Depuis son annonce, Bravely Default n'a cessé de provoquer un certain enthousiasme chez les fans de JRPG. Et même si je trouve toujours de quoi m'amuser dans la licence Final Fantasy, je dois dire que moi aussi j'étais attiré par ce retour vers des décors pré-calculés et un univers médieval-fantastique plus classique. C'est pourquoi je me suis rué sur le jeu à sa sortie, précommande à l'appui. Et après 120 heures de jeu, je suis venu à bout de cette aventure et j'ai une opinion assez arrêtée sur ce titre.

 

La Légende des Cristaux

Bravely Default nous conte l'histoire de Luxendarc, monde inspiré clairement des origines de la série Final Fantasy. En effet, on retrouve les éléments forts familiers que sont les aéronefs, la présence d'un Empire maléfique (Ici le Duché d'Eternia) mais surtout les Quatre Cristaux. Chaque pierre régit un élément majeur parmi le Feu, le Vent, l'Eau et la Terre, ce qui a des conséquences directes sur Luxendarc. Or, tandis que l'on se demande si on ne va pas carrément croiser un personnage nommé Cid, le jeu nous pose ses enjeux après une brève présentation des personnages : Des ténèbres mystérieuses sont apparues et ont étouffé l'éclat de chaque cristal, provoquant des catastrophes et l'état déplorable dans lequel se trouve le monde. Ainsi nos héros doivent aller d'un temple à l'autre pour restaurer les cristaux et donc l'état normal du monde. Nos héros, ce sont Tiz, un jeune berger dont le village a été englouti dans un gigantesque gouffre, Edea, membre des chevaliers célestes d'Eternia envoyés à la poursuite de la Vestale du vent, et Ringabel, un mystérieux jeune homme amnésique qui traine avec lui un journal semblant prédire l'avenir. Et tout ce petit monde suit donc Agnès Oblige, la Vestale du Vent et haute prêtresse de la religion des Cristaux qui s'est vu confiée par Airy (Une fée cristalline) la tâche de restaurer chaque pierre sacrée.

Cette intrigue très classique sert donc de fil rouge à notre aventure où le groupe affrontera des monstres et, bien entendu, des officiers de l'armée d'Eternia envoyés pour empêcher les héros d'accomplir leur quête et sauver le monde.

Cependant, n'allez pas croire que le jeu va vous épargner en matière de cliché du genre. C'est même tout le contraire : le jeu en est bourré. En soit, ce n'est pas un problème. Mais si vous êtes un habitué du genre, vous risquez fort d'anticiper pas mal de péripéties, dont les deux plus importantes de l'histoire. Pour le reste l'ambiance oscille entre le tragique et le comique avec un certain brio. Ringabel risque d'en faire sourire plus d'un.

Et pour amener cette aventure, Silicon Studios a mis les bouchés doubles en matière de présentation. Ainsi la réalisation technique est réellement de haute volée. Les villes et certains donjons (Enfin, leur entrée/vu exterieure pour ces derniers) sont ainsi représentées par des dessins de très belles factures. Et de nuit c'est encore plus beau. Quant à la musique, c'est l'artiste Revo qui s'est chargé de la bande-son pour un résultat très bon tout en restant dans un registre très classique. (C'est bien simple, j'ai parfois l'impression de réentendre des morceaux de Final Fantasy IX) Bref, vous aurez compris que le jeu joue la carte de la nostalgie, ou plutôt du terrain archi-connu du JRPG. A mes yeux, BD est apparu comme une sorte de gros best-of de Final Fantasy, Dragon Quest et Tales of (On a même les fameuses saynettes propres à la série) réunis en une seule aventure. Concernant les donjons, la vue choisie est celle du dessus, encore un élément hérité des JRPG NES et SNES.

Un dernier mot sur la 3D. L'effet est réellement saisissant, en particulier durant les combats où, là encore, les décors sont dessinés ce qui donne avec le relief l'impression étrange de voir vos personnages combattre sur une scène avec un décor derrière eux.

 

Une aventure de capes et surtout d'épées

L'aventure consiste donc à voyager vers les quatre temples des cristaux, chacun étant placé dans l'une des régions de Luxendarc. Classicisme oblige, ces lieux répondent également à des gros clichés du genre. (Ex: Le temple du feu se trouve dans un volcan) Et pour ponctuer votre parcours, des officiers d'Eternia sont disponibles en temps que quête optionnelle. Leur intérêt? Vous donner, une fois vaincu, leur pierre d'astérisque. Cet item ajoute tout simplement une classe à votre arsenal de possibilités.

