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Le site du magazine français Premiere a récemment confié le test de The Evil Within à Christophe Gans, le réalisateur, entre autres, de l'adaptation cinématographique de Silent Hill. De ce test découle un long entretien dans lequel il est question de Mikami, de Survival Horror, et même de Silent Hills. Morceaux choisis (attention spoilers).

Sur le type de Survival Horror qu'est The Evil Within :

Il (Shinji Mikami) démarre The Evil Within dans ce pur language Train Fantôme qui est le sien. En deux temps, tu te retrouves pendu par les pieds dans un climat de boucherie, tu dois échapper à un tueur à la tronçonneuse dans un couloir rempli de lames coupantes qu'il actionne, puis passer par des égoûts qui sont un cloaque dans lequel on a jeté des restes humains, et tu finis dans un hôpital psychiatrique ! Tout ça en dix minutes !...

Et par dessus, il y a la part Silent Hillesque, métaphysique, hyper constitutive de ce jeu. On donne une idée matérialiste, compilatoire, du cinéma d'horreur, en s'amusant à citer Massacre à la tronçonneuse, Evil Dead etc... Et en même temps il faut que ça décolle dans quelque chose dont les gamers, aujourd'hui, ont besoin. Une couche additionnelle, un bonus presque "auteurisant..." En commençant à y jouer, j'ai pensé : « Ça ressemble à un film d'horreur espagnol ! ».

La vague du cinéma d'horreur espagnole a eu cette problématique, d'être à la fois très efficace et d'avoir ce bonus de sens - d'impression, de sensation. Ce qui a donné des films curieux, dont ceux de Jaume balaguero (Rec, Fragile, etc). Et TEW, dans son aspect compilatoire et métaphysique, rappelle ces films-là. On s'y balade dans la campagne, on arrive chez des culs terreux, qui sont en fait des zombies, on rentre dans des grandes maisons, on doit faire attention à ce qu'on fait... C'est un jeu qui n'est pas américain. Autant le premier Resident Evil se voulait américanisant, autant celui-ci se veut hispanisant.

Sur les différences entre Shinji Mikami et Hideo Kojima :

Mikami, je l'imagine jouer à tous les jeux qui sortent et se dire : "Ah merde ! Ils ont réussi ça ! Ça, c'est bien !" TEW est finalement un message adressé au joueur, disant : "J'ai joué aux mêmes choses que toi." C'est un gamer, et il le dit à travers ses jeux. Contrairement à Hideo Kojima, par exemple, qui plane au-dessus de l'humanité comme un gourou. Mikami est davantage au niveau du joueur. Il est des nôtres...

Sur les problèmes que peuvent poser le désir de proposer un jeu cinématographique :

Bah forcément ! Là, il y a pour moi un déséquilibre. C'est vrai que les jeux vidéo, aujourd'hui, livrent une compétition affichée avec le cinéma, je suis d'accord. Mais bien que je sois cinéphile, ce qui m'importe en tant que gamer, c'est la maniabilité, la lisibilité du jeu. Si je meurs, je veux mourir parce que j'ai fait une erreur, pas parce que le jeu a fait une erreur.

Le scope est l'un des effets les moins bien gérés de TEW. Le jeu est en scope, et quand tu te retrouves au corps à corps avec des zombies dans un lieu étroit (et Dieu sait si ça arrive !), la caméra devient dingue. Elle ne sait plus où se foutre ; collée derrière ton oreille gauche, basculée derrière l'épaule de ton adversaire... Et tu es là, comme un dératé, à appuyer sur la touche triangle parce que tu sais que c'est celle qui donne des coups ! Pas terrible...

C'est là où le principe de fétichisime lié au cinéma finit par montrer ses limites. Un film est un film, et un jeu doit rester un jeu. Faire du scope, ça va plaire à dix personnes, mais ça va faire chier mille personnes qui veulent juste avoir un bon jeu entre les mains. Au cinéma, le scope élargit la mise en scène pour la rendre encore plus lisible. Là, on arrive à l'extrême inverse : une perte de lisibilité...

Sur ce qu'il pense de P.T. le teaser jouable de Silent Hills :

Oh oui ! Kojima, dans sa position de gourou, décide (et c'est très bien vu) de sortir une démo de Silent Hills qui respecte à la lettre les vertus de la série. Et cite carrément le quatrième épisode, The Room, qui fut un échec à l'époque. Un jeu révolutionnaire qui n'a pas été compris parce qu'il ne faisait pas suite à Silent Hill 3 mais démarrait quelque chose d'autre. Yamaoka et sa bande décidaient d'explorer un terrain encore plus zarbe... C'était encore un trip hallucinatoire, mais sous acide !

Les trois premiers opus étaient des hallucinations romantiques. La recherche d'une femme ou d'un enfant dans un climat délétère, extrême. Très hanté par Edgar Allan Poe... The Room partait de l'idée qu'on pouvait atteindre ces enfers artificiels par la drogue. Par l'acide. Et P.T emprunte ça ; c'est un trip acide où les couleurs débloquent, les sens déraillent... Terrifiant. Glaçant. Trente minutes de peur absolue ! Si ce n'est pas déjà fait, courrez jouer à P.T !

Pour lire l'intégralité de l'interview de Christophe Gans au sujet de The Evil Within il suffit de se rendre sur le site de Premiere.