Le développement étant aujourd'hui en cours de finalisation, l'heure complexe de livrer le fruit de son travail au jugement de la critique et du public s'apprête à sonner. Et avec elle, les doutes de s'intensifier (sur le sujet, lire aussi David Cage : "je doute tous les jours") :

Vous savez, les fins de projets sont des périodes assez étranges, je finis souvent déprimé. Il y a un peu de baby blues, sûrement, parce que ma vie, depuis trois ans, c'est Beyond. Je n'ai rien fait d'autre dans ma vie, j'ai tout mis de côté pour faire ce jeu-là. Et quand je dis tout, c'est tout : ma vie de famille, mes enfants, ma femme...

Mais très bien, je suis heureux de l'avoir fait. Et puis arrive le moment où vous dites : "Jugez moi", jugez ce que j'ai fait ces trois dernières années de ma vie. Et c'est un mélange d'impatience et de terreur, car peut-être que les gens ne comprendront pas ce qu'on a essayé de faire. J'ai vécu exactement la même chose sur la fin de Farenheit et de Heavy Rain, même si les choses ont beaucoup changé grâce à ce dernier.

Intéressant aussi de voir ce que le créateur de Heavy Rain pense, avec désormais 3 ans de recul, sur la polémique qui a, et entoure toujours d'une certaine manière, la plupart de ses jeux... qu'il s'agisse de leurs aspects "vrais" jeux ou de l'héritage laissé :

Il y a eu beaucoup de jeux depuis Heavy Rain, de manière assumée ou non, qui se revendiquent d'Heavy Rain. Je pense sincèrement qu'il y a des jeux qui n'auraient pas existé comme tels sans notre jeu. Et je suis très heureux que des gens le reconnaissent, ou parfois consterné que d'autres ne le reconnaissent pas...

Il y a des gens qui ne veulent pas reconnaître ce que Heavy Rain a changé. On a un peu oublié parce que ça fait trois ans, mais quand le jeu est sorti, il y a eu un peu de polémique, y compris sur Gamekult, on ne va pas s'en cacher. J'ai lu des analyses avec lesquelles j'étais en profond désaccord. Quand vous dites que Heavy Rain, c'est un jeu où l'on se brosse les dents et on boit du jus d'orange... voilà ! Pour moi, Gamekult et d'autres sont passés à côté de ce qu'on a essayé de faire. Et ce n'est pas grave ! Mais pour une certaine frange de la presse et des joueurs, ce n'est pas vraiment un jeu vidéo. On en revient à ça. "Un jeu vidéo ça ne doit pas être ça", "Un jeu vidéo ça doit être de la violence, ça doit être un flingue, ça doit être tuer des gens", et s'ils n'ont pas cela, alors ils n'ont pas de jeu.

Mais d'autres ont compris ce qu'on essayait de faire et qui ont vu le côté émotionnel, et tout ce qu'on a pu apporter. Ce qui a changé, donc, c'est de rencontrer des gens sur les salons, et de voir que notre travail est reconnu, de voir des journalistes convaincus qui sont intéressés par la démarche. Mais il y a toujours besoin d'expliquer pourquoi c'est important de rompre avec certains paradigmes, pourquoi c'est bon pour le jeu vidéo d'avoir d'autres voies.

Beyond ne plaira sûrement pas à tous les publics, mais ce n'est pas grave. Mais j'espère que certains y trouveront des choses que les autres jeux ne leur offrent pas. La beauté de l'industrie aujourd'hui tient dans sa diversité, à travers les blockbusters, les jeux indés, des jeux comme Beyond ou Heavy Rain. Mais c'est vrai que je suis toujours un peu défensif sur l'idée de dire qu'il n'y a pas de flingue, de Game Over, où les choix ne clignotent pas à l'écran. L'histoire n'est pas racontée dans les cinématiques, mais dans l'action. Ca déstabilise les gens, mais moi c'est ce que je veux faire. Pour certains c'est un problème, mais ça en attirera d'autres vers nous. Sincèrement, on y a mis toute notre âme.

Pour en savoir plus sur Beyond, les coulisses du développement, et l'état d'esprit du studio, vous pouvez aussi retrouver David Cage et Christophe Brusseaux, dans notre interview vidéo de plus d'une heure