C'est bien le mot d'ordre en ce qui concerne le gameplay de Bravely Default : possibilités. Vos personnages ont donc à leur disposition un nombre conséquents de jobs (Eux aussi, classiques parmi les classiques pour la grande majorité) qui leur faudra équiper pour changer leur apparence mais surtout leurs statistiques et leurs compétences. Et chaque classe a sa propre jauge d'expérience, offrant à chaque niveau de nouvelles compétences actives comme passives. Ces dernières requièrent de dépenser des points, histoire d'empêcher le joueur d'abuser des compétences passives (Utilisable indépendament de la classe) même si elles restent souvent très utiles, allant d'un boost de dégâts à des protections diverses. Pour ce qui est de la gestion des classes, sachez qu'en plus de la classe équipée vous pouvez choisir une classe secondaire qui vous donnera accès à ses compétences actives sans que vous puissiez augmenter son niveau de maîtrise. De quoi vous permettre d'expérimenter les synergies entre les classes. Un Ninja/Mage Noir? C'est possible. Un Marchand/Chevalier? Idem.

Toutefois, c'est là que le premier défaut du jeu apparaît. L'équilibre entre les classes laissent à désirer. D'abord, certaines classes avancées éclipsent totalement l'intérêt des autres mais, surtout, un joueur utilisant les bonnes synergies pourra rapidement et sans effort créer de vraies machines à tuer. Je ne vais pas vous révéler quoi utiliser mais sachez que dés le chapitre 3, vous pourrez faire dans des conditions faciles à reproduire 9999 de dégâts en une attaque. Et lors de l'endgame, il vous sera tout à fait naturel de faire entre 5000 et 9999 de dégâts avec des compétences coûtant moins de 5 mp. Il va sans dire que je vous recommande de jouer en difficile. (Ce qui ne fait que booster les PV adverses mais bon...)

Le challenge du jeu est également mis à mal par le système de combat en lui-même.

Basés sur le modèle du tour par tour, les affrontements de Bravely Default tranchent par le système éponyme du jeu. En effet, lorsque vous choisissez l'option "Default", votre personnage se met en posture défensive, prêt à réduire les dégâts adverses et gagnant du même coup 1 BP (Brave Point). Très simplement, le nombre de BP de votre personnage permet d'agir plusieurs fois par tour (Il faut choisir pour cela l'option Brave). Tant que votre compteur affiche un nombre égal ou supérieur à 0, vous pouvez agir. Si le nombre est négatif, vous passez votre tour. Il s'agit donc tout simplement d'un système vous permettant d'économiser vos tours ou d'en utiliser plusieurs selon vos envies. 

La mécanique est intéressante et permet des combats plus tactiques. Du moins c'est le cas au début du jeu. Je vous laisse imaginer ce qui se passe lorsqu'en fin de partie vous décidez d'utiliser quatre fois dans un même tour une attaque à 9999 de dégâts... D'accord si vous n'avez pas économiser vos BP avec Default, vous allez vous retrouver dans l'impossibilité d'agir dans les quatre tours suivants, sauf que plus tard dans l'aventure vos aurez des sorts permettant de booster tout simplement vos BP... 

Plus généralement on regrettera que durant tout le mid-game ces options soient si peu importantes. Ce ne sera que très tard dans l'aventure qu'il vous faudra refaire attention au pattern employé par vos adversaires, et c'est bien dommage.

