"Note... la renaissance du shooter spatial : faut quand même en avoir sacrément dans le futal pour la sortir sans claquer des genoux, celle-là, non ? Ca sent le pipeau ton histoire. Le pipeau !" Il a pas forcément tort, mon vieux pote, mais ça n'a pas l'air d'inquiéter les Anglais de Born Ready. J'imagine que quand on réussit à s'adjoindre les services du génial compositeur d'Homeworld (Paul Ruskay) et de Junji Okubo, mecha-designer sur Appleseed: Ex Machina et Steel Battalion pour son petit space opera, on a tendance à prendre confiance. Quoi ça ? Comment ça des mechas dans l'espace ? Mais euh, pour de vrai ?

Pèlerinage à la Mech

Pour de vrai, puisque Strike Suit Zero sonne la réunion de deux gameplays qui semblaient faits pour se rencontrer. Aux commandes d'un chasseur spatial au maniement des plus classiques, une simple pression de la barre espace suffira à passer en mode Strike Suit : le vaisseau se déploie façon Optimus Prime jusqu'à atteindre une configuration humanoïde et une prise en main plus proche de celle d'un TPS. On perd alors en poussée ce qu'on gagne en mobilité, le mecha bénéficiant de toute une série de propulseurs annexes lui permettant d'esquiver les tirs ennemis ou de tourner autour de ses cibles pour les prendre à revers. Si la permutation d'un gameplay à l'autre demande une courte période de prise en main (aussi agréable au pad qu'au joystick) il ne m'aura pas fallu longtemps pour réaliser le tour de force fomenté par Born Ready. En introduisant de telles possibilités, le studio semble bien parti pour réussir à apporter une nouvelle dynamique aux sempiternelles séquences mollassonnes chères au genre : l'indéboulonnable course aux torpilles pas drôle, les dogfights qui virent à la joute spatiale interminable et les prises d'assaut de bâtiments trop souvent résumées à des séries de passages en rase-motte. Foncer en piqué sur un croiseur ennemi, déployer son mecha et straffer autour de la carlingue en dézinguant les tourelles, voilà qui file une patate toute autre à l'exercice. Idem lorsqu'il s'agit de dépasser une volée de torpilles à pleine vitesse avant d'enclencher la Strike Suit et de réduire le mur d'explosifs en cendres d'une rafale de mitrailleuse : le sentiment de surpuissance est bel et bien là, qu'on se le dise. Mais attention, l'ascendant apporté par ce second mode trouve rapidement son contrepoids : dans Strike Suit Zero, les ennemis sont très nombreux, et le Flux - carburant nécessaire à l'utilisation de la combi - s'épuise vraiment vite...

Salade chèvre roquettes

Pour faire remonter la jauge de Flux, le joueur devra dézinguer du vilain rebelle en mode de pilotage classique. Le moment rêvé pour ressortir votre petit manuel du louvoyeur fou, donc, même si SSZ choisit la voie d'une gestion facilitée des ressources : en lieu et place d'une réserve d'énergie à allouer entre l'armement, les boucliers et les moteurs, on retrouve ici des jauges totalement indépendantes les unes des autres (coque, puissance de feu, booster et le fameux Flux) Si le bouclier se recharge de lui-même une fois le danger éloigné, on se gardera bien de crier à la "casualisation" : la première bastos ennemie qui franchira cette seule barrière fera très, très mal à votre carlingue. A ce propos, Strike Suit Zero propose un arsenal des plus séduisants pour rendre la monnaie de leur pièce aux enfoirés d'en face : roquettes à tête chercheuse classiques, nuées de fusées à verrouillages multiples, missiles Fire & Forget (mes préférés), canons ioniques, de quoi vous bricoler un arsenal à la carte avant le décollage. Évidemment, toutes ces joyeusetés bénéficient d'effets visuels à la hauteur de la direction artistique du titre, digne représentante de l'héritage Homeworld, avec ses tons saturés, ses effets néon presque "Troniens" et ses flottilles rutilantes qui semblent sortir du garage pour la toute première fois. Voilà qui devrait régaler ceux qui, comme moi, n'en peuvent plus de la rouille, des tons sables et de la déprime colorimétrique ambiante dont trop de titres nous accablent ces derniers temps. Dommage que le HUD verse quant à lui dans un classicisme triste et qu'aucun élément de cockpit ne soit visible en caméra première personne. Faut pas laisser ça comme ça, les enfants ! En revanche, cette ambiance sonore, mes petits, ces inspirations world-music à la BSG qui plongent tout à coup dans l'électro appuyée par des nappes vocales d'outre-espace (Kokia, quand même) : du grand Paul Ruskay.

Transformeurt

La version preview sur laquelle j'ai pu éprouver mon vieux Gunther comportait une petite dizaine de missions scénarisées, allant des classiques assauts sur base ennemie aux défenses de convois et autres nettoyages de champs de mines en passant par des instants plus originaux. Je pense par exemple à cette fuite en avant de la flotte alliée face à un adversaire en surnombre, au cours de laquelle il vous faudra protéger le vaisseau mère entre chacun de ses sauts hyperespace (l'excellent épisode "33 minutes" de Battlestar Galactica n'est pas bien loin, bravo messieurs). On sent clairement chez Born Ready la volonté de donner au joueur sa dose de moments épiques et de situations désespérées, même si je dois confesser avoir eu quelques difficultés à m'approprier l'histoire (les missions disponibles n'étant pas consécutives dans la trame finale du jeu, on évitera de juger du scénario pour l'instant, si vous le voulez bien). Ou peut-être... peut-être que je me cherche des excuses ? Peut-être que je suis passé à côté des plaisirs du scénario pour d'autres raisons ? Et si c'était la faute de cette difficulté dosée avec des moufles, appuyée par des checkpoints beaucoup trop rares ? Je dois bien l'avouer, j'ai ragé comme un cochon devant SSZ. D'abord avec plaisir (ou était-ce du masochisme ?) au moment de prendre la bestiole en main, puis de frustration crasse, celle qui fait insulter les mamans. Espérons que Born Ready fasse une petite passe "bisounours et arc-en-ciel" sur une ou deux des missions présentées. Et ajoutez-moi un radar de recul sur cette Strike Suit, nom d'un chien : j'ai foiré la moitié de mes tentatives en allant m'emplâtrer comme un mecha-moustique contre les pare-brises des croiseurs ennemis.

Gunther et moi, on est tombés d'accord : Strike Suit Zero pourrait bien avoir le potentiel de ses promesses. Et ce ne sont ni sa réalisation, ni son gameplay frénétique et innovant, ni le sens du détail des mecs de Born Ready qui nous feront mentir (les alliés qui participent activement à la bataille, l'élégance des effets sonores et visuels au moment de transformer son vaisseau, j'en "hiiiiiiiii" encore) Reste à savoir si le titre ne pêchera pas par excès de zèle au moment d'aller cueillir les vieux de la vieille avec ses prétentions hardcore et ses objectifs pas toujours faciles à identifier. En attendant le 24 janvier prochain, croisons les doigts à s'en ruiner quelques phalanges, d'accord ?