Nombreux sont ceux qui ont déjà enterré Call of Duty depuis des mois. Has-been, limité, sans commune mesure avec Battlefield 3, et bla bla bla. Mais la vérité est ailleurs : non seulement la majeure partie des joueurs de la planète restera présente pour se jeter sur ce nouvel épisode, mais surtout, BF3 et MW3 ne proposent pas vraiment la même came, et c'est tant mieux... même si les comparaisons restent inévitables.

Best of Call Of

Si vous détestez Call of Duty pour son côté linéaire et rollercoaster décérébré, ce n'est toujours pas cette fois-ci que vous serez comblés par sa campagne solo. Mais si au contraire, vous ne rechignez pas à vous en prendre plein les mirettes pendant 6 ou 7 heures d'action intense, ce Modern Warfare 3 fait figure de conclusion épique pour la série. On y enchaîne une fois de plus les morceaux de bravoure, mais avec presque plus de voyages, plus de grandiloquence, plus de what the fuck : c'est la 3e guerre mondiale, façon Call of. Le jeu s'ouvre sur la séquence d'un New York dévasté, dont vous avez pu voir des extraits en vidéo, et donne le ton direct : des environnements plus vastes, plus familiers, et une guerre désormais ouverte dans les capitales de la planète et les recoins du monde, où toutes les factions entrent en lice et choisissent leur camp. De New York, donc, à Hambourg, en passant par Berlin, Londres, la Sierra Leone, Prague, la Sibérie, la Somalie, la Péninsule Arabe, les protagonistes engrangent les miles comme jamais. Il y a les connus, comme Price ou Soap, et les nouveaux, comme Yuri et Frost. Tous à la poursuite d'un Makarov plus puissant et plus évanescent que jamais, et avec de véritables idées, comme ce niveau dans l'avion du Président Russe, assiégé en plein vol, ou des retours intéressants sur certains tournants de l'histoire de Modern Warfare (comme la fameuse scène de l'aéroport du second), sans oublier les classiques, bien sûr (courses poursuites, breach au ralenti, situations apparemment désespérées). L'efficacité redoutable de l'enchaînement des séquences est aussi présent que jamais, malgré les déboires d'Infinity Ward et la grandiloquence déjà avérée des précédents épisodes qui aurait pu trop nous habituer à tout ça. Peu de fausses notes, un scénario plus direct et plus clair vers la conclusion de l'histoire (même s'il n'offre pas de grosses surprises), une reproduction des capitales familières criante de vérité (Montmartre !), et une échelle finalement toujours plus exagérée contribuent à boucler la trilogie en fanfare. Même le moteur, techniquement vieillissant, s'en tire encore honorablement, en compensant sa finesse moindre par rapport à un BF3, par une animation plus fluide (60 images secondes au lieu de 30) et de nouveaux effets d'ambiance, à coup de cendres et d'éclats, de neige et de fumées, qui servent encore bien l'immersion dans un chaos déchaîné, ou dans des phases d'infiltration sous une pluie torrentielle.

"So what's the plan ? Same as before, kill the bad guys"

Là où un BF3 vous retire finalement plus encore le contrôle dans ses scènes les plus intéressantes (le porte-avion et le jet, des QTE débiles), dans Modern Warfare 3, vous resterez toujours un minimum actif, aux commandes d'un zodiaque lancé à fond entre des sous-marins et navires de guerre dans la baie de New York par exemple, et vous ne verrez pas de QTE pour tuer un rat au couteau dans un tuyau. Pour moi, il n'y a pas photo : si BF3 a voulu faire du Call of Duty pour sa campagne solo, il est encore très, très, très loin de savoir le faire aussi bien, et ce Modern Warfare 3 en est encore la preuve la plus éclatante. Du début, jusqu'à l'assaut final en forme de récompense qui crie "allez vas-y, éclate-toi", on ne s'ennuie pas un seul instant. La formule reste la même, mais la maîtrise s'intensifie encore. Pas de respawn infinis, pas de bugs majeurs de scripts, et une difficulté un tantinet réhaussée, en partie à cause de la dimension décuplée des conflits. Vous l'aurez compris : loin de n'être qu'un bonus faire-valoir, le solo de Modern Warfare 3 offre une conclusion d'envergure à la trilogie, surprenante de qualité à l'aune de ce qui a précédé et des déboires d'Infinity Ward. Bien joué. Mais bien entendu, cela ne reste qu'une toute petite partie de l'offre, aussi soignée soit-elle. Alors, une fois les "cheap thrills" passés, il est temps de se reconnecter avec les internets...

