Je suis tombé amoureux des Gothic dès le premier épisode, il y a fort longtemps, lorsque je fis entrer mon personnage dans une maison d'un village animé et que le propriétaire des lieux, assis un peu plus loin, se leva d'un bond, brandissant son arme en me lançant un "dégage de chez moi !" sans équivoque. Mais ? C'est un RPG, je suis supposé avoir le droit d'aller où je veux et piller les PNJ comme je l'entends non ? Eh bien non, pas dans Gothic : l'immersion et le réalisme ont toujours été des points forts, soutenus par un excellent level design, qui pouvait transformer une petite île en formidable terrain de jeu. Et voici qu'arrive ArcaniA: Gothic 4, le nouvel opus de la série, développé cette fois par Spellbound Entertainment, pas vraiment connu pour ses RPG - ni pour ses titres à succès tout court. Et le discours est clair : place à la simplification du gameplay pour les consoles. Inquiétant ? Après avoir vu tourner la bête, me voilà bien mitigé...

Princesse bridée

Rien de mieux qu'une bonne vengeance pour lancer un jeune berger innocent à la poursuite d'une force destructrice inconnue. C'est la base du scénario d'ArcaniA, qui reprend l'univers de Gothic tout en s'éloignant radicalement de la trame précédente. Revenu d'une aventure devant lui assurer la main de la femme qu'il aime (et qui l'aime, chabadabada), le héros retrouve son village incendié. C'est parti pour plusieurs heures de RPG / action, où les quêtes et le massacre de monstres rapporteront de nombreux points d'expérience. À chaque niveau, à vous de placer des points dans différents arbres de talent qui débloqueront des compétences. Ah tiens, ce n'était pas si simple avant. Plus d'entraîneurs à trouver ? Ben non, on a le choix entre deux branches de combat corps à corps, deux de combat à distance, une de furtivité et trois de magie (feu, glace, électricité). Le tout affichant des possibilités assez limitées.

Pour le meilleur ou pour le pire ?

Cela dit, le combat n'a jamais été le point le plus fort de la série, et sabrer les trucs inutiles n'est pas forcément une mauvaise idée pour dynamiser le tout. La présentation par le développeur était d'ailleurs très axée sur l'action, et on a pu voir des boules de feu, des arcs électriques (chain lightning), des armes enchantées, des monstres disposant de deux, trois tactiques d'attaques, etc. Le héros bougeait correctement, passant d'une arme à l'autre ou balançant un sort ou deux, le tout assez rapidement. Il faisait aussi de sacrées roulades en armure de plates, mais nous ne lui en tiendrons pas rigueur : les ennemis ont l'air hargneux et il faut bien ça pour rester à l'écart. La furtivité, elle, permettra surtout d'éviter ou d'approcher les monstres pour tenter le coup critique qui fait mal. Mais ce n'est pas avec cela qu'on jouera les voleurs, d'après le développeur de Spellbound. Possible même qu'ArcaniA ne s'attarde pas vraiment sur ce point de gameplay, malgré la présence d'un mini jeu pour le crochetage des serrures. On verra bien. C'est souvent un aspect raté de ce genre de RPG de toute façon.

Incitation à la feignantise

Spellbound nous a aussi montré un peu d'artisanat, puisque comme le veut la série, on peut récupérer pas mal de matériaux ici ou là, en récolte ou sur les bêtes tuées par exemple. Il faut tout d'abord posséder des recettes, comme dans un MMO de type World of Warcraft, et ensuite ouvrir une interface dédiée, quelques clics et c'est fini. Oh, si ça vous amuse, vous pouvez aussi courir jusqu'à la forge du coin pour faire joujou avec l'enclume, mais ce n'est plus obligatoire du tout. Sim-pli-fi-ca-tion ! Le dev' nous dit : "les joueurs n'aimaient pas devoir retourner dans une ville pour fabriquer des choses". Moi je suis joueur et j'aimais ça... Vraiment ? Il m'a fait douter, du coup. En jouant à Gothic 4, est-ce que je vais faire le voyage pour garder cette immersion du mec qui cuit son pain dans le four du village (si seulement c'est possible) ou est-ce que je vais céder à la facilité et produire des élixirs en plein donjon, sans alambics ni mortier ? Pas sûr que je fasse mon gros hardcore roliste au final...

Un jeu Blonde ?

Me voilà donc empreint de gros doutes. Pas forcément sur Gothic 4, qui ne nous en a pas encore dévoilé assez pour qu'on s'attarde trop en théories et autres supputations, mais sur mes goûts personnels de joueur. Parce que j'aime la série Gothic et que j'ai envie d'aimer ArcaniA. Même s'il est "simplifié", il fait partie de la famille, non ? Et puis il reste toujours l'ambiance, le ton. Le héros semble avoir son petit caractère et n'hésite pas à "botter le cul" (en VF de qualité honorable dans la démonstration) aux orcs qui ne lui reviennent pas. ArcaniA est beau, le sol se détrempe quand il pleut, l'eau ruisselle, les montagnes s'élèvent dans le soleil couchant, des décors majestueux s'étendent jusqu'à l'horizon... Certes, les modèles ne sont pas toujours parfaits et ça manque d'effets pour atténuer l'aspect cru des graphismes - sans compter que l'optimisation de l'ensemble reste à prouver : ça ramait pas mal - mais ça flatte tout de même sévèrement la rétine. De quoi explorer le monde de Gothic 4 et d'infirmer ou de confirmer les doutes en beauté.

Je stresse sur cette simplification du gameplay ! C'est comme si on allait m'arracher des dents pour mon bien. ArcaniA: Gothic 4 à la sauce Spellbound marque certainement un tournant dans la série, plus orienté console. Moins de choix, moins de roleplay (le scénario est linéraire et les factions restent secondaires), plus d'action... Y a-t-il un risque qu'ils soient allés trop loin ? Le scénario fera-t-il passer la pilule ? Cette première impression, basée sur une présentation orientée combat, n'est finalement qu'une torture, que j'espère apaisée au plus vite avec la démo sur PC et Xbox360 prévue pour ce 24 septembre. Pourvu qu'il me reste des ongles d'ici là...