Jugez plutôt : PS Move, écrans multitactiles, manettes et, bien entendu, clavier / souris. On a pu essayer toutes ces interfaces et, s'il ne fait aucun doute que le combo traditionnel clavier / souris reste la meilleure configuration possible pour profiter pleinement de R.U.S.E., force est de constater que le titre reste parfaitement jouable avec les autres (même le PS Move). Une preuve que son Game Design a su bien s'adapter aux plates-formes de jeu les plus répandues, tout en proposant une véritable stratégie, différente des habituels STR à la Starcraft II.

Stratégie et tromperies, contre Micromanagement et rushs ultra rapides

Les amoureux du genre l'ont appris à grands coups de déculottées rapides et violentes : la formule STR, c'est bien souvent apprendre par coeur les démarrages optimaux de chaque camp, cliquer très vite (ou mieux, user uniquement de raccourcis claviers), et micro-manager quelques unités pour mieux donner un tournant décisif aux batailles. Rares sont finalement les exceptions (un Total Annihilation par-ci, un Total War par là). Si la vitesse de réaction et une bonne connaissance des unités disponibles reste un facteur de victoire important dans R.U.S.E., c'est loin d'être aussi décisif qu'ailleurs. Cette partie en 2 versus 2 contre Alexis Le Dressay, Lead Designer de R.U.S.E., l'a prouvé : on peut connaître le jeu sur le bout des doigts pour l'avoir fait, et avoir plus de mal que prévu à vaincre une paire de débutants (en l'occurrence, Chocapic de Gamekult et moi-même). Bon, ok, le reste de la team d'Eugen Systems nous beuglait des instructions avec une féroce volonté de voir leur chef se faire laminer par des journalistes (sans-doute en avaient-ils marre de se faire humilier au bureau), mais quand même : à Starcraft II, en pareille situation, nous nous serions fait éplucher la tronche à vitesse grand V. Les unités de R.U.S.E. sont nombreuses, les cartes vastes, les ressources moins importantes que la protection des routes qui servent à les acheminer et, au final, en l'absence de "Reco" (reconnaissance) pour bien voir ce qui se passe, et de stratégie valable, le plus militarisé des joueurs peut se faire mener en bateau et retourner en deux temps trois mouvements par un habile goupil. Car pour vaincre, dans R.U.S.E., il faut avoir le plus de points... plutôt que de chercher à raser l'adversaire.

Victoire mineure, Alexis, je suis déçu

Le grand principe du Pierre-Feuille-Ciseau reste au cœur du game design de R.U.S.E. Mais pas celui de l'unité chère qui vaut toutes les autres. Il y a bien des unités plus puissantes que d'autres, et des améliorations qu'il est possible d'apporter à des unités de base ou encore des prototypes qui peuvent se montrer décisifs, mais des unités peuvent en dépasser d'autres sous de bonnes conditions, alors qu'elles sont bien moins puissantes. Un tank lourd, par exemple, aura tôt fait de se faire écharper par un bataillon d'infanterie bien planqué dans une forêt ou une ville, alors qu'ils auraient été décimés sur une plaine. Et surtout, il est primordial de se tenir informé de la situation sur le terrain, gigantesque, de percer les ruses adverses (comme les fausses unités), et de répondre de manière adéquate à chaque situation plutôt que de pisser du tank à ne plus savoir quoi en faire. Car chaque unité perdue offre des points à l'adversaire, le rapprochant de la victoire. Et si une défense est bien organisée contre un type de menace, augmenter la menace en question ne sera pas une solution. Il ne semble pas y avoir d'unité ultime, et toute situation semble être réversible, jusqu'à la dernière minute. Surtout avec l'utilisation des "ruses" qui ont donné leur nom au jeu.

Le parfait petit fourbe

Chaque joueur gagne une ruse à utiliser à intervalles de temps réguliers de quelques minutes. Les ruses sont diverses, et se jouent un peu comme des atouts. Soit pour se sortir d'un mauvais pas (Fanatisme, qui empêche les unités de battre en retraite, Silence radio, qui les font disparaître aux yeux ennemis), soit pour soutenir un plan bien élaboré (fausse attaque de blindé par l'ouest, on bouge les vrais par l'est, ou encore Espionnage, pour découvrir les unités ennemies et les ordres qu'on leur donne). Les ruses affectent un territoire entier : chaque map est partagée en plusieurs de ces territoires. À l'évidence, ces ruses sont une part importante de la formule, et un ingrédient majeur pour la planification, comme la réaction du stratège qui les utilise. Plus que dans la plupart des jeux du genre, R.U.S.E. demande donc à ses pratiquants de penser à ce qu'ils font, et de mesurer leurs actions plutôt que d'être les plus rapides ou les plus brutaux. En un mot comme en cent, en quelques parties, il apparaît vite que plutôt qu'un jeu de tactique et de rapidité, R.U.S.E. est armé pour montrer ce qu'est un véritable jeu de stratégie. L'IA y joue d'ailleurs un rôle très important, et pas seulement comme adversaire pour le joueur solo, mais aussi pour éviter à tous les joueurs d'avoir à gérer à la main des unités stupides. Par exemple, elles se replient toutes seules, refusent d'aller au combat lorsqu'il est perdu d'avance, ou encore soutiennent leurs alliées lorsqu'elles n'ont rien de mieux à faire.

Le rêve du stratège ?

Au delà du Game Design lui-même, qu'il faudra éprouver dans la longueur pour savoir s'il tient ses promesses, R.U.S.E. jouit aussi d'une réalisation solide. Le moteur graphique dédié offre des aires de bataille gigantesques, permet une interface simple, rapide et efficace grâce à des zooms et dézooms fluides, permettant de passer d'une échelle tactique à une échelle stratégique en un clin d'oeil, et les quelques missions de la campagne solo que nous avons pu essayer sont enrobées narrativement de scènes cinématiques soignées. Même les menus, icônes, et habillages divers semblent soignés. Bref, cet aperçu récent augure du meilleur. Eugen Systems a travaillé dur sur son jeu, c'est évident, et pris le temps de le peaufiner jusque dans les détails... et en bons amoureux de stratégie, ils ont bien l'intention d'étendre ce soin aux fonctionnalités de communauté, avec des tournois, des ladders et tout le reste.

R.U.S.E. semble avoir tout pour réussir l'audacieux pari de proposer de la stratégie temps réel différente, qui repose plus sur les capacités cérébrales des stratèges que sur leur capacité à cliquer vite et bien. Une alternative à surveiller pour tous les amateurs du genre qui ont déjà un Starcraft II pour profiter de ce genre de jeux, ou recherchent justement quelque chose qui s'apparente plus aux échecs et au poker... Réponse très bientôt, puisque R.U.S.E. sort sur Xbox 360, PS3 et PC le 9 septembre prochain.