De l'épique à plusieurs ?

Pour retrouver le côté grandiloquent de la campagne solo, mais en jouant à plusieurs, il faudra en passer par le retour ô combien agréable du mode Spec Ops. Celui-ci propose à présent deux sous-modes : la survie (l'équivalent d'un mode Horde 2.0 de Gears 3, avec vagues d'ennemis, achats de soutiens divers entre les vagues), et le Spec Ops original introduit avec Modern Warfare 2. Si le premier offre un gameplay classique, mais néanmoins bien ficelé et à mon avis beaucoup plus intéressant et nerveux que le mode Zombie cher aux Call of de Treyarch qui personnellement me gonfle prodigieusement, le second propose quelques missions coop' d'anthologie à vivre à deux, en revisitant en partie la campagne solo, soit par internet, soit en écran partagé. Comme précédemment, on choisit la difficulté de sa mission (regular, hardened, veteran) pour tenter d'obtenir d'une à 3 étoiles suivant les performances du duo. Le facteur temps rentre souvent en jeu, mais les 16 épreuves sont extrêmement variées. Depuis la mission d'entraînement, jusqu'au niveau dans l'avion où on joue cette fois l'autre camp, en passant par des missions où chaque joueur campe un rôle différent (l'un en couverture aérienne, et l'autre au sol, par exemple), ce mode de jeu offre vraiment de petites parties haletantes pour les amateurs de scoring en coop. Tout comme il m'avait séduit dans Modern Warfare 2, ce mode Spec Ops retrouve aujourd'hui encore mes faveurs, en proposant des moments de coopération, en mission ou en survie, assez savoureux. Reste maintenant la part du lion : le compétitif. De ce point de vue en revanche, ne vous attendez pas à retrouver le côté épique de la campagne solo et de certaines missions Spec Ops : à plus forte raison depuis que Battlefield 3 est passé par là avec ses décors destructibles, ses véhicules, et ses immenses cartes jouables à 12 contre 12 sur consoles et 32 contre 32 sur PC, le compétitif de Call of Duty : Modern Warfare 3 reste dans le chirurgical et la valeur individuelle, plutôt que les larges conflits et le jeu en équipe.

De nombreux petits changements... d'importance

Si les développeurs de Modern Warfare 3 n'ont pas changé d'orientation non plus pour le multi, conservant leur formule d'un gameplay nerveux, rapide, sur 16 maps jouant plutôt la carte d'un level design dense et tarabiscoté, un poil plus exigu, qui favorise également le talent individuel même dans les modes par équipe, beaucoup de changements ont eu lieu. Par rapport à Black Ops, d'abord, exit les COD Points, on revient à un système plus simple de progression. Les XP, bien sûr, pour monter de niveau et débloquer progressivement de nouveaux éléments, servent d'unique base, juste complétés par deux autres éléments : des points séparés pour débloquer dans l'ordre souhaité les différentes capacités spéciales des trois chaînes de Killstreaks à présent disponibles (je reviendrai en détails sur ce nouveau système réussi plus tard), et la progression en niveau des armes, qui permet de leur attacher des améliorations liées à leur maîtrise, comme la possibilité de diminuer le recul de chaque tir, d'augmenter le pouvoir perforant des balles, ou d'augmenter la précision du tir de hanche, mais aussi de leur adjoindre leurs équipements (les viseurs, lance-grenades, etc.), des réticules, et des camouflages. De prime abord, les changements n'ont l'air que de surface, mais en réalité, beaucoup de choses ont été prises en compte dans les détails : certains "perks" auparavant trop puissants ont été supprimés ou revus à la baisse, il est beaucoup plus difficile pour un seul joueur de dominer tous les autres simplement à cause de ce qu'il a débloqué, et globalement, l'ensemble du système paraît plus équilibré (exit les fins de partie à la bombe nucléaire !). Saluons également le nouveau mode vraiment intéressant qui accompagne les 9 autres modes "standard" (Match Free For All, Team Death Match, Search & Destroy, Sabotage, Domination, Headquarters, Capture the Flag, Demolition et Team Defender) : le "Kill Confirmed". C'est un Team Deathmatch évolué, dans lequel il faut ramasser les dogtags laissés par les morts pour confirmer ses propres frags, ou infirmer ceux de l'équipe adverse. C'est un mode vraiment réussi, parce qu'il change le comportement des joueurs face à la ligne de front. Certains tentent des percées risquées pour aller récupérer des dogtags et favoriser leur équipe ou défavoriser l'autre, et il ne suffit plus d'avoir les meilleurs tireurs pour vaincre, chaque prouesse pouvant être effacée par l'ennemi. Enfin, le multi de MW3 ne favorise plus un seul type de joueur (celui qui sait viser et obtenir un ratio de frags/morts positif), mais offre au contraire de quoi faire pour ceux qui préfèrent jouer en soutien, grâce aux trois "strike package" différents qui remplacent les Killstreaks simples de Modern Warfare 2.

