Mais non, je ne suis pas vilain, je suis réaliste. Pourquoi tortiller du postérieur ? Le pitch du jeu de Flying Turtle Software est le résultat d'une nuit ou deux passées à étriller quelques francs succès du jeu de plateforme moderne. Super Meat Boy, tout d'abord, à qui le titre emprunte ses vélléités die & retry millimetré et les grandes lignes de son gameplay, mais aussi l'excellent VVVVVV qui vient prêter au titre son principe de gravité inversable, à la base de certaines portions de jeu. Ajoutez à cela une DA à base de silhouettes à la Limbo - ou Outland, au choix - et vous obtenez A Walk In The Dark. Sur le papier, une somme de très bonnes idées - fussent-elles empruntées - devraient en toute logique donner naissance à un très bon résultat. C'est sans compter l'étape qui suit la réflexion, celle de la mise en pratique. Et à ce petit jeu là, AWITD a tendance à se prendre les pieds dans le tapis.

Slippy Hollow

Dans la peau d'un mignon chaton, le joueur aura pour lourde tâche de retrouver sa gamine de maîtresse, kidnappée dans un pays des songes pas franchement amical par un vilain démon voleur d'enfance. Au fil de la centaine de niveaux proposés - au nombre exact de cent, en fait - on prendra également les commandes de la môme alors qu'elle tente de retrouver son matou. Et là, déjà, c'est la fausse bonne idée. Car si le premier personnage offre une physique féline à la prise en main sans accrocs ou presque (on souffrira tout de même quelques inputs un peu raides, notamment pendant les walljumps), la petiote se trimballe quant à elle une inertie et un masque de collisions aussi grossiers que flous. C'est d'autant plus dommageable que l'intégralité de ses phases de jeu fonctionne sur le principe d'antigravité décrit plus haut. Chaque alternance sol/plafond douloureusement terminée contre un tapis de pointes acérées vous laissera alors un goût d'injustice difficile à oublier. On touche ici au principe même de plaisir dans les jeux de ce genre : ici, perdre n'est pas stimulant. Mourir par sa propre faute et recommencer, encore et toujours, mais fort d'une expérience nouvelle et plus que jamais déterminé à franchir "cette bondieuserie de bordel de précipice" une bonne fois pour toutes : un sentiment totalement absent des phases mettant en scène la fillette.

Poltron Minet

Là où le bât blesse (encore ?) c'est que les tableaux traversés par l'élégant greffier n'offrent que très - très - rarement les sensations grisantes qu'on était en droit d'attendre d'une resucée de ce bon vieux Super Viande Garçon. S'ils sont plus longs que ceux de leur modèle, les niveaux souffrent trop souvent d'asphyxie, ne permettant que quelques timides acrobaties dans des couloirs beaucoup trop étriqués. Le tout manque donc d'amplitude, mais aussi et surtout d'un certain sens de la provocation : difficile de s'énerver de la plus saine des colères contre des environnements arty plan-plan qu'on préfèrerait admirer en économiseur d'écran en savourant une petite tisane saveur du soir. Alors évidemment, tout n'est pas si noir dans le monde d'A Walk In The Dark - enfin si, mais euh, non - et le jeu propose quelques phases en scrolling automatique bien rythmées, par exemple. L'habillage sonore et musical du titre est par ailleurs tout à fait charmant, tout comme certaines des animations du héros (mistigri qui s'évapore dans un élégant nuage d'encre en mourant, splendide). Mais rien de tout cela ne saurait masquer le défaut principal d'AWITD : c'est un jeu de die & retry qui ne sait pas donner l'envie de retry.

Nous sommes ici en présence d'un rip off dit "malheureux". A Walk In The Dark s'inspire de jeux tirant leur force de la minutie redoutable de leur réalisation, mais se contente d'en mélanger les gameplays et les influences à la grosse truelle en espérant que la sauce prenne. Ce n'est malheureusement pas en tartinant trois tonnes de caviar sur le meilleur des filets de boeuf qu'on fait de la bonne cuisine. Au mieux, les gourmets du platformer y verront l'équivalent d'un menu Big Mac : 5 euros pour deux ou trois heures de jeux pas dingues, mais coupe-faim quand même.

A Walk In The Dark est disponible sur son site officiel au prix néanmoins très correct de 5€. N'hésitez pas à jeter une oreille à la douce bande originale signée Cody Cook, disponible sur son Bandcamp.