Souvent est établi un parallèle entre le réalisateur de Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Kill Bill, Quentin Tarantino, et celui à qui l'on doit Killer7, No More Heroes ou Shadows of the Damned, Suda51. Il est en effet très clair que ces deux là partagent des références communes issues du cinéma de genre, mais surtout, ils proposent plusieurs niveaux de lecture dans leurs œuvres, violentes et pleines de dérision. Avec Lollipop Chainsaw, Suda51 convoque cette fois l'esprit de Russ Meyer, des comédies pour adolescentes type American Girls et bien entendu, de George Romero, les zombies dont il est le roi, au point d'ailleurs d'avoir participé à un événement promotionnel du jeu outre-Atlantique.

Tueur de zombies de père en fille

Dans Lollipop Chainsaw, on incarne donc la callipyge Juliet Starling, cadette d'un famille de chasseurs de zombies. Si on ne retiendra de la mère de la jeune fille qu'une paire de fesses rebondies que son père caresse allègrement dès l'intro du jeu, le paternel (qui a tout d'un Travis Touchdown, cinquantenaire et sans lunettes) et les deux sœurettes (l'ainée s'appelle d'ailleurs Cordelia, vous captez la référence ?) seront par contre bien plus impliquées dans le combat qu'aura à mener la pom-pom girl. C'est en effet le jour de ses dix-huit ans que les zombies envahissent le lycée de la minette ! Sucette en bouche et tronçonneuse à la main, jupette plissée et couettes laquées, la jeune fille va faire le ménage, en "ayant pris soin" de d'abord couper la tête de son petit ami pour l'accrocher à sa taille, le sauvant ainsi de l'état de mort-vivant. Et puis comme Prince Randian, "l'homme serpent" dépourvu de bras et de jambes qui roulait lui-même ses clopes, même dépourvu de corps, la caboche du beau gosse n'est pas dénuée de talents pour venir en aide à sa belle.

Suda pur jus

On dit parfois des écrivains, des réalisateurs, qu'ils écrivent finalement toujours le même livre, qu'ils réalisent toujours le même film. Et c'est vrai que l'on peut voir Lollipop Chainsaw comme une sorte de No More Heroes au féminin. On a ici affaire à un beat'em all relativement linéaire dans des zones définies en niveaux (le lycée, le stade, la ferme, la salle d'arcade...) qu'il faudra nettoyer, avec en point d'orgue, des combats de boss à la mise en scène dingue : un classique des productions Suda51. Dans Lollipop Chainsaw, c'est l'univers du rock'n'roll qui domine, avec un grand méchant émo et des sbires tout droit venus des enfers de Black Sabbath, avec par exemple un batteur viking mort-vivant fan de Enslaved (et de nécrophilie, c'est dans sa biographie), mais aussi une illusionniste hippie forcément adepte de Jefferson Airplane et un boss beaucoup plus funky, mordu de jeu vidéo et qui abuse de l'auto-tune. On retrouve ici les délires et les goûts musicaux de Suda51 mais aussi ceux de Akira Yamaoka, dont la palette musicale s'étend de la techno bien bourrine au rock pur jus, avec de grosses guitares. Un régal sonore et d'ambiance. Comme l'était déjà bon nombre de gros vilains dans No More Heroes, les boss de Lollipop sont géniaux, représentants parfaits de la folie propre aux productions de Goichi Suda. De plus, tout au long du jeu, les scènes hilarantes sont nombreuses, avec une Juliet ingénue qui vire bien souvent dans le potache total, avec des vannes sur les sœurs Olsen ou Stephen Hawking, malheureusement non restituées dans les sous-titres en français. Aucun doute, les fans du travail de Suda51 devraient apprécier de se retrouver en terrain connu et... barré !

Resucée et sucettes

Et devinez quoi, dans la parfaite lignée des productions Suda51, Lollipop Chainsaw souffre des mêmes défauts que les jeux précédents du créateur japonais ! Et pourtant, on sent que ces problèmes récurrents ont tenté d'être corrigés. Ainsi, l'écueil du beat'em all, c'est bien entendu le sentiment que l'on a de faire toujours la même chose et les situations de Lollipop Chainsaw sont assez variées pour que cette sensation se retrouve diminuée. On pourra ainsi mettre sa tronçonneuse au sol pour foncer à toute berzingue, sauter via un QTE sur la tête de zombies si le sol se dérobe, utiliser la tête de Nick pour effectuer des attaques très efficaces, jouer les pole-danseuses exterminatrices de zombies si une barre se présente. Mais la plupart du temps, c'est bien les mêmes mouvements que l'on exécute, alternant attaque au pom-pom pour assomer, à la tronçonneuse pour trancher. C'est bien par ce gameplay limité, autrement moins fourni que celui d'un mètre-étalon comme Bayonetta, que Lollipop Chainsaw pêche un peu, desservi aussi par une utilisation de l'Unreal Engine par vraiment convaincante au jour d'aujourd'hui et par de trop nombreux temps de chargement qui gâchent réellement le rythme du jeu. Genre oblige, le jeu se boucle en une après-midi (même si il est relativement difficile), et si ce n'est pour récupérer des costumes toujours plus sexy pour Juliet ou des infos sur les différents ennemis trucidés, on ne voit pas vraiment de raison très convaincante pour y revenir. Un bon moment pour les fans, en somme, et les amateurs de délire rigoro, sanguilolent et sexy. Un investissement plus discutable pour les autres.

C'est toujours en se poilant qu'on arpente les folles idées, matérialisées en jeu vidéo, de Suda51. Gore, référencé, drôle, Lollipop Chainsaw possède toutes les qualités propres à l'univers du créateur japonais mais aussi toutes ses faiblesses en terme de game-design et de technique. Un jeu "gourmandise", "sanguilolent", agréable pour le fan, mais dont on atteint bien vite le bâton après avoir sucé son bonbon bien sucré mais qui manque de consistance et de nuances.