LA bonne idée : les Strike Packages

Comme je vous l'expliquais brièvement plus haut, les Killstreaks, ces bonus débloqués quand on enchaîne les kills sans mourir, ont été revus, pour mettre en place un nouveau système : les Strike Packages. Il en existe trois : assaut, soutien, et spécialiste. Le premier reprend peu ou prou le système d'avant : il est fait pour les joueurs plutôt talentueux, capables d'enchaîner les kills sans mourir, et offre des bonus axés sur le combat (missile téléguidé, hélico d'assaut, etc.). Il aura probablement la faveur des meilleurs attaquants. Mais dans les modes par équipe type domination, capture de drapeau, démolition, etc. l'ancien système de kill streaks ne favorisait pas véritablement la concentration sur les objectifs de victoire. En effet, puisqu'il fallait tuer pour obtenir des bonus pouvant faire basculer la partie, beaucoup de joueurs ne se consacraient pas entièrement à l'obtention ou à la défense d'objectifs. Ce sera désormais le cas avec le Support Package, dont la progression n'est pas remise à zéro lorsqu'on meurt. Du coup les joueurs moins doués individuellement pourront aussi bénéficier de bonus avancés, qui favoriseront leur équipe. Fournir des armures à ses coéquipiers, contrer les bonus de reconnaissance ennemis, ou même poser des tourelles de défense radio-contrôlées devient accessible même à ceux qui ne peuvent pas enchaîner plus de 3 kills d'affilée, mais surtout, on peut faire progresser son Strike Package autrement qu'en tuant : en défendant ou capturant une zone, un drapeau, ou n'importe quel objectif, ou même en accumulant les assistances. Beaucoup plus logique et équilibré, le Strike Package de soutien prend tout son sens dans les modes par équipes. Enfin, le dernier package, "spécialiste", permet de débloquer un nouveau "perk" tous les deux kills. Si vous parvenez à en enchaîner 8 sans mourir... votre personnage disposera de tous les perks du jeu ! Enfin, parmi les autres bonnes idées, il y a les emblèmes par exemple : en accomplissant certaines choses, vous débloquez des bannières visuelles à choisir, qui s'afficheront sous votre pseudo. Il y en a une tonne, des amusantes aux prestigieuses, pour personnaliser encore plus votre callsign aux côtés des portraits et des tags de clan. Survivez à une chute de 10 mètres, devenez un as du couteau, désamorcez beaucoup de bombes, etc... et une image correspondante deviendra accessible. Citons pour conclure l'introduction des jetons de prestige, qui permettront à présent de débloquer selon votre choix des bonus dans la boutique prestige, comme une classe personnalisée supplémentaire, ou un bonus d'accumulation d'XP pendant quelques jours, pour vos armes ou vous-même, par exemple. En outre, histoire d'y revenir brièvement car c'est important pour les gros joueurs : toutes les personnalisations déblocables, d'armes, de persos, de strike package et compagnie peuvent être gérées directement depuis Call of Duty Elite (sur console, navigateur internet, ou téléphone portable iOS et Android), et le service, dans sa version gratuite, éclipse aisément le Battlelog d'EA grâce à une ergonomie réussie, un côté ultra complet, et une transversalité des plates-formes sur lesquelles il est disponible. Seul bémol : il ne sera pas disponible pour les joueurs PC, en partie à cause du retour des serveurs dédiés qui pose des problèmes techniques aux développeurs. Notez enfin, bien entendu, que l'enregistrement et le partage de vidéos, photos, etc., introduit dans Black Ops, est de retour, et qu'il est même à présent possible de placer dans sa zone de partage, en plus de ceux-là, des classes personnalisées, ou des rotations de maps préférées, ou encore des configurations de modes de jeu perso pour le matchs privés (voir ci-dessous).

