Ouf, j'ai fait le tri dans mes idées, je sais enfin quoi écrire sur Might & Magic : Heroes VI. Il faut dire qu'hier soir en me couchant, après une énième session à explorer le nouvel épisode proposé par Ubisoft et Black Hole Entertainment (connu pour Armies of Exigo), je ne savais toujours pas quoi en penser du tout. Totalement perdu, le Fumble. Précisons d'abord que la version que l'on nous a envoyée pour le test est blindée de bugs. Des petits, des gros, des fatigants, des qu'on remarque à peine. Bref, Ubi nous fait le coup du « on sait tout ça. Promis juré, ce sera corrigé à la sortie ». Hum. Ils sont vraiment au courant de tout ? Tout va-t-il bien se passer ? Faut se renommer « Omnisoft » peut-être... Doit-on avoir confiance ? Attendez, je réfléchis... Non. Je me méfierai grave. Mais pour le test, je me baserai tout de même sur une version correcte idéalisée, qu'elle arrive le jour prévu ou à coups de patch plus tard. Aussi, la version review était fournie avec les codes de triche. Que j'ai utilisés, je l'avoue, sinon c'est juste impossible de mesurer l'ampleur du titre, vous allez voir pourquoi (j'ai quand même joué sérieusement aussi, hein).

Famille nombreuse, famille heureuse ?

Le duc Slava est mort. Il laisse un duché en deuil, un empire menacé par une nouvelle invasion de démons, un monde ourdi de complots et cinq enfants. Ça tombe bien il y a cinq factions ! La jeune Anastasya est l'assassin de son père, mais elle a été manipulée magiquement, à ce qu'on dit. Sa tante nécromancienne Svetlana la ramène à la vie pour qu'elle découvre la vérité. Plus loin, son frère jumeau Kiril doit poursuivre les sans-visages, soupçonnés d'être derrière ce complot. Pour ce faire, il suit le plan foireux de l'ange Sarah qui le lie à un démon de Sheog, l'enfer d'où Kiril devra s'extirper pour comprendre ce qui se passe ici, bon sang. Pendant ce temps, à Vera Cruz, Anton hérite du Duché et part en croisade pour purifier ses terres. Il est un peu taré sur les bords, on en a toujours un comme ça dans la famille. De son côté, Irina, obligée de se marier au Duc du Loup par ordre de l'Empereur, préfère prendre le large après avoir violemment refusé le devoir conjugal. Elle se réfugie dans la patrie japonisante du Sanctuaire, où elle comprendra vite qu'il est impoli de demander des sushis. Quant au bâtard de Slava, Sandor, élevé avec le maître de guerre Orc de son père (qui était un homme très ouvert), il décide de secourir sa soeur Irina. Il ne sait pas que celle-ci a déjà mis les voiles.

La nouvelle donne

Cinq destins, cinq campagnes, de quatre cartes chacune. Et quelles cartes, mes amis ! Les designers de Black Hole n'y sont pas allés de main morte sur le terrain à parcourir. Le nom du studio doit être inspiré par le trou noir qui aspire le temps libre dès que vous lancez une partie de Heroes VI. C'est presque trop long, même si chaque carte est ponctuée de quêtes et d'événements qui font avancer le scénario. Vous démarrez dans votre coin, avec quelques unités et parfois une ville : à vous de conquérir un territoire souvent immense zone par zone, en luttant contre une ou plusieurs factions vous harcelant. Il faut gérer ses ressources, améliorer sa production d'armées, consolider ses positions, ne négliger aucun allié. Et avoir un peu de chance aussi.

On débute gros n00b...

Là on touche à un élément chaotique de Heroes VI, dont je ne sais pas s'il sera corrigé à la sortie ou non : les départs de chaque mission peuvent être TRÈS difficiles. Vous aurez souvent un héros adverse en face de vous qui viendra vous rouler dessus pour peu que vous l'ayez regardé de travers un peu trop tôt. Et parfois il ne déboulera pas tout de suite, vous laissant le temps de construire une force suffisante pour l'affronter. C'est très aléatoire. J'ai recommencé le début de la campagne démoniaque une dizaine de fois avant d'avoir la chance que l'IA m'ignore juste assez longtemps pour renverser les rôles. Scripts mal foutus ? La faute à pas de bol ? Une fois ces mésaventures passées, vous rentrerez dans une phase vraiment intéressante et tendue, où les ennemis vous donneront du fil à retordre dans un petit style guérilla : incursion sur votre terrain, retrait, grosse attaque sur vos points faibles, etc.

