Et c'est en l'occurrence Chris Charla, le patron du programme ID@Xbox qui nous a accordé quelques minutes de son temps pour répondre aux questions de votre serviteur concernant le jeu indépendant. Et pour ceux qui n'auraient pas le temps de profiter de cet entretien en vidéo car leur esprit glisse ailleurs, en voici la retranscription. C'est cadeau !

Gameblog : Bonjour Chris, merci de nous recevoir. Cela fait maintenant une dizaine d'années que Braid est venu remettre à l'honneur le jeu indépendant sur consoles, quels ont été les principaux changements opérés dans l'industrie depuis lors ?

Chris Charla : C'est assez incroyable. Vous l'avez souligné : le Summer of Arcade ou Braid, Castle Crashers, tous ces jeux sont sortis, a changé l'industrie du jeu vidéo à jamais. Nous avons ouvert une sorte d'âge d'or du jeu indépendant, qui ne semble pas ralentir. Au contraire, nous assistons plutôt à une accélération, avec des développeurs qui occupent désormais des espaces très différents. Avant, il existait surtout de tout petits jeux, très beaux et artistiques, mais aujourd'hui j'ai l'impression d'être le témoin d'une véritable floraison du jeu indépendant. Un jeu comme Spiritfarer par exemple, que nous avons révélé hier lors de la conférence, et il arrive juste après Cyberpunk 2077 ! C'est aussi un jeu indépendant bien sûr, mais d'un studio bien plus grand. Et le fait que l'on passe de Cyberpunk 2077 et Keanu Reeves à Spiritfarer, qui est vraiment très différent, cela illustre la diversité qui existe dans le jeu vidéo grâce aux développeurs indépendants.

Vous avez récemment célébré le lancement du millième jeu du programme ID@Xbox, n'est-il pas plus difficile de trouver de nouvelles idées originales aujourd'hui ?

Heureusement pour nous, nous ne sommes pas ceux qui doivent avoir de nouvelles idées ! C'est le travail des développeurs. Lorsque le programme a commencé, quelqu'un m'a demandé ce qui me rendait le plus enthousiaste, et ma réponse aujourd'hui serait exactement la même : je suis enthousiasmé par ce que je ne peux pas imaginer. C'est ce que nous avons ressenti lorsque nous avons découvert Cuphead : personne ne pouvait imaginer que quelqu'un penserait à développer un run and gun à la Contra animé à la main ! C'était pareil pour Spiritfarer, qui est un magnifique jeu de simulation et de construction, nous n'y aurions jamais pensé non plus. Quand je vois ce que font les développeurs, je me dit qu'ils ne manqueront jamais de nouvelles idées.

Vous avez évoqué la notion de direction artistique : n'avez-vous pas l'impression de beaucoup de studios optent désormais pour une approche en pixel art ?

Finalement, on peut se lasser de n'importe quel style, n'est-ce pas ? Mais quand je regarde certains jeux comme Blazing Chrome, je me dis qu'il y a encore des choses à faire. Quand le pixel art est arrivé sur le devant de la scène, je me suis dit que ce ne serait peut-être qu'une mode. Mais quand on voit ce que des jeux comme BELOW ou Blazing Chrome parviennent à faire, le pixel art continue finalement d'innover. Personnellement, je ne m'en lasse pas. Je me lasse des jeux qui n'essayent pas vraiment de se distinguer, mais quand on regarde le haut du panier, il y a des choses incroyables.

Microsoft édite aujourd'hui beaucoup de jeux, mais où fixez-vous la limite ? Jusqu'où les développeurs peuvent-ils aller dans l'approche expérimentale ?

