En effet, n'oublions pas que Wada est aussi le Chairman du CESA, la Computer Entertainment Software Association, le syndicat des éditeurs de jeux nippons et organisateur du TGS. Et c'est en cette qualité qu'il a tenu à peindre un portrait complexe du paysage de l'industrie du jeu d'aujourd'hui. Contrairement à celle d'Iwata à la dernière GDC (voir GDC 2011 > Apple / Nintendo : la guerre des visions ?), Wada a partagé une vision plutôt lucide et positive du boom mondial des smartphones et des jeux sur réseaux sociaux, mais le titre de son discours, "Le courant sous-jacent d'une révolution dans l'industrie du jeu vidéo", faisait plutôt référence au Cloud Computing, autrement dit le jeu entièrement dématérialisé à la OnLive.

Une réflexion portée vers l'avenir...

Premier élément et non des moindres, Yoichi Wada a choisi de montrer des graphiques en anglais pour soutenir son discours. Un signe évident qu'il s'adressait non pas seulement aux professionnels japonais, mais à une industrie fortement mondialisée et dont l'économie réside, aujourd'hui, principalement en occident. Parmi ces graphiques, le plus intéressant restait sans doute celui qui montrait la croissance du marché estimé depuis les premiers âges du jeu vidéo, jusqu'à aujourd'hui. A la manière de couches sédimentaires reposant les unes sur les autres, les différentes strates représentant l'arcade, les consoles, les portables, et, plus proche de nous, le jeu sur smartphone, réseaux sociaux, et demain, sur des services dématérialisés, illustraient bien la croissance continue de l'industrie au fil de ses 40 ans d'histoire. Une croissance faite d'agglomérations de nouvelles manières de jouer, s'ajoutant aux anciennes, mais ne les remplaçant pas nécessairement. "La barrière d'entrée" au jeu vidéo, au fil du temps, n'a cessé de gagner en perméabilité, expliquait-il, depuis les grosses machines d'arcade que le particulier ne pouvait avoir chez lui, jusqu'aux appareils multi-fonctions que sont les smartphones d'aujourd'hui, en passant par les premières consoles de salon, bien sûr. Une manière de montrer aussi qu'il était dans la nature même de l'industrie de se réinventer continuellement, et que l'arrivée de nouvelles manières de jouer aujourd'hui, n'est qu'une répétition, inévitable semble-t-il, de l'histoire vécue hier.

... sans oublier le passé

Ainsi, si la pierre angulaire de l'industrie semble en train de s'éloigner de la puissance brute des différents appareils permettant de jouer, pour s'orienter vers autre chose, alors c'est bien vers le cloud gaming, estime-t-il. "Si nous pouvons concentrer la puissance de tous les appareils dans le cloud computing, nous aurons alors un changement de paradigme", expliquai-t-il, c'est à dire un changement fondamental de direction. Qu'il embrasse à bras ouverts : "je crois que le cloud est la vraie révolution", a-t-il affirmé. Ceci dit, ce n'est pas forcément pour tout de suite. Selon Wada, ce changement de direction pourrait s'opérer en effet d'ici à 2015. "Il y a une déferlante... une marée de tous ces changements qui interviennent tous au même moment", soulignait-t-il, "et je crois que nous n'avons vu que la première vague, et qu'il nous reste à faire l'expérience de la seconde, puis la troisième qui arriveront dans les années à venir". Et quelles sont ces vagues du changement ? La première vague fut celle de la montée des smartphones, et la distanciation d'avec la puissance brute comme force motrice principale de l'industrie. Parmi les suivantes, Wada s'est laissé allé au rêve de l'holographie, qui pourrait forcer le retour des joueurs vers des machines dédiées, car dans sa vision des choses, il ne fait aucun doute semble-t-il, que le Cloud Gaming reste le prochain grand changement que le joueur vivra.

S'adapter et se recentrer

Ainsi, Wada a exorté les professionnels à ne plus penser autant qu'auparavant à la compétition des consoles comme coeur de l'industrie, pour se concentrer plutôt sur une pensée plus abstraite du média, centrée autour de l'expérience de jeu qu'on souhaitait créer - y compris en termes de modèle économique. Car parmi ses observations, Wada ajoutait que l'équilibre des forces, en ce qui concerne le prix du jeu vidéo, semblait de plus en plus pencher en faveur d'un utilisateur qui maîtrise plus précisément ses dépenses au travers de modèles basés sur le micro-paiement, plutôt qu'en faveur des éditeurs proposant des jeux en boîte à des prix plus élevés et établis. En d'autres termes, ce que le joueur d'aujourd'hui et celui de demain perçoivent comme ayant de la valeur est en train de changer, au fur et à mesure que de nouvelles possibilités et de nouvelles offres émergent - tout comme la pièce de 5 francs pour une petite partie en arcade a cédé sa place au billet contre une cartouche pour console de salon il y a bien des années.

A l'évidence, rien dans le discours de Wada ne paraissait fondamentalement nouveau : mais replacé dans le contexte d'une industrie japonaise fortement traditionaliste, plus encore ancrée sur le modèle de la distribution traditionnelle que la nôtre, il montrait clairement pourquoi Yoichi Wada peut être considéré comme un patron moderne, conscient des enjeux de demain.