Avec 3 millions et demi de machines pour les seuls Etats-Unis et Japon, et un succès similaire en Europe depuis la sortie de la machine, le constat s'impose : ne pas adapter leurs grosses licences sur la console de Nintendo, c'est se fermer un parc installé qui croît à une vitesse peu commune.

En février, ce sont trois jeux Nintendo qui monopolisaient le podium des meilleures ventes américaines. A côté de cela, aucun des éditeurs américains n'avait un seul jeu Wii dans le top 20. La majeure partie des analystes s'accordent à prédire que le leadership de la Wii va continuer de l'élargir, IDC prévoyant carrément 16,1 millions de machines livrées cette année, contre 9,87 millions de Xbox 360 et 9,1 millions de PS3 ! Qu'il s'agisse d'Electronic Arts, d'Activision, ou encore Take Two, beaucoup ont réalisé trop tard la manne que représente la Wii.

Va falloir se magner

Pourtant, on le sait, Nintendo ne fait pas partie des partenaires les plus faciles : royalties élevées, conditions strictes... mais même avec ces difficultés, tous prévoient de renforcer leurs investissements vers la plate-forme du géant nippon, Electronic Arts doublant ses jeux Wii, prévoyant 12 titres pour cette année. Sans compter que développer un jeu Wii coûte a priori moins cher compte-tenu de son niveau technique inférieur à ceux de la PS3 et de la Xbox 360. Un sacré revirement de situation par rapport à la génération précédente, très largement dominée par Sony et ses plus de 110 millions de PS2 écoulées depuis 2001, dont 37,7 aux Etats-Unis... contre 11,7 millions de GameCube sur ce même marché.

Bref, qu'on le veuille ou non, il faudra compter avec la petite console blanche, qui entre dans un cercle vertueux : beaucoup de consoles vendues, les éditeurs s'en préoccupent et veulent adapter leurs titres... donc plus de jeux à venir et de nouveaux clients qui s'en trouveront séduits. Par ailleurs, dans la mêlée des gros éditeurs, seul Ubi Soft avait parié suffisamment tôt sur ce succès. Ils en tirent les bénéfices aujourd'hui, avec une augmentation des ventes de 24% depuis décembre, et une mise à jour des projections de chiffre d'affaire effectuée en janvier, révisant à 16% sa croissance par rapport aux 10% prévus précédemment. En comparaison, d'après les analystes de Nollenberger Capital Partners cette fois, Electronic Arts aurait perdu 25% de ses ventes en février par rapport à 2006 à cause d'un manque de jeux Wii, tandis que l'industrie tout entière aurait connu une croissance de 28% pour ce même mois de février.

Des leçons à tirer ?

Evidemment, rien n'est jamais acquis dans un monde aussi dynamique, mais comme le théorisait entre autres Denis Dyack, le PDG de Silicon Knights, le succès de la Wii et sa considération révisée par les acteurs majeurs de l'industrie semble corroborer la tendance du software comme force motrice du jeu vidéo, plutôt que du hardware. Si, traditionnellement, c'était ce dernier qui menait la barque, il se dévalue de plus en plus pour de nombreuses raisons, laissant sa place, plus que jamais, au service et au logiciel. Parier sur la plate-forme la plus avancée technologiquement n'est plus vraiment une bonne idée, semble-t-il, à l'heure où y développer un gros jeu coûte une quinzaine, voire une vingtaine de millions d'euros (contre dix fois moins sur Wii, estime-t-on). Toujours est-il qu'après deux générations de domination de la PlayStation, se profile peut-être un changement plus important qu'on ne le soupçonne dans l'équilibre des forces en présence. De quoi s'intéresser plus que jamais à l'avenir et à cette génération de consoles... et se demander si la précipitation des éditeurs tiers à sortir des produits Wii ne risque pas de susciter quelque regrettables ratés.