Pas encore parfait

Bref, le multi compétitif de Modern Warfare 3 a entrepris beaucoup de choses pour devenir un peu plus accessible aux néophytes, tout en rééquilibrant son jeu pour accommoder des approches différentes et rendre ses modes à objectifs plus intéressants pour différents types de joueurs. Reste un certain nombre de reproches qu'il me faut bien formuler. D'abord, certains trucs agaçants n'ont pas disparu, comme la possibilité de retrouver sa caisse bonus larguée dans un endroit inaccessible, ou un frame lag encore épisodiquement présent pour des télés mal réglées. C'est à dire une légère désynchro entre vous et la killcam de votre bourreau, si l'électronique de votre télé ralentit un peu trop son affichage. C'est cependant assez simple à éviter (d'autant que c'est rare) : il vous suffit de désactiver les post-traitements de votre télé en la configurant en mode de base. Plus regrettable, en revanche, le travail effectué sur les Matchs Privés. L'initiative reste excellente : proposer un contexte de jeu plus axé sur le fun pur, un peu à la manière des Matchs à Paris de Black Ops, avec des modes entièrement paramétrables par les joueurs pour qu'ils puissent définir les règles de leurs parties entre potes. Six modes de jeu cohabitent dans les matchs privés : Drop Zone (une sorte de mode domination qui octroie des largages automatiques à ceux qui tiennent la zone), Team Juggernaut (un joueur Juggernaut ultra armuré par équipe, le but est de protéger le sien et de tuer celui des adversaires), Juggernaut (tout le monde contre le joueur Juggernaut, le tueur du Juggernaut devient le nouveau Juggernaut), Infected (les éliminés deviennent des infectés, il faut infecter les autres ou survivre pour marquer), et le retour de deux modes issus de Black Ops : Gun Game (chaque kill fait progresser votre arme le long d'une liste à présent établie par les joueurs), et One in the Chamber (un balle, on gagne des balles supplémentaires en tuant les ennemis). Premier regret : les autres modes géniaux de Black Ops qui n'ont pas fait la transition, comme le Stick and Stones (faiblement personnalisable, je comprends plus la disparition de celui-ci), et Sharpshooter (celui-ci aurait été super avec les options de personnalisation des parties !). Si le mode Team Juggernaut représente un vague intérêt, le mode Juggernaut tout court est un non-sens de game design absolu : tous les joueurs s'alignent pour tuer le Juggernaut, mais seul le tireur de la dernière balle devient le Juggernaut. Le système de score ne tient pas compte de la participation des différents tireurs, qui mettront systématiquement quelques secondes avant de se séparer du nouveau Juggernaut qui vient d'apparaître au milieu de leur mêlée, ce dernier devant réaliser vite sa transformation sous peine de ne pas vraiment en profiter. Franchement sans intérêt. De même, le mode "Infected" souffre d'un lourd défaut : on marque beaucoup en survivant, il suffit donc bien souvent de se planquer efficacement en s'allongeant dans un recoin sombre et en attendant que le temps passe pour se retrouver dans le haut du classement sans rien faire. Même si on peut paramétrer les différences entre infecté et survivant, ça reste vraiment bancal. Enfin, par souci d'en faire une partie réservée au jeu entre amis, les devs ont rendu impossible les matchs privés entre joueurs qui n'apparaissent pas dans la liste d'ami de celui qui créée la partie. Du coup, on ne peut tout simplement pas jouer dans ces modes avec des inconnus, c'est un choix tout à fait curieux. Peut-être est-ce également du au fait que dans les matchs privés, tout est débloqué d'office pour permettre de paramétrer les parties comme on le souhaite, mais ça reste débile à mon avis d'en limiter ainsi l'accès.

Bref, ce n'est pas encore cette année que Call of Duty chutera dans les tréfonds de la médiocrité. Certes, Battlefield 3 propose à présent une expérience en multijoueurs qui le surpasse sur pas mal de points pour les amateurs de jeu en équipe et de parties de plus grande envergure à tendance plus "réaliste", mais Modern Warfare 3 et le titre de DICE restent surtout assez différents. Puisqu'il faut bien les comparer, cependant, vu que les bourses ne sont pas extensibles, concluons point par point. Vous aimez les campagnes solo survoltées ? MW3 domine largement sur ce point. Vous aimez les co-ops bien ficelés et variés ? Optez pour MW3. Vous aimez les multijoueurs compétitifs aux possibilités étendues et qui favorisent la bravoure en équipe ? BF3 règne en la matière. La qualité visuelle et l'immersion sonore sont pour vous une part importante de l'expérience d'un shooter moderne ? BF3 sort en tête (surtout sur PC). Vous préférez les multi compétitifs dans lesquels vous pouvez briller individuellement sur des parties plus courtes ? C'est plutôt MW3 qu'il vous faut.