Ceci dit, si le challenge n'est pas votre tasse de thé, ces défauts n'en seront finalement pas pour vous. Et tant qu'on parle de possibilité, sachez qu'à tout ça s'ajoutent des invocations, des attaques spéciales façon "Limit Break" (Qui peuvent donner des bonus bien sales comme ressuciter vos équipiers et donner à tout le monde 2 BP gratos) et bien entendu le village de Norende. Ce dernier n'est autre que la terre natale de Tiz et il s'agira, dans un menu dédié, de le reconstruire. Je vous rassure, rien de fastidieux n'est demandé. Lorsque vous actualisez les données du jeu à un point de sauvegarde, ou lorsque vous croisez un joueur via street pass, votre village gagne de nouveaux habitants. A vous alors de leur indiquer quel bâtiment reconstruire.  Forcément, le temps requis pour la reconstruire est inversement proportionnel au nombre de travailleurs à qui vous assignerez cette tâche. Chaque bâtiment vous permet alors d'accéder à de nouvelles attaques spéciales, mais également à des objets et pièces d'équipement que vous pourrez acheter à un point de sauvegarde. (Notez que les armes et armures de Norende sont, là encore, assez crackées ce qui vous facilitera encore plus la vie mid-game...) Et en plus de ces personnes, les modes Internet et Street Pass vous permettent de recevoir (via Square-Enix directement ou d'autres joueurs) des Colosses. Il s'agit tout simplement de boss issus de Final Fantasy : The Four Heroes of Light et sont donc assez difficile à battre, surtout les derniers. Et vu l'actualité, les développeurs ont l'air disposé à fournir de nouveaux boss pendant un moment encore...

Quant aux donjons, le contrecoup de la vue du dessus est qu'ils manquent un peu de personnalité. Comprenez par là que certains se ressemblent énormément, hormis que l'un a un skin "feu" et l'autre "château" par exemple... Leur structure ne change pas énormément pour beaucoup d'entre eux ce qui peut créer une certaine lassitude.

(Vous noterez que je n'ai pas parlé du tout du système Bravely Second, du Mentorat et de l'invocation d'amis. C'est tout simplement car je ne m'en suis pas servi du tout, de peur de me faciliter encore plus le jeu)

A ce stade, vous devez vous dire que les défauts du jeu ne sont pas si vilains, et donc vous vous demandez pourquoi je lui ai mis une telle note alors que je suis généralement indulgent, même à ce niveau, ce qui m'aurait au pire fait considérer le jeu comme sympathique voire bon à défaut d'excellent. La partie qui va suivre va expliquer en détails pourquoi, mais pour cela il va me falloir spoiler une partie du déroulement du jeu. Si vous voulez préserver votre surprise, vous pouvez tout de suite sauter le paragraphe et vous rendre à la conclusion de cet avis.

 

...Plus dure sera la chute

Le plus gros problème de Bravely Default intervient au chapitre 5. C'est un soucis tel qu'il rend les petits défauts cités plus tôt bien plus insupportables.

Pour vous faire un schéma simple de la situation : Vous êtes à ce qui semble être la fin de votre périple. Vous avez réveillé les quatre cristaux et vaincu tous les officiers d'Eternia. (Dont le Vampire, avec son château qui ressemblent beaucoup à un donjon ultime avec ses révélations -anticipées- sur l'histoire et ses conditions d'accès assez barbares) Et histoire de bien vous conforter dans cette idée, votre compteur de temps affiche un nombre normalement assez proche du nombre d'heures moyen pour finir à peu près à fond un JRPG. (Me concernant, j'en étais environ à 80 heures de jeu)

Vous vous rendez donc au prochain point de destination et...

...Vous revoici à Cadisla, première ville du jeu. Les cristaux sont de nouveau dans un état déplorable et les officiers d'Eternia pètent tous la forme. Vous devez tout recommencer. Bon d'accord vous avez toujours votre aéronef, les donjons sont déjà explorés et tous les dialogues n'ont pas de nouveau lieu mais il vous faut réaffronter les même boss (en plus forts) qu'il s'agisse de ceux gardant les cristaux ou les officiers (Et à une ou deux exceptions près, pour ceux là les dialogues sont juste identiques à ceux de votre premier passage).

Après tout, pourquoi pas? C'est un procédé un peu malvenu pour booster la durée de vie mais bon... Ah mais attendez! Lorsque vous avez terminé le chapitre 5 (Et refait tout ça donc)... Le chapitre 6 vous invite à recommencer encore une fois et là encore sans vrai changement!

