Il y a quelques jours, le site Kotaku posait la question "Les principales consoles de jeux portables ne seraient-elles pas en train de devenir la plus petite niche ?". En début de semaine, c'était au tour du magazine en ligne Slate de publier en Home un article titré : "Comment Apple est en train de détruire Nintendo". Une analyse comprenant certes quelques raccourcis, mais soulignant bien aussi la tendance générale pour le grand public. Deux visions, pour deux types de consommation. Les certitudes d'hier pourraient bien être revues à la lumière de la réalité d'aujourd'hui. Ainsi connaîtrons-nous encore une machine nomade dédiée aux jeux vidéo écoulée à plus de 100 millions d'unités comme ce fut le cas pour les Game Boy, la GBA, la DS ? Pas si sûr...

Une affaire d'habitude

Et si malheureusement le nerf de cette vraie guerre économique ne résidait pas uniquement dans la qualité des jeux ? Et si les habitudes de consommation et le prix (surtout en période de crise) jouaient le nouveau rôle clef ? Car si bien évidemment les jeux sur consoles portables restent globalement de meilleure qualité (sur la prise en main notamment), face au snack-gaming des smartphones, la différence de prix, d'usage, et les changements des habitudes de consommation font vaciller les tout puissants du jeu nomade d'hier. C'est un fait. A l'heure de la convergence numérique, les gens sont-ils encore prêts à investir des centaines d'euros dans un appareil nomade exclusivement dédié au jeu vidéo ? Contrairement à un téléphone que l'on garde constamment avec soi, que l'on pense à recharger, qui sert à tout (et visiblement beaucoup à jouer), une console portable est un objet supplémentaire à transporter. Pour un gamer, c'est le pied. Pour un plus large public qui constitue aujourd'hui le gros des ventes du jeu vidéo, cela peut constituer un frein. Les succès tonitruants des Docteur Kawashima & co ayant amplement contribué à la réussite de la DS... existent déjà par pelletées et pour quelques centimes seulement sur smartphones. Dans ces conditions, pour un large public, pourquoi acheter une console portable ? Les "petits" jeux rapides, fun et pas chers, d'iOS et Android ne seraient-ils pas en train de prendre la place des jeux plus consistants, mais bien plus chers et demandant plus d'investissement personnel ?

Quand on est passionné, gamer chevronné, on peut s'en alarmer, s'en attrister, mais la tendance est là. N'oublions pas non plus que la puissance des smartphones progressant à rythme plus soutenu que celles des consoles portables, il est possible de voir à terme des jeux "plus évolués" arriver (au moins du point de vue visuel). De plus en plus d'éditeurs "sérieux" (comme Square Enix, Sega...) s'engagent d'ailleurs sur la voie d'iOS/Android. Quoi qu'il en soit, une redistribution des cartes pourrait bien en découler si aucune réaction nette (ouverture d'un eShop sérieux, baisse des prix, arrivée de jeux majeurs) ne s'opérait rapidement chez les acteurs traditionnels du marché du jeu vidéo nomade. La singulière baisse de prix de la 3DS sera-t-elle suffisante ? Nous pourrons en tirer un premier enseignement d'ici quelques mois.

Une question de temps ?

En attendant, un investisseur japonais s'est confié au site économique Bloomberg, soulignant qu'il était temps pour Nintendo d'envisager sérieusement le marché des smartphones. D'une manière ou d'une autre. Des rachats pourraient même être envisagés vu les fonds colossaux à disposition de Nintendo (près de 10 milliards d'euros de trésorerie). Les très bonnes réactions en bourse lors de l'annonce de l'arrivée de l'appli Pokémon Say Tap ? sur iOS et Android sont autant de signes que les marchés n'attendent que ça. Simple effet de mode ou évolution profonde ? Il semble trop tôt pour le dire. Mais en tout cas, il semble que certains imaginent déjà un Nintendo présent sur d'autres supports, avec enthousiasme, même si ce n'est pas le cas des dirigeants de la firme, et après tout, Nintendo a déjà connu bien d'autres mutations dans sa longue histoire.

Ces dernières semaines, Iwata et Fils-Aimé ont souligné que Nintendo ne souhaitait pas "entrer dans le business des téléphones". Mais même si elle n'est pas populaire au sein des gamers, la vraie question pourrait bien être : "pour combien de temps encore ?" Une simple réédition de Mario sur smartphone pour 0,79€ et ce serait le jackpot assuré pour Big N. Dans ces conditions, l'époque d'un Nintendo développant exclusivement pour ses machines pourrait-elle devenir révolue dans la décennie à venir ? Il s'agirait alors d'un séisme sans précédent dans l'univers du jeu vidéo. Une hypothèse qui n'aura cependant jamais été autant d'actualité...