Il est des destinées chaotiques, où le meilleur côtoie le médiocre, rentabilité faisant force de loi. Avec ses Medal of Honor, Electronic Arts a usé ses GI's d'année en année, de support en support, et transformé des morceaux de bravoure en produits récurrents et marketés. Rien que de très normal dans l'univers du grand capital, mais il est des licences qui, s'adressant à un public légèrement plus exigeant que celui des NBA Live et autres John Madden (pas de polémique), ont du mal à s'écouler chaque année comme au premier jour. Jouant des coudes et de la baïonnette, Medal of Honor Airborne a donc décidé de frapper un grand coup et met l'accent sur un aspect de jeu souvent délaissé dans le genre FPS, que l'on peut résumer en un mot : liberté.

Plus dure sera la chute

MoH Airborne s'inspire de plusieurs missions aéroportées de la Seconde Guerre mondiale (Husky, Avalanche, Neptune, Market Garden et Varsity ; seule la dernière mission, Der Flaktürm, ne semble pas liée à un événement historique réel) et invite le joueur à se mettre dans la peau d'un paratrooper lâché depuis le ciel sur ces différents champs de bataille. Une nouveauté dans la série, et dans l'univers des FPS en général, qui offre un point de vue inédit et définit, l'espace d'une chute, les caractères. Déciderez-vous de rallier une "safe drop zone", marquée par un fumigène allié ? Choisirez-vous plutôt un de ces points d'atterrissage minuscules, défini par des parachutes échoués, que les développeurs ont disséminés ça et là en guise de challenge ? Ou bien encore serez-vous une parfaite tête brûlée prête à atterrir au milieu d'un nid de fascistes italiens ou de nazis ? Votre entrée en matière, et votre atterrissage lui-même, sont les premiers facteurs déterminant votre espérance de vie et vos chances de réussite. Notez que pour éviter de chuter lorsque vous atteignez le sol (ou un toit, le haut d'un muret, etc.) il est nécessaire d'effectuer un mouvement vers l'avant juste avant qu'il y ait contact. Les trajectoires parfaitement verticales voient en effet vos jambes se dérober sous vous, et vous transforment en cible idéale lorsque des ennemis sont à portée. Un geste d'une simplicité confondante dépendant toutefois, ici, d'un timing diabolique.

Et aïe...

S'il est un aspect du jeu qui a de l'importance, et ici plus que jamais puisqu'on nous propose un environnement ouvert, c'est la cohérence des comportements des PNJ, qu'ils soient alliés ou ennemis. Et comme on pouvait s'y attendre, tout n'est pas parfait... Moins soumis à la dictature du script que d'autres titres du genre, MoH Airborne propose une expérience en dents de scie. Parfois, emporté par votre groupe d'infanterie, vous vivrez des moments intenses où, les actions étant mécaniquement réglées, le sentiment de participer à une guerre où le danger peut venir de n'importe quelle direction fait parfaitement illusion. L'aspect scripté se fond dans l'action, et c'est les jointures de doigts blanchies par l'excitation que l'on tente de sauver sa vie, fusil, pistolet mitrailleur ou grenade en main (mention spéciale à la Gammon, concentré explosif surpuissant capable de stopper un char, ou de nettoyer une pièce le temps d'un souffle). Mais cette illusion de guerre "parfaite" ne dure pas. Ainsi, en prenant le temps d'observer un peu, vous vous apercevrez rapidement que les réactions des PNJ sur le terrain se révèlent souvent artificielles : grands gestes censés signifier un ordre effectués dans le vide (il n'y a personne à proximité du soldat qui gesticule), ennemis qui se croisent sans se jeter un regard, persos qui se placent systématiquement dans la ligne de mire de leurs alliés ou devant vous (le friendly fire évite les dégâts), ennemis se rendant à la queue leu leu sur une mitrailleuse alors que vous venez d'y sniper cinq ou six nazis d'affilée, etc. Les routines d'intelligence artificielle sont condamnées à l'imperfection, on le sait, mais les manquements ici sont trop nombreux pour être éludés, même avec la meilleure volonté du monde.

Le dormeur du val

La réalisation de MoH Airborne, à l'avenant de son ambiance, fait dans l'efficace de surface, mais résiste difficilement à un examen plus approfondi. Ainsi, de multiples détails ne font guère honneur à l'aspect next gen du titre, que ce soit sur PC ou sur Xbox 360, les deux versions étant en tous points similaires : projecteurs et lampes impossibles à briser (pour éviter qu'on ne se retrouve totalement dans le noir lors des missions de nuit ?), végétation en bitmap grossière, environnement non destructible (ou très peu), animations de morts pas toujours réalistes (l'impact d'une balle fait parfois littéralement "bondir" un ennemi comme s'il avait reçu une grenade, c'est très exagéré), textures de qualités inégales... Dans l'ensemble, MoH Airborne fait parfaitement illusion, mais on est loin de la claque graphique et du souci du détail visibles sur d'autres titres - Call of Duty 4, à cet égard, fera très certainement davantage sensation (NDJulo : je confirme...). Le principal problème du titre d'EA L.A., cependant, concerne sa durée de vie. Avec seulement six missions, bouclées en moyenne en une heure (niveau de difficulté : Normal), on a - surtout sur console - franchement mal au portefeuille. Les développeurs ont bien eu quelques bonnes idées pour motiver les joueurs, et les inciter à passer plus de temps sur leur titre (armes améliorables, médailles décernées sous certaines conditions, bonus vidéos à débloquer, mode multi en ligne...), mais le jeu reste "concentré" sur quelques moments mémorables - Market Garden en tête - et déçoit nécessairement un peu, malgré ses fulgurances, lorsque défile (trop rapidement) le générique de fin.

N.B. : Les versions PC et Xbox 360 étant identiques, les tests sont les mêmes. Les photos sont issues de la version PC.