Ceci est la version pour les pauvres coincés sur un site old-gen sans image. La vraie version remastered (of puppets) de cette critique, avec screenshots en 60 fps et 1080 niveau résolution, se trouve ici.

La fin de la génération PS360 est assez mitigée. Il y a des jeux cross-gen parvenant à contenter les vieux hardwares, comme Alien Isolation, et il y a les versions torchées à la va-vite pour pigeonner les joueurs entamant leurs dernières expériences d’une époque révolue, comme l’Ombre du Mordor, qualifié injouable sur les anciennes machines. Far Cry 4 lui est un bon jeu de ce point de vue-là ; c’est, en me basant sur mes souvenirs, équivalent au 3. Ubisoft a apparemment pris plus de soin pour sortir cet opus sur PS360 que pour son Assassin’s Creed Unity connaissant bien des déboires.

Et finir la gen sur Far Cry 4, c’est triste. Ce n’est pas un Shadow of the Colossus, un God of War 2, un Final Fantasy 12, la dernière explosion ludique pour clore la vie d’une console et inscrire les derniers titres au firmament. On en est loin. C’est une suite, peu ambitieuse. Une photocopie ? Pas loin. On dirait le 3, avec des couleurs d’automne. On le parcourt de la même manière. Et c’est là son gros souci ; le level-design. Quand on passe de Grand Theft Auto 4 au 5, la ville choisie change notre manière d’aborder le monde. Même chose avec Red Dead Redemption, c’est du Rockstar, mais la ballade est différente. Ici on retrouve les habitudes dès les premières minutes. On tombe sur les mêmes types de routes, sentiers, végétations, on aborde le même type d’avant-postes avec les mêmes trous dans les grillages, le même type de reliefs et la même manière de les aborder. On retrouve les mêmes prédateurs, avec des skins différents. On peut monter sur des éléphants ? Ouais… C’est le 3, le sentiment de découverte en moins, parce que rien n’a changé, fondamentalement, et que les ajouts, parfois sympathiques, ne sont que des corrections du précédent au lieu de renouveler notre périple. Le nouveau paysage n’a aucun impact sur l’architecture des lieux, ce n’est que cosmétique, et ça ne fait pas illusion.

De nouvelles quêtes annexes, de nouveaux défis, mais toujours l’impression de passer son temps à compléter des objectifs au lieu de partir à l’aventure. Je n’évolue pas dans Far Cry 4. Malgré la prise de tours, de forteresses, malgré mon équipement amélioré régulièrement et les missions de campagne qui s’enchaînent, le jeu me donne l’impression que mon bonhomme est dans une sorte de gigantesque Quartier Général où chaque mission, petite ou grande, est déconnectée des autres. Au bout d’un moment, ce qui change, c’est la taille de la mitraillette. Pourtant le scénario (nul, ne vous faites pas d’espoir) enrobe le tout. Dans le 3 on faisait tout et n’importe quoi avec des justifications tirées par les cheveux pour assumer un game-design absurde. Dans le 4 la plupart de nos activités, on nous le rappelle souvent, servent à affaiblir la puissance militaire d’un dictateur. Détruire du matériel de propagande, massacrer des convois, bravo Johnny, ça aide la cause ! Mais je n’y crois pas. Comment croire qu’une forteresse est autre chose qu’un bâtiment artificiel à vider lorsqu’elle est mal placée sur la carte ? Que personne ne surveille l’extérieur du haut de mirador inexistant ? Mal placée ; oui, car une forteresse au pied d’une montagne, ben j’arrive par le dessus et je snipe tranquillement tout le monde. Au sommet d’une montagne, là ça m’apparaitrait bien plus crédible, mais généralement les forteresses ou avant-postes ont des positions défiants la logique. Et comment croire qu’un dictateur veuille contrôler un territoire composé de bicoques, de mini-villages délabrés, de chemins pourris ? Un dictateur chez les péquenots, habillé par Jean-Paul Gaultier. Tout un programme.

Aujourd’hui, ai-je lu quelque part il y a quelques jours, il n’y a plus de cerveau derrière un gros jeu, plus de vision, ni d’unité. Chacun bosse dans son coin, et par la suite on attache les morceaux ensemble. On a donc d’un côté le concept de l’île, qui est le même que dans le 3 et composé également d’activités made by Ubisoft (monter sur des tours notamment), avec une faune et une flore plus des événements aléatoires, éléments repris à Rockstar. D’un autre les ennemis, tous typés shooter (mister mitraillette, gars qui court vers nous, gros à sulfateuse, lance-flammes en armure, sniper à laser rouge, etc.). À droite le scénario qui doit justifier tout type de quêtes annexes, à gauche le côté psychédélique qui attribue à un Far Cry, depuis le 3, un semblant d’originalité. Cet amalgame d’ingrédients forts (certains le sont !) pourrait accoucher d’une grande aventure. Peu importe ce qu’on emprunte au studio voisin, si notre idée poursuit une voie différente. Mais