C'est une bonne question, ça dépend vraiment d'eux ! Avec ID@Xbox, les développeurs s'auto-éditent, et nous parlons beaucoup avec eux. Les échanges sont confidentiels, mais nous commençons toujours par discuter de la façon de vendre plus de jeux, et ce que nous pouvons faire pour y arriver. Mais nous sommes toujours clairs sur un point : vendre des jeux est dans l'intérêt de Microsoft et des développeurs, mais il existe plein d'autres raisons pour faire des jeux : créatives, personnelles, artistiques... Et il y a donc d'autres façons de rencontrer le succès que le succès commercial. Alors, si vous venez chez Microsoft pour développer des jeux, nous allons vous dire qu'il faudrait plutôt intégrer tel élément ou sortir le jeu à cette période pour maximiser les ventes, mais vous pouvez ignorer nos recommandations, et faire ce que vous voulez ! Nous sommes tout aussi enthousiastes concernant un jeu expérimental qui connaîtra un succès commercial modeste que vis-à-vis d'un blockbuster. Car pour nous, l'idée est de proposer un contenu diversifié, et nous avons ainsi besoin de variété. Lorsque les développeurs viennent nous voir, et ils veulent généralement vendre leur jeu et être récompensés, mais bon nombre d'entre eux sont des artistes, et ont une vision qu'ils entendent exprimer. C'est ce qui reste le plus important à leurs yeux, alors nous essayons de les y encourager.

Vous êtes donc à l'aise à l'idée de parfois vendre moins de jeux afin d'élargir l'offre disponible ?

Tout à fait, la diversité, c'est important. Nous souhaitons que tous les jeux se vendent bien ! C'est l'avantage du Xbox Game Pass : il nous permet de proposer tout un tas de jeux à des joueurs qui ne les auraient pas forcément acheté, et cela permet en même temps au développeurs de s'adresser à des millions de joueurs. Grâce aux données collectes, nous savons que des possesseurs du Game Pass essayent des jeux dans des genres qu'il n'avaient encore jamais exploré. Et après cet essai, ils vont parfois acheter des jeux de ce genre, nous savons donc qu'il permet d'offrir une véritable exposition à une large audience, c'est ce qui rend pour moi ce programme si intéressant.

Beaucoup d'entreprises se penchent désormais sur le secteur de l'édition : comment Microsoft parvient-il à se distinguer face à cette concurrence grandissante ?

Je pense que la démarche entamée avec les Xbox Studios et le fait de travailler avec de plus en plus de développeurs (nous avons annoncé 14 nouveaux first-party jeux hier, c'est un record pour nous), et de ce côté nous avons les choses bien en main. Du côté des développeurs indépendants, le Game Pass nous a effectivement permis de travailler avec un nombre croissant de studios.

Les développeurs prennent-ils conscience de cette ouverture offerte par le Game Pass ? Avez-vous l'impression qu'ils modifient leur façon de procéder lorsque leur jeu peut d'un coup s'adresser à des millions de joueurs ?

Je ne pense pas. Ils prennent conscience de ce succès, car nous leur communiquons les chiffres, mais j'espère que cela ne change rien de leur côté. Ce qui fait que le Game Pass fonctionne, c'est qu'il propose une grande variété de titres. Si l'on travaille sur un free-to-play par exemple, il y a tout un tas de mécaniques qui en découlent : ce n'est pas comme cela que fonctionne notre abonnement. Via le Game Pass, vous avez la possibilité d'essayer de très nombreux jeux, mais nous ne souhaitons pas que des développeurs pensent à un jeu « pour » le Game Pass. Si le jeu est bon, sa présence via notre offre permettra aux joueurs de s'y essayer.

Est-ce la raison pour laquelle nous avons vu tellement de jeux lors de la conférence Xbox sans s'attarder sur le gameplay ?

Oui, nous voulions en montrer une tonne ! Dans notre montage ID@Xbox, nous avons montré 20 jeux, tous seront disponibles via le Xbox Game Pass, et je crois que 18 d'entre eux seront également disponibles via la version PC. Nous souhaitions attirer l'attention des joueurs pour qu'ils aient ensuite l'envie d'en apprendre un peu plus sur les jeux qui les ont intéressé.

Vous parliez de chiffres il y a quelques instants, pourriez-vous nous dire quels sont les jeux qui ont eu le plus de succès au cours de ces douze derniers mois ?

... Non ! Je ne sais pas. Malheureusement, nous ne communiquons pas souvent sur les ventes car cela concerne surtout les développeurs. Il me sera donc difficile de vous répondre, désolé.