...pour finir Gros bill

Petit à petit, à force de résister, vous finirez par prendre le dessus, par grignoter leur possession, et paf, le reste de la partie en devient un peu ennuyeuse. Bah oui : vous êtes niveau max (il y a une limite imposée par mission dans la campagne), l'action se traîne... Soit vous êtes du genre à vider la carte et ça servira toujours à quelque chose (l'expérience fera progresser votre Dynastie dans le Conflux), soit vous rushez sur l'objectif principal et vous passez à la suite. Tout cela n'est donc pas parfaitement au point, mais sans être non plus insupportable : votre surpuissance de fin de partie vous récompense un peu pour la galère du début.

Back to the basics

Voilà pour la philosophie générale, rentrons un peu dans les détails du gameplay. Bien entendu, rien n'a vraiment incroyablement changé, sinon la communauté serait devant chez Ubi avec des torches et des fourches. Il s'agit toujours d'un jeu au tour par tour dans lequel vous contrôlez un ou plusieurs héros à la tête d'armées composées de différentes unités. Ces dernières sont produites dans les villes, et il en existe différentes sortes : trois basiques, trois élites et une légendaire. Chaque unité possède aussi une version avancée. Ainsi vous aurez, à un moment ou à un autre durant la campagne, la possibilité de recruter des liches dans vos cités nécromanciennes. Il faudra d'abord construire le lieu pour. Et plus tard l'upgrader pour obtenir des archiliches. Les habitués noteront que cela fait moins de variété que ce que proposaient les précédents Might & Magic. Et malheureusement, il est vrai que le panel des tactiques s'en ressent. En solo, on a vite fait de trouver la bonne recette et de l'appliquer combat après combat avec efficacité. Une répétitivité qui doit sûrement disparaître en multi, lorsque l'on joue un peu plus avec le mélange des factions.

Je ne suis pas un héros ! Ah si.

Côté Héros, on retrouve cette tendance très binaire d'être plutôt axé force ou magie. C'est d'autant plus vrai que les compétences ne sont plus choisies entre deux options aléatoires à chaque gain de niveau : maintenant on dépense ses points dans des arbres assez fournis. Cela n'empêche pas les expérimentations : même si un héros n'atteindra jamais le troisième tiers de spécialisation dans le domaine qui ne le regarde pas, il pourra y piocher quelques éléments actifs ou passifs bien utiles. Un chevalier peut tout à fait lancer des sorts, et un magicien beugler des ordres, c'est même recommandé. Question matos, on trouve de tout, mais on équipera surtout ce qui favorise sa faction, plus que son personnage (je vous explique juste après). Vous avez aussi des compétences liées à la voie prise par votre avatar : le sang ou les larmes. Cet ajout de gameplay n'a finalement pas un si grand impact sur votre style de jeu. Néanmoins, une campagne d'épilogue qui clôt le scénario propose une carte pour chaque voie. Deux manières de voir les choses, même si la fin ne diffère pas tant que ça, avec un petit cliffhanger pour la suite.

Torts et factions

Pour finir sur les personnages, parlons de leurs compétences de faction qui est ultra importante dans le feu de l'action. Pour s'en servir, il faut remplir une jauge durant le combat et la lancer quand la puissance atteinte vous satisfait. Il y a plusieurs niveaux avec des effets toujours plus intéressants. Côté nécromant, vous manipulerez la résurrection selon les dégâts que vous infligerez aux ennemis. Avec un peu de pratique, vous ressortirez d'affrontements dangereux sans la moindre perte ! L'Empire joue plutôt sur le moral des troupes, qui sert à agir vite et même plusieurs fois. Le Sanctuaire booste la défense pure, physique ou magique, et vos unités devront taper un maximum d'adversaires différents pour faire monter la jauge. Chez les démons, c'est la chance qui prime, puisque les succès et les échecs critiques rapportent des points de « phasing ». Pensez à monter la Destinée de votre avatar pour augmenter les occurrences ! Le phasing permet d'invoquer de gros renforts sur le terrain : utile pour le harcèlement des ennemis. Enfin les orcs misent sur l'initiative et la force brute. Avec leurs compétences de faction, ils deviennent extrêmement mobiles et violents.