Il en va d'ailleurs de même pour les chapitres 7 et 8, qui eux ont quand même le bon goût de changer (un peu) la configuration des combats des officiers. (Vous les affrontez en groupe de trois à quatre dans le chapitre 8 ce qui rend les affrontements plus intéressants et difficiles même si pour cela il faudra d'abord réaffronter certains une fois encore individuellement avant que leur combat de groupe soit disponible. Dans le chapitre 7 vous ne les affrontez pas au même endroit et parfois c'est un combat de groupe)

En fait, le scénario explique que vous voyagez dans des mondes parallèles. En soit ça aurait pu être une excellente idée s'il y avait eu de vrais changements d'un chapitre à l'autre. On aurait pu imaginer des univers parallèles délirants, jouant sur les repères du joueur pour faire naître de la curiosité à chaque "boucle"... Sauf que non, ce n'est pas le cas. Au final, le jeu n'offre que de l'agacement et de la frustration car vous recommencez inlassablement les mêmes choses.

Or comme je vous disais plutôt, à ce stade de l'aventure vos personnages sont très forts. Ainsi, avant les chapitres 7 et 8 vous allez réellement exploser les rangs adverses dans des combats sans grand intérêt (Avant les deux chapitres concernés, les boss agissent exactement comme avant) pour votre équipe de tueurs.

Il en va de même pour l'histoire. On sent bien que cette petite pirouette sert à faire durer le suspens. Or, si comme moi vous avez anticipé les deux twists majeurs du scénario ce passage à vide va être une véritable torture pour vous. Car, oui, l'histoire va faire un prodigieux sur place pendant les heures où vous allez vous échignez à tout refaire. Vos personnages ne se poseront que peu de questions et vos objectifs resteront inchangés. Côté dialogue ce ne sera que par petite touche que l'histoire avancera, jouant encore plus sur la monotonie de cette partie du jeu. Les personnages vont passés d'attachants à insupportable tant ce qui leur pend au nez vous paraîtra évident et que eux s'obstineront à faire les mauvais choix. (Je te hais Agnès, vraiment) Et, au final, à l'exception de Ringabel (Qui ne s'en sort pas non plus beaucoup mieux que les autres), le casting va vous paraître subitement vraiment stupide et simpliste.

Il y a deux fins au jeu. La première, considérée comme la mauvaise, est accessible dés le chapitre 5 si vous effectuez un QTE caché (Ouais, caché). L'autre, celle qui vous donne accès au dernier boss et au donjon annexe ultime (Une escroquerie pure et simple consistant à vous faire retraverser dans le désordre des pans laissés quasi à l'identique des donjons du jeu), vous demande donc de subir ces boucles incessantes jusqu'au chapitre 9. (Et, là moi j'en ai étais à 120 heures de jeu, ce qui veut dire que j'ai passé 40 heures dans ce bazar... J'avais juste plus qu'une envie : voir le générique de fin. L'option New Game + débloquée en finissant ma partie avec la vraie fin m'a fait l'effet d'une plaisanterie de mauvais goût)

Vous comprendrez donc ma sévérité envers le jeu. Nous faire recommencer plusieurs fois la même chose, pour faire durer un scénario pas si malin que ça, gonfler la durée de vie articiellement (Je vous ai dit qu'à part les invocations à trouver, chose que vous avez normalement quasi terminé au chapitre 5, et le donjon ultime tout le contenu annexe du jeu se résume aux officiers d'Eternia? Non, je ne compte pas les Colosses qui sont eux du contenu ajouté, ils ne sont pas dans le jeu base) alors que le système de jeu montre ses faiblesses et qu'on commence à trouver le temps sacrément long... C'était selon moi la pire façon de conclure ce jeu qui s'en était pourtant sorti plutôt correctement pendant 80 heures. Et dire qu'il aurait suffit de... nous faire passer directement du chapitre 5 au chapitre 8 à défaut d'inventer des mondes parallèles intéressants... Et je ne comprends toujours pas l'intérêt de nous faire perdre autant de temps alors que j'étais déjà à 80 heures, donc à une durée de vie déjà honorable pour le genre.

 

 

Combien mettre à Bravely Default? Je pense que je lui fais quand même une fleur avec ce 2.5/5 car faut bien avouer que la majeure partie de l'aventure fut amusante. Mais sa conclusion, ses faiblesses de gameplay, son scénario qui devient fatigant et son contenu annexe qui consiste à prendre le joueur pour un imbécile auront eu raison de ma patience. A mes yeux, Bravely Default aurait pu être un bon jeu mais pour des raisons qui m'échappent ses créateurs ont préféré en faire un titre moyen à l'aide de choix de game-design douteux. Dommage.