Le jeu s'ouvre sur une intro dessinée, mixe d'images fixes et de pauvres animations. En voulant être gentil, je pourrais dire que le tout à un certain style. Ça serait pourtant demander un gros effort d'abstraction à mon cerveau. Car en guise de fond sonore, la voix-off la plus pénible du monde me conte la vie horrible d'un royaume dont le destin m'indiffère totalement. Vu le ton de la voix en question, je ne doute pas une seconde que le scénario soit dramatique. Allez, concentration. J'écoute, je lis, je supporte les inlassables "va parler à bidule" en boucle toutes les 10 secondes, pendant le tutoriel, alors que j'essaye de lire peinard les textes de présentation des différentes classes. Au bout de longues et pénibles minutes, il est temps de combattre. Enfin.

CORPG toi-même

On comprend vite que Fury n'a rien d'un MMO : c'est un CORPG (Competitive Online Role Playing Game), au même titre que Guild Wars. Encore plus même : il n'y pas une once de scénario qui tienne la route et encore moins de mode solo. Fury se veut plutôt un produit à destination des amateurs des battlegrounds de World of Warcraft, qui rechignent à passer 3.000 heures (estimation basse et pas du tout fantaisiste) à récupérer le matériel nécessaire pour ne pas finir en bouillie dès qu'un ennemi apparaît. L'idée de départ fait réellement penser à une sorte de Counter-Strike médiéval mâtiné de loot à récupérer, histoire de motiver les troupes. Du coup, pas de monde à explorer, juste un "sanctuaire" pour faire ses courses, apprendre de nouvelles skills et attendre que les loots gagnés lors du dernier combat arrivent par courrier. Un peu tristoune tout ça...

Baston au pays du lag

Mais que l'on soit intéressé ou non par le concept de base de Fury, une fois sur le terrain, au coeur de l'action, le doute n'est plus permis : c'est la catastrophe. Je vous épargne même la description des différentes classes tellement ça n'a pas d'intérêt face au gâchis du gameplay. Les développeurs d'Auran ont tenté de faire un jeu d'action rapide, vif, aux combats prenants. Raté, raté et encore raté. Enfin non, je suis mauvaise langue : rapides, les combats le sont. Ils sont aussi malheureusement les plus confus (pour rester poli) que je n'ai jamais vu dans un jeu online. Toutes catégories confondues. Impossible de savoir qui vise qui, d'identifier les sorts qu'on prend sur la tronche pour éventuellement les contrer, etc. C'est un bordel sans nom. Je veux bien rester poli, mais là c'est dur... Pour encore assombrir le tableau, le code réseau semble avoir bien du mal à faire taire le lag qui pourrit actuellement ce titre. Ça donne aux combats une impression de grosse loterie. Est-ce que mon coup a touché ? Oui ? Qui ? Pour combien ? Le temps de se poser ce genre de questions et on est mort, voire déjà réapparu au point de départ... Quant aux pouvoirs que vos héros peuvent utiliser, on comprend vite que la plupart sont totalement inutiles. S'ils avaient été moins nombreux et plus facilement identifiables, le jeu aurait déjà gagné en lisibilité.

Un feeling en bois

Techniquement, ce n'est guère mieux. En détails hauts, l'Unreal Engine tente de faire son boulot malgré des effets de bloom et d'ombres bizarroïdes. Les modes inférieurs utilisent le moteur 3D d'Auran qui montre vite ses limites. Le design des personnages va du passable au "tu t'es vu quand t'as bu ?", et le pire reste sans conteste les bruitages, carrément navrants et souvent hachés pendant les chargements. Tout ce qui aurait pu contribuer à donner un semblant de feeling de puissance, indispensable dans ce type de jeu, répond aux abonnés absents. Triste. Et quand on creuse dans le système de jeu, ce n'est pas beaucoup plus brillant : interface trop complexe, système de classes / pouvoirs loin d'être évident à utiliser, objets affublés de statistiques de tous les côtés... On a parfois l'impression qu'Auran a oublié que l'intérêt de leur concept de base était de faire un titre facile d'accès, quitte à passer des jours à optimiser les builds de personnages et d'équipes, une fois les bases intégrées. Exactement comme dans Guild Wars (oui, encore lui). On retrouve ce problème dans les NPC, aussi nombreux qu'inutiles et qui compliquent la tâche du joueur qui débarque. A se demander si les développeurs n'ont pas eu des remords à n'avoir pas fait un vrai MMO... Seuls les décors extérieurs et le design de certaines armures tirent leur épingle du jeu. Un peu maigre comme consolation. Cerise sur le gâteau périmé : le jeu crash assez souvent, signe d'une beta mal dégrossie...

Un modèle économique douteux

Impossible de finir sans parler argent. La boîte de Fury ne coûte que 40 euros en magasin, certes. Mais pour profiter des différents avantages des "immortals", il faut payer un abonnement mensuel de 7 euros. Idem pour accéder rapidement au plus de skills possibles, il faut repasser à la caisse et lâcher environ 30 euros pour le pack complet ou 5 euros par classe. Il est également autorisé d'acheter de l'or, et ce directement sur le site officiel. Comptez donc encore 50 euros pour équiper votre avatar avec le top du top en vente au NPC du coin. Pratiquement une obligation quand on voit les dérouillées qu'on prend avec le matos de base... Vous voilà donc prévenus : si à terme tout ça ne bousille pas vraiment l'équilibre, il est possible de zapper toute la phase de grinding en sortant le carnet de chèque. Ce qui donne un avantage indéniable aux "nouveaux riches" quelques jours seulement après la sortie du jeu.

Soi-disante "révolution du PvP", Fury se retrouve finalement être un titre des plus décevants. Au lieu de massacrer pendant des heures des monstres divers et variés, comme dans n'importe quel MMO, c'est vous qui passerez à la casserole, le temps de réunir l'argent et les "essences" (autre monnaie locale) nécessaires pour équiper votre personnage et prendre enfin votre revanche. Le ratage est tellement profond que les patchs prévus ne pourront guère que corriger lag et autres soucis cosmétiques. Certes, de nouveaux modes de jeu sont prévus et Auran est totalement dévoué à son rejeton. Mais vous savez ce qu'on dit, chaque maman pense que son bébé est le plus beau du monde... Manque de bol, cette fois j'ai vraiment peur que grandir ne change rien à son physique ingrat.