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Après sa réunion du 26 février dernier, le conseil d'administration de Gameloft a fait connaître son rejet unanime de l'offre publique d'achat réalisée quelques jours auparavant par Vivendi. Dans un communiqué diffusé lundi dernier, la société de Michel Guillemot justifie ce rejet de la manière suivante : 

L'absence de rationnel industriel de ce projet de rapprochement. Depuis la vente il y a plus d'un an de son activité jeux, Vivendi, dont le chiffre d'affaires est en très grande majorité généré par la télévision payante avec Canal+ et par la musique avec Universal Music, n'a plus aucune activité susceptible d'apporter des synergies à Gameloft. En entreprise indépendante, Gameloft dispose de tous les atouts mis en place depuis sa création pour continuer la mise en oeuvre de son plan industriel qui vise à tirer profit de la croissance de l'industrie des jeux sur mobile et en particulier de la très forte croissance du marché de la publicité programmatique sur mobile.

L'insuffisance des termes financiers de l'offre, au regard de la valeur intrinsèque et des perspectives de Gameloft, déjà partiellement reflétées par le cours de l'action Gameloft.

La déstabilisation des équipes de Gameloft résultant de cette offre hostile et en particulier de ses créatifs et leur management très attachés au caractère indépendant de la société.

Les modalités de la montée au capital de Gameloft par Vivendi depuis le 22 septembre 2015, qui ont trompé et lésé les actionnaires minoritaires ayant cédé leurs titres à Vivendi.

Frédéric Ichay, avocat associé au sein du cabinet Pinsent Masons spécialisé en Droit des sociétés ainsi que dans les fusions et acquisitions internationales, estime que ce rejet est loin de mettre un terme à la saga qui oppose actuellement Vincent Bolloré aux entreprises dirigées par les frères Guillemot :

Vincent Bolloré, au travers du géant Vivendi, continue à essayer d'intimider la famille Guillemot et leurs entreprises d'édition de jeux sur mobile. L'offre, pourtant généreuse, du Président de Vivendi, proposant une prime de 50,4% par titre, vient d'être unanimement rejetée par le Conseil d'administration de Gameloft. Ce rejet a conduit à une tendance boursière haussière témoignant ainsi de l'espoir des investisseurs d'un relèvement de l'offre de Vivendi. Conscient de l'enjeu, ce dernier a alors relevé de 20% son offre : une relance rendue possible grâce, justement, à la cession très rentable d'Activision Blizzard, la division jeux vidéo du groupe, en 2013.

Ce rapprochement permettrait à Vivendi de se positionner sur l'ensemble des médias : après les réseaux, les télécoms, la musique, la télévision, et bientôt les jeux vidéo, proposant ainsi des offres package sur tous types de plateformes. Cependant, cet assaut apparaît surtout comme un moyen de renforcer la pression sur Ubisoft dont le PDG Yves Guillemot n'est autre que le frère de Michel Guillemot, lui-même PDG de Gameloft.

N'ayant pas obtenu gain de cause, Vivendi a immédiatement revu son offre à la hausse. Dans la partie Vivendi-Gameloft de cette opposition entre Vincent Bolloré et les frères Guillemot deux questions importantes restent encore sans réponses : quelle offre de Vivendi fera plier le conseil d'administration et les actionnaires de Gameloft ? Et jusqu'à quel point Vincent Bolloré sera-t-il prêt à faire monter son offre publique d'achat ? Il semble en tout cas probable que la réponse à au moins une de ces questions soit trouvée dans les semaines ou les mois à venir.