui concentre les combats dans un mouchoir de poche. Très fun. Elite est également intéressant, mais demande déjà une bonne dose de skill pour être apprécié : en 3v3, une équipe attaque avec un seul joueur à la fois contre 3 défenseurs. Mais l'attaquant a plus de points de vie et un railgun. A lui d'être bon et d'aller activer le pôle dans la zone adverse. Chaque joueur de la team attaquante aura sa chance et ensuite les rôles sont inversés. C'est le mode qui plait le plus côté e-Sport en ce moment. Il faut dire que c'est le plus facile à suivre en vidéo !

Lego FPS

Il existe d'autres types de jeu, mais le plus intéressant dans Shootmania, c'est l'aspect modding. Tous les outils sont disponibles pour faire vos propres cartes et mods. Les fans de Minecraft vont adorer. Mais un problème bien connu des rares fans d'Unreal Tournament se fait rapidement sentir : ce titre n'a pas (encore ?) la masse critique de joueurs pour supporter tout ça. Heroes est souvent vide par exemple et c'est également le cas pour la plupart des modes hors Elite et Royal. C'est très frustrant et ça oblige à organiser des sessions, via Twitter et autres réseaux sociaux. Mais pas question de vous faire un Speedball à l'arrache parce que vous avez une insomnie. Les amateurs de mods peu joués sur Starcraft 2 connaissent bien cette frustration, et je dois bien avouer que je n'ai pas de solution magique pour obliger vos potes à jouer avec vous. Enfin si. J'en connais bien une. Mais elle est réprouvée par la loi. Snif.

L'enfer du clone

Techniquement, le moteur 3D de Shootmania n'impressionne pas vraiment. Il faut un PC quand même assez correct pour jouer dans les hautes résolutions avec tout au max. Et si ça semble logique avec certains titres super impressionnants, ce qu'affiche Shootmania ne devrait pas être aussi gourmand en ressources. La bonne nouvelle, c'est que du coup vous pouvez baisser les options sans rien rater. De toute façon, si vous lisez encore ce test, c'est que vous jouez à Quake sans textures pour avoir le meilleur framerate possible et ne jamais louper un ennemi dès qu'un pixel suspect se pointe à l'écran non ?

Les décors et effets de lumières sont réussis, mais le titre de Nadeo va peut-être trop loin dans sa volonté d'être "juste une arène". Ca manque d'âme : seulement 2 avatars de base, des animations réduites au minimum syndical, des décors souvent dans les mêmes tons... Au final, à force de vouloir être super épuré, Shootmania en deviendrait presque pauvre.

Mon sentiment au bout de ces semaines de jeu, c'est que la voie choisie par Nadeo est dangereuse. Donner les outils pour que la communauté puisse étoffer le titre selon ses envies, c'est bien, mais sans avoir les bases pour fédérer une masse de joueurs fidèles, qui veut juste se vider la tête après une journée de boulot, il sera compliqué de s'imposer. Le gameplay de Shootmania est finalement peut-être trop limité pour rendre le titre passionnant. L'adrénaline quand on se retrouve à combattre en 1v1 à la fin d'une map de Royal est incontestablement présente. Mais une seule arme de base et le syndrome lapin pour défense principale, ça risque d'être trop peu pour passionner les foules à long terme. En revanche, ceux qui accrochent risquent de ne jouer qu'à ça très longtemps. Mais combien seront-ils ?