Alors que la Wii s'apprête à tirer sa révérence d'ici quelques mois, Nintendo souhaitait lui offrir son dernier présent. Un joyau qu'il aura fallu 5 longues années à ciseler. De l'aveu même du maestro Shigeru Miyamoto, il s'agit d'ailleurs là du plus ambitieux projet d'une firme habituée à l'excellence. Proposer une aventure épique, un voyage inoubliable tout en parvenant à rassembler l'ensemble des leçons de la Wii au fil des années. Le défi était de taille. N'oublions pas non plus que Zelda aura été l'alpha et l'omega de la machine. Initialement prévu pour la GameCube avant d'être rapidement adapté pour la prise en main à la Wiimote, Twilight Princess n'avait ainsi pu aller au bout de l'idée. De simples moulinets suffisaient alors à faire jaillir son épée et se prendre pour un d'Artagnan en Terres Hyliennes. Aujourd'hui, Skyward Sword se laisse apprivoiser exclusivement équipé d'un Wii MotionPlus pour une précision en 1 pour 1, à savoir une retranscription fidèle de chacun de vos mouvements. Infiniment plus immersif, mais aussi beaucoup plus exigeant.

Souffle court

Chaque épisode dispose de son identité. Dans une mythologie commune s'écrit alors une histoire unique. Un nouveau Link étudiant. Une Zelda, certes bourgeoise, mais n'ayant ici rien d'une princesse. Une ville céleste grouillant de vie (et de secrets). L'attention apportée à l'histoire de Skyward Sword se révèle plus importante qu'à l'accoutumée. Tout débutera par une ouverture un rien bavarde mêlant les références à Avatar et Harry Potter (voir notre résumé de l'histoire). Triangle amoureux, montures célestes, planètes en lévitation dans un océan de nuages, tutorial géant allant jusqu'au combat face à l'improbable Ghirahim, votre adversaire principal... avouons que l'aventure peine à décoller pendant les 10 premières heures. Le temps de mieux cerner le rythme posé de cet épisode, de percevoir l'évolution de sa structure (liaison coulée entre exploration et donjon, ainsi que quêtes annexes à débloquer), sans oublier de faire connaissance avec la plupart des protagonistes au look délicieusement affirmé. S'il ne fallait en retenir qu'un, il s'agirait bien évidemment de Fay, fière âme de l'épée, elle vous guidera tout au long de votre périple, allant même jusqu'à vous servir de radar pour vous diriger vers diverses destinations (objets cachés, personnages clefs, lieux à visiter, etc.). Cette dernière reprend finalement le rôle qu'occupait Midona dans Twilight Princess, mais en bien plus docile et altruiste via ses conseils, rappels sur l'histoire ou indices sur les situations. A ce titre, cet épisode a clairement été fait pour ne pas perdre les débutants. Un élément qui pourra aussi expliquer l'aspect didactique des premières heures. Au point que certains blocs de pierre mystiques proposeront de courtes vidéos expliquant comment résoudre telle ou telle énigme. Rassurez-vous, Nintendo n'a pas oublié les aventuriers plus chevronnés. On appréciera ainsi de pouvoir masquer la plupart des (grosses) options d'interfaces au bout de quelques heures de jeu. Sans oublier qu'en parallèle, l'aventure n'avait jamais été aussi corsée. Explications...