Le fun est dans le challenge

Voilà pour les outils de destruction. Comme dit plus haut, entre la faction aux forces bien précises et la simplification des unités, on trouve rapidement son rythme de combat au point de s'ennuyer un peu parfois, surtout si la rencontre est gagnée d'avance. Cela n'empêche pas certains affrontements d'être très serrés et tactiques. Vous pesterez d'avoir attaqué la mauvaise cible ou lancé le mauvais sort au mauvais moment... D'ailleurs, j'ai trouvé Heroes VI beaucoup moins bourrin que les précédents. La magie d'attaque directe a été bridée et vous manipulerez carrément plus souvent les bonus aux troupes, les malus sur l'adversaire, et les soins pour limiter les pertes. Fini les ravages à la boule de feu !

Le confort près de chez vous

D'autres changements d'importance sont à noter. Ils étaient attendus au tournant par la communauté. Le fait qu'on ne puisse pas posséder des mines et des lieux spéciaux sans avoir conquis la ville ou le fort de la zone par exemple. Ma foi, ça ne m'a pas dérangé plus que cela : ça oblige à accélérer le rythme justement. Il faut prendre quelques risques au lieu de laisser pourrir la situation. Les héros spécialisés dans la capture de bâtiments (surtout ceux sans gardes) trouvent tout de même une certaine utilité, puisque l'on peut « occuper » une mine, la piller ou même la saboter. Autre gros changement de gameplay : pouvoir acheter les unités globalement dans la ville que l'on veut. C'est juste parfait. En solo, on est souvent sur un seul front de toute façon. Plus besoin de faire le tour des centres de recrutements pour enrôler tous les nouveaux. Et quand bien même, chaque cité possède des téléporteurs très utiles pour être là ou il faut, quand il faut. Au final, c'est clairement une des meilleures évolutions du titre.

Allo ? Y'a quelqu'un ?

Le plus gros souci pour ce test, c'est que je n'ai pas pu jouer au multi. C'est fou comme il y a peu de parties en ligne quand un titre n'est pas encore sorti ! C'est très embêtant en ce qui concerne mon avis sur l'équilibre général des factions. J'ai déjà l'impression que les nécromants sont un poil surpuissants, mais je me trompe peut-être. C'est une des raisons, en plus des nombreux bugs dont il faut se méfier malgré les belles paroles d'Ubisoft, qui me pousse à vous demander d'être prudent. Un achat direct à la sortie, si vous voulez. Mais je conseille plutôt d'attendre un poil de voir comment la communauté réagit. Il y aura sûrement besoin d'un patch ou deux avant que Heroes VI ne soit parfait. Pour le multi, Ubisoft propose d'ailleurs le système Conflux. La connexion à Uplay est obligatoire pour en profiter, mais au moins il y a un effort pour fournir un service derrière : synchronisation des sauvegardes et Dynastie. Votre dynastie est en fait votre niveau global d'expérience à Heroes VI, solo et multi inclus. Elle permet de répertorier vos stats générales et de préparer des avatars bien personnalisés pour le multi. Vous pouvez aussi acheter quelques petits bonus pour vos héros avec les points gagnés en effectuant des succès, ainsi que de nouveaux portraits, ou des titres à afficher. L'ensemble, tout comme les options de jeu en ligne et le nombre de cartes disponibles à la sortie, m'a paru plutôt complet.

Séduit par ce Might & Magic : Heroes VI et ces petites évolutions futées, oui, je le suis. Pas au point d'aller croire Ubisoft sur la sortie parfaite du titre ce 14 octobre sur PC, mais je ne doute pas que s'il n'est pas très bien tout de suite, il le sera rapidement. Si la simplification tout en douceur du gameplay passe quasiment inaperçue, c'est aussi grâce à l'excellente histoire divisée en cinq campagnes qui s'entremêlent. Black Hole manipule parfaitement bien le background un peu fourre-tout de la licence pour proposer un scénario profond et captivant, avec des personnages intéressants et complexes. Une réussite qui sert de moteur puissant au mastodonte qu'est Might & Magic.