Mais ces données vous offrent-elles des pistes pour travailler en bonne harmonie avec les développeurs ?

Oui ! Lorsque nous discutons avec les développeurs, nous pouvons leur expliquer que le choix d'un genre produit généralement les mêmes résultats, et nous voulons être sûrs qu'ils disposent de ces informations pour pouvoir faire les bons choix. Et ils peuvent très bien choisir de travailler sur un genre qui les passionne, et c'est super, nous les y encourageons ! Mais nous voulons être sûrs qu'ils aient toutes les informations à leur disposition afin de faire des choix éclairés.

Vous avez précisé que les développeurs pouvaient aller « contre » votre volonté, mais cela affecte-t-il votre relation par la suite ?

Non, il n'y a pas de problème ! Ce que nous essayons de faire, pour vous donner un exemple, c'est de leur dire : « pour les studios indépendants, le meilleur jour de sortie, c'est le vendredi, car les gros jeux arrivent le mardi, ils prennent beaucoup de place, alors que le vendredi, on profite du weekend. ». Nous l'expliquons aux développeurs, mais à force de tous leur dire que le vendredi était le meilleur jour, nous pouvons leur proposer le mercredi. Et certains nos demanderont le jeudi ! Nous partageons les informations, mais nous ne voulons pas leur dire ce qu'ils doivent faire. Vous savez, un studio composé d'une seule ou de cinq personnes ne possède pas de service marketing, ils ne peuvent pas s'appuyer sur les résultats des 40 jeux précédents qu'ils auraient sorti l'année précédente, ou suivre toutes les courbes du marché... Notre tâche, c'est donc de leur fournir, et ils en font ensuite ce qu'ils veulent. Nous souhaitons simplement porter les jeux que nous trouvons cool, peut importe si le genre a le vent en poupe ou non.

Vous en parlez comme s'il s'agissait aujourd'hui de votre mission principale auprès des développeurs...

Oui, je pense que chez ID@Xbox, nous nous sommes fixés trois règles : la première, c'est de sortie le jeu sur consoles, la seconde est de promouvoir le jeu lors de salon et d'événements comme l'E3, et la troisième est d'informer les studios sur l'état du marché afin qu'ils prennent de bonnes décisions.

Et en matière d'exclusivités ? Que se passe-t-il lorsque des développeurs demandent à sortir leur jeu sur d'autres plate-formes ?

La plupart du temps, les jeux indépendants démarrent sur PC, puis arrivent sur consoles... Au bout du compte, nous voulons être sûrs que les développeurs rencontrent le succès, ce qui peut être synonyme de portages sur d'autres plate-formes. Bien évidemment, nous voulons ces jeux sur Xbox. Si le jeu sort d'abord sur Xbox, c'est génial, et nous en serons très contents et y prêterons beaucoup d'attention. Mais garder les jeux loin des joueurs ne nous intéresse pas.

Ce n'est donc pas un problème pour vous ?

Non, si un jeu sort d'abord sur Xbox, que tout le monde l'adore, et qu'il arrive ensuite sur Switch ou PlayStation 4...

Porter Cuphead sur Switch était donc une bonne chose ?

Oui, je pense ! Cuphead est un jeu fantastique sur Xbox. Nous avons discuté avec le studio MDHR, notre partenariat s'était très bien passé, et nous leur avons parlé de nos projets de porter le Xbox Live Arcade sur d'autres plate-formes, et nous leur avons demandé s'il seraient intéressés pour travailler en vue de l'arrivée du service sur Switch, et ils étaient d'accord. Aujourd'hui, Cuphead est disponible sur Switch et nous continuons de travailler sur le Xbox Live donc... tout va bien !

À quoi peut-on s'attendre dans un futur proche ? Quel sera le prochain jeu Xbox à sortir sur Switch ?

Oh je n'en ai aucune idée ! Mais nous sommes toujours à l'écoute des développeurs, et s'ils souhaitent porter le Xbox Live ailleurs, nous en parlerons.

Merci pour votre temps !

Merci beaucoup !

Et bon E3.

Merci, à vous aussi.