Ce genre de test, c'est une véritable malédiction pour le moral. On attend beaucoup, en grande partie à cause d'une enveloppe aux charmes flamboyants et d'un buzz admirablement entretenu par Sony, et quand vient la version finale, tous les doutes des premières impressions se voient confirmés. On n'en finit plus de soupirer à mesure qu'on traverse le jeu, se rendant compte qu'on ne pourra vraiment pas passer outre ses défauts, trop critiques, et que ses qualités ne parviendront pas à le sauver...

Quel dommage

Heavenly Sword est beau, magnifique par endroits, et s'impose incontestablement comme le fruit d'un travail passionné ; c'est donc d'autant plus regrettable quand une fois le dernier combat achevé, dans la douleur, on se rend à l'évidence. C'est un titre qu'on ne pourra retenir que pour tout ce qui est secondaire dans le genre. La qualité des cinématiques, de la direction artistique, les visages éblouissants, la fluidité et la classe des animations de l'héroïne, les magnifiques chorégraphies des quick time events qui ponctuent ça et là l'aventure, les bruitages et les musiques tous deux de haute volée, la physique des objets qui volent en éclats... pour tout le reste, l'important, le critique même, Heavenly Sword échoue. Un level design basique enchaînant couloirs et arènes, des puzzles ennuyeux et anecdotiques, un scénario qui tient sur un timbre, une galerie de boss dont la débilité, parfois drôle, s'intègre mal avec le trop plein de sérieux des autres protagonistes, une durée de vie bien ridicule qu'on pardonne à cause de combats tellement répétitifs qu'on n'y prend très vite plus aucun plaisir, une utilisation du Sixaxis poussive et imprécise qu'il est préférable de désactiver en faveur de contrôles traditionnels... Oui, dit comme ça j'ai conscience que ça paraît particulièrement sévère. Mais c'est malheureusement bien le cas : Heavenly Sword est à des années lumières de la qualité d'un God of War, d'un Ninja Gaiden Sigma ou d'un Devil May Cry. C'est magnifique à regarder, mais à jouer c'est une toute autre histoire.

Des combats ratés, c'est con pour un jeu de combat.

Le système des trois gardes, renforcé des contres et de combos aériens, a tout sur le papier pour introduire une richesse rare dans les combats. Mais les ennemis décérébrés, peu variés, ne font rien pour obliger le joueur à faire autre chose que martyriser les boutons sans réfléchir. Que l'on étudie avec attention les combos ou que l'on fasse n'importe quoi ne semble pas changer grand chose, et la profondeur des combats attendue n'est jamais au rendez-vous. C'est une boucherie frénétique dont le sentiment de puissance qu'elle donne initialement s'évapore très vite pour être remplacé par un ennui ferme, la faute à cette stupide garde automatique qui au lieu de réellement rendre le combat accessible, le dépouille d'un aspect stratégique majeur. Du coup, on attaque, on attaque, sans arrêt, et surtout sans conviction. Certaines scènes nous font relever le nez un instant, comme le gigantesque champ de bataille rempli de milliers d'ennemis ou le second combat contre le boss Acerodon qui a quelque intérêt par rapport aux autres... Mais l'ensemble s'achève sur un affrontement encore plus brouillon que les précédents, dans lequel les magnifiques ailes d'ombre du Roi Bohan ne font que cacher entièrement ce que l'on fait, quand ce n'est pas la myriade de soldats au premier plan qui s'en charge. Les niveaux aux commandes de l'arbalète de Kai sont encore pires, puisqu'on y passe son temps à maintenir le bouton de tir appuyé puis diriger flèche après flèche vers des cibles quasiment immobiles ; super intéressant. Quand aux quicktime events, s'ils donnent bien lieu à des scènes superbes, ils parviennent eux aussi à être assez répétitifs et ennuyeux, la faute à une totale absence de rythme. Bref, ce qui se voulait un titre épique accédant au panthéon du jeu de combat, génère plus de frustration, de regrets liés à un indéniable gâchis de qualités, et d'ennui, que de souvenirs enchanteurs ou de morceaux de bravoure flattant l'ego du joueur qui s'est déjà pris avant pour un demi-dieu grec ou un fils de démon aux cheveux peroxydés. Pourtant Nariko est une héroïne réussie, mais une fois en mains, elle ne comble pas nos désirs... Au final, Heavenly Sword est une nouvelle preuve, s'il en fallait, qu'une plastique irréprochable peut conduire à d'amères déceptions quand on la ramène chez soi, si le reste ne suit pas.