Il semble bien loin, le temps de la Ludum Dare n°24 et du prototype gratuit bricolé en une trentaine d'heures par Nicolas Cannasse. Après avoir remporté le prix de cette gamejam ayant pour thème l'évolution, le titre a en effet continué son petit bonhomme de chemin en version browser. 200.000 joueurs plus tard, le gars Cannasse s'est dit qu'il y avait peut-être matière à se faire quelques deniers. En poussant le concept à fond, en racontant le passage à la 3D et en liftant le tout de fort belle manière, par exemple. La forme change mais le fond reste le même : retracer l'histoire d'un genre ayant accompagné plusieurs générations de joueurs, à grands renforts de références inoubliables et de clins d'oeil qui font mouche. A condition bien sûr que vous soyez coutumier du genre. Car dans le cas contraire, Evoland HD voit son intérêt tristement réduit au simili-néant.

Densetsu no densetsu

Au commencement était l'époque Game Boy (je prends les raccourcis qui m'arrangent !) sa grille de pixels monochromes et son scrolling par à-coups. C'est ici que débute l'épopée de Clink à travers le monde d'Evolandia, où les choses ont une heureuse tendance à ne jamais rester figées. Le jeune aventurier aux faux airs de sauveur d'Hyrules trouvera en effet sur sa route de nombreux coffres permettant au jeu de muter, parfois sur le plan technique, parfois d'un point de vue du gameplay. On passe ainsi élégamment du noir et blanc à l'affichage 256 couleurs et du silence à la musique 8-bit d'une simple ouverture de malle, qui pourrait tout aussi bien dissimuler une transition des codes de l'action-RPG façon Zelda vers les combats au tour par tour d'un Final Fantasy.

Cosmétique ou non, chaque changement constitue une bonne occasion pour le jeu de faire le commentaire de son sujet, au moyen d'une petite référence bien sentie ou d'une pique rigolarde envers le genre, ses conventions ou encore ses travers. Et tout y passe évidemment : des pots que l'on brise dans Zelda à la drôle de propension qu'ont les héros de RPG à s'introduire dans la maison d'autrui, en passant par les hautements haïssables rencontres aléatoires sur la mappemonde. Dans ce dernier cas comme dans certains autres, Evoland HD prend un malin plaisir à introduire très tôt certains errements de gameplay propres au RPG et de les conserver jusqu'à l'avènement de la 3D et des textures haute définition, rappelant gentiment combien le genre a parfois du mal à se réinventer.

Vaguement Story

Au delà de la frise chronologique formée par la succession de malles aux trésors, Evoland HD met un point d'honneur à rendre hommage à 30 ans de RPG et d'aventure par tous les moyens possibles. D'un point de départ des plus convenus (le môme désigné comme sauveur du monde) l'histoire vous fera retracer les grands poncifs scénaristiques du genre, ne vous épargnant ni l'acolyte magicienne, ni l'affrontement contre votre double maléfique, ni le true last boss. Dans ces moments précis, l'écriture se fait d'ailleurs volontairement naïve jusqu'à l'ironie. Impossible alors de ne pas accueillir d'un oeil rieur certains retournements de situations trop bien connus où l'apparition d'une référence sans laquelle on aurait jugé le jeu incomplet.

Au bout d'une large demi-heure, le gros des évolutions cosmétiques est débloqué et le jeu s'articule alors autour d'un village en 3D pré-calculée façon FFIX via lequel on accède à différentes zones, chacune représentant l'un des grands hommages du titre : les donjons faussement labyrinthiques de l'école Zelda, ses énigmes tranquille-Emile et sa barre de vie toute en palpitants, un niveau à la sauce Diablo où des quantités ridiculement élevées de monstres laissent choir de grotesques montagnes de loot débiles, etc.

L'âge dort

Trois heures suffiront à la plupart des joueurs pour boucler Evoland. Comptez une poignée de plus pour les quelques téméraires prêts à faire machine arrière vers les donjons du début pour dénicher les quelques trésors et trophées laissés à leur intention. Une durée de vie déjà bien maigre qui réussit pourtant parfois l'exploit de laisser le joueur s'ennuyer. En cherchant à se faire le chroniqueur d'une branche de jeux vidéo aussi dense en sous-genre, le projet de Nicolas Cannasse ne fournit que des bribes éparses de gameplays, des sortes de versions d'essai des jeux qu'il singe. On souffrira par exemple les combats aléatoires bien trop fréquents d'un Final Fantasy-like qui ne propose finalement que deux options d'actions ou les affres d'une séquence hack 'n slash où l'on enquille ad nauseam une combo unique - d'un seul bouton écrasé à répétition - en tranchant dans des marées d'ennemis décérébrés. Même les donjons plus typés "aventure" sensés rappeler les grandes heures de Zelda finissent plombés par des contrôles imprécis et des hitbox foireuses (oubliez tout bonnement le clavier).

Avec Evoland HD, Shiro Games remplit la moitié du contrat. La métahistoire est bel et bien au rendez-vous, agréable à suivre et bourrée de toutes petites madeleines mignonnes qui rappelleront à bon nombre de joueurs certaines de leurs "toutes toutes premières fois". L'organisation chronologique des modificateurs de gameplay et des évolutions cosmétiques permet au gros des fans de RPG japonais d'y retrouver un reflet de leur parcours, malgré un léger accent mis sur une ou deux séries, à la défaveur d'autres moins universelles mais non moins légitimes. Dommage que dans sa quête du parfait pastiche, le titre oublie que parfois les joueurs aiment jouer, surtout lorsqu'ils viennent de débourser 10 euros. Avec son gameplay étriqué et répétitif au point de me faire jouer les presse-bouton, Evoland HD commencait à m'ennuyer un brin au bout de deux heures. Pour un jeu qui n'en dure que trois, c'est un peu dommage.