Le saut de la Foi

Un détail ne trompe pas : Skyward Sword est le premier Zelda vous faisant débuter l'aventure avec 6 et non 3 coeurs. Un changement qui n'a rien d'anecdotique. En effet, si le challenge général ne s'avère pas de tout repos et pourrait justifier à lui seul cette petite aide initiale, la prise en main au Wii MotionPlus vous sollicitera constamment et vous obligera à repenser votre manière de jouer. Désormais un simple ennemi pourra vous faire subir quelques dommages inattendus. Ces derniers parent souvent vos coups et vous obligent à effectuer les bons mouvements avec des timings souvent serrés. Les esthètes apprécieront cette implication renforcée et souvent efficace, si quelques (rares, mais rageants) hoquets du Wii MotionPlus pourront parfois vous faire perdre de précieux coeurs. Nintendo le sait d'ailleurs, une touche est même dédiée au recalibrage instantané de la mire. Tout un symbole. Dans la foulée, sachez que la structure même de l'aventure a été repensée avec une meilleure intégration des énigmes et puzzles lors des phases d'exploration. Les donjons ne concentrent donc plus l'intégralité des casses-têtes et autres challenges. Par conséquent, les temples se révèlent moins imposants avec moins d'étages, moins de salles en général et ce du début, jusqu'à la fin du jeu. Les donjons sont d'ailleurs bien moins nombreux tout courts. L'exploration requerra donc plus d'efforts avec de la réflexion et de la plate-forme.

Nouvelles orientations

Ce Zelda inaugure aussi une légère dimension RPG avec la possibilité d'améliorer certains équipements (portée du lance-pierre, solidité du bouclier, etc) à l'aide d'éléments glanés lors des combats... et non en trouvant une nouvelle arme dans un donjon. A ce titre, malgré l'apparition de certaines armes intéressantes comme le scarabée volant ou la jarre propulseur d'air, l'équipement se révèle moins étoffé que dans le précédent opus. Des potions (meilleure endurance, santé rétablie, etc.) peuvent aussi être confectionnées par un couple de druides à Célestebourg. Pour cela, il vous faudra faire la chasse aux insectes. Toujours dans la liste des nouveautés, de nouvelles aptitudes renforcent Link. Notre héros peut désormais courir pendant un cours laps de temps. Une jauge d'endurance apparaît alors. Vous pourrez aussi effectuer certains bonds dignes d'Ezio Auditore, en vous raccrochant aux corniches. Intéressant aussi de constater qu'il est possible de se déplacer en vue subjective. Enfin, lors de certains dialogues, des choix vous seront proposés. Pas d'embranchements scénaristiques majeurs malheureusement, mais une volonté bienvenue de s'approprier toujours un peu plus le comportement de Link. Une liberté agréable surtout face à certaines réactions de Zelda ou de l'insupportable Sidekick un rien pataud que vous pourrez ainsi faire tourner en bourrique.

LittleBigEpopée

Le déroulement de Skyward Sword se veut une synthèse de nombreux éléments expérimentés au fil des épisodes. L'océan de nuages dans lequel vous chevaucherez votre flamboyant célestrier rappellera ainsi les longues traversées maritimes de Wind Waker. Les nuages jouant le rôle de la mer, tandis que des planètes en suspension feront oeuvre de petites îles à accoster pour y découvrir quelques potentiels secrets (ces derniers étant à révéler via des blocs cosmiques disséminés sur Terre, sous les nuages). Pour le reste, on regrettera un aspect plus cloisonné que d'habitude. Hormis Célestebourg, village servant de port d'attache et vous permettant de réaliser vos emplettes, d'améliorer votre équipement et de faire avancer l'histoire, vous ne retrouverez que 3 zones (la forêt, le désert, le volcan), ainsi qu'une plus mystique dont je préfère vous laisser la surprise. Bien évidemment, suivant une formule désormais célèbre, chacune de ces destinations s'ouvrira au fil de votre progression, renouvelant alors l'expérience. Cela étant le terrain de jeu global paraît moins important, plus ramassé (hormis le ciel bien évidemment). Et puis les allers-retours sont fréquents, parfois pour une raison un rien abusée. Trouvez le bon lieu, mais repartez chercher de l'aide à l'autre bout du monde, ou bien certains donjons vous demanderont plusieurs explorations, sans parler de certains défis récurrents se déroulant dans des zones visitées... mais plongées dans une sorte de pénombre. Heureusement certains boss relèvent le tout avec une mention spéciale pour le golem aux bras de Shiva qu'il faudra pourfendre à coup d'imposants cimeterres ou le poulpe des pirates. Jubilatoire. Sans parler de quelques belles trouvailles comme une séquence en bateau pirate, une rafraîchissante session de grand-huit (sans les loopings), de l'excavation en vue à la Pac-Man, ou de belles traversées temporelles (avec un clin d'oeil à Okami). Car oui, il y a aussi beaucoup de générosité et de belles idées dans ce Zelda.

La peur du vide ?

Jouer de la harpe en reprenant le système de rythme de Wii Music. Se battre comme dans Wii Sports Resort. Haper des éléments à l'image de Super Mario Galaxy. Tout ce que Nintendo a expérimenté sur Wii se retrouve condensé ici d'une manière ou d'une autre. Je vais être clair, la reconnaissance de mouvement est d'ailleurs la plupart du temps excellente. Pour autant avec Skyward Sword, pour la première fois de ma vie, un Zelda m'aura frustré à quelques moments. Ces instants où le contrôle au Wii MotionPlus s'enraye, ces passages où la précision n'est pas aussi fine ou réactive qu'on l'aurait souhaitée. Autre point crucial, la manière dont on joue. Au-delà de la théorie, dans la "vraie vie vraie", je vous mets au défi de rester pendant 35 heures sur le rebord de votre canapé avec les bras en avant du corps afin de réaliser les mouvements les plus amples. Car si le Wii MotionPlus permet de gagner en précision, il ne tolère pas les petits mouvements étriqués, ou une Wiimote la tête mal placée face à l'écran. Dans la pratique, vautré dans son canapé, on ne se retrouve pas forcément dans une position parfaite. Et il faudra donc souvent revoir son comportement corporel pour réaliser au mieux certains mouvements. Immersif. Mille fois oui. Mais parfois too much. Autre point qui pourra faire débat : la technique. Visuellement, si la maîtrise artistique est évidente, la Wii peine cependant à suivre sur l'affichage. Avec son style pastel, l'impression de bouillie de pixels est réelle sur certains plans, en tout cas bien plus perceptible que dans Twilight Princess. Enfin, je m'étonne de la manière dont Nintendo a communiqué en dévoilant une myriade d'éléments sur son aventure. Des vidéos à ne plus savoir qu'en faire au point d'en montrer trop ? Une chose est sûre, si vous avez regardé chaque trailer, vous avez déjà aperçu la quasi intégralité des lieux traversés et bien plus de la moitié de l'ensemble des situations de jeu. Attention, le tout se montre pourtant conséquent. En ligne droite, l'histoire se vit sur près de 25 heures, ce à quoi vous pouvez ajouter une franche durée de vie avec l'intégralité des missions annexes. Mais il manque à mon avis un souffle... un quelque chose. Le meilleur exemple se situe vers la fin du jeu où, à l'image du château en noir et blanc de Wind Waker, une séquence aurait pu faire basculer totalement l'histoire vers des sphères cosmiques... et... et non. Dommage.

Je dois le confesser, malgré son évidente volonté de bien faire en renforçant l'immersion via le Wii MotionPlus et en renouvelant subtilement la structure de l'aventure, ce Zelda Skyward Sword n'aura pas réussi à me transporter autant que ses illustres aînés. La faute à quelques imprécisions parfois redoutablement frustrantes, à des allers-retours souvent prétextes à rallonger la durée de vie, et un monde finalement plus étriqué qu'il n'y paraît. Il manque un souffle épique, une situation où tout décollerait. Reste un très bon jeu, à la volonté de renouveau évidente, riche de mille et unes pépites ludiques, mais un titre qui arrive aussi au bout de la logique de la Wii. Le prochain Zelda devra encore franchir un cran pour parvenir à toujours entretenir la féérie de cette légende désormais vieille de 25 ans et qui, chapitre après chapitre, a toujours su s'imposer comme un modèle d'excellence. Un bon épisode oui, mais pas un inoubliable malheureusement.