Lorsque l'on vit sur Terre, l'idée d'une planète entièrement recouverte d'ordures vient facilement à l'esprit. Avec des élus vivants dans des citées flottantes et balançant tous leur déchet sur des pauvres qui vivent encore en dessous, dans les décombres, en récupérant ce qu'ils peuvent. L'idée n'est pas très originale, c'est d'ailleurs le pitch du film d'animation Astro Boy, mais elle n'est pas mauvaise non plus. Perso, je suis client, surtout quand l'ambiance est bien posée et le design soigné, comme dans Deponia.

Gentil Vaurien vaurien

Dans le trou paumé de Kuvaq vit Rufus, un antihéros parfait : insupportable, fainéant, totalement imbu de lui-même et irresponsable. Il est aussi plutôt bon bricoleur, mais pas assez pour réaliser son rêve de quitter Deponia pour rejoindre Elysium, le palace dans les airs. C'est pourquoi ses tentatives échouent constamment, provoquant blessures et chaos à chaque fois. Tout le monde deteste Rufus et Rufus déteste tout le monde : son ex Toni, son pote Wenzel, son père qui l'a abandonné à 8 ans, etc. Le jeu débute avec une nouvelle tentative presque réussie pour quitter Deponia : juste le temps de rencontrer dans des circonstances mystérieuses une jolie élysienne victime d'un vilain complot (et de la maladresse de Rufus). À partir de là, notre bon à rien va s'accrocher à cet espoir d'ouvrir un chemin royal vers Elysium et peut-être de trouver l'amour.

La panoplie complète

Vous imaginez bien que ça ne sera pas simple, car Deponia est un jeu d'aventure loufoque héritier des Monkey Island, et rien ne se passe jamais comme prévu. Vous aurez votre lot de manipulation d'inventaire, et une poignée puzzles, ce qui veut dire pour tout "bon" titre du genre, quelques objets salement planqués dans le décor et plusieurs solutions absurdes à trouver. Mais Daedalic a fait les choses correctement : si le déroulement des énigmes peut être bien débile comme il faut, ils s'arrangent tout de même pour qu'il y ait une certaine logique entre les objets nécessaires, quitte à multiplier les indices dans les commentaires de Rufus ou dans les dialogues. On s'en sort, même si, clairement, il faut être doué et patient pour ne pas bloquer totalement.

Ne prononcez pas en vain ces noms

En tout cas, le jeu en vaut la chandelle, car l'humour est bel et bien présent, à travers les personnages, les situations et les dialogues. Si le marketing autour de Deponia revendique des noms très prestigieux tels que Pratchett ou Adams, il faut bien avouer qu'on sourit aux élucubrations imaginées par Daedalic la plupart du temps, et quelques gags m'ont vraiment beaucoup fait rire. Sincèrement. Et je peux vous dire que ce n'est pas forcément facile, je suis exigeant. Rufus est particulièrement savoureux, comme une version SF de Cugel l'astucieux (de Jack Vance, si vous ne connaissez pas... Sans rire, vous ne connaissez pas ?) Bref, merci à Daedalic pour la rigolade. L'histoire quant à elle bat un peu de l'aile, et se termine dans une certaine confusion, mais elle reste bien sympa.

Qu'est-ce qu'il dit ?

Ce qui gâche le plaisir (à part le fait d'être parfois à la limite de la crise de nerfs sur certaines énigmes), ce sont les défauts de traductions. On sent que la personne chargée de faire passer Deponia de l'allemand à l'anglais ne maîtrise pas les deux langues : trop de phrases incorrectes, de remarques qui ne collent pas... On s'y fait, mais zut ! En plus, ça ne doit pas être facile à patcher, car tout est doublé. Au fait : si vous n'êtes pas anglophone (ou germanophone), c'est râpé pour vous... Outre ces soucis de langue, on notera aussi une animation trop saccadée dans la plupart des cas, et des petits défauts ici et là (un ou deux bugs, problème de mixage, etc.)

Au final, le charme et l'humour de Deponia, avec son antihéros notoire et sa galerie de personnages réjouissants, devraient vous conquérir si êtes capables de manger du point&click en anglais. Sinon apprenez. Vous voulez voir de la barbapapa au phosphore, une machine à expresso nucléaire et des mignons petits chatons électrocutés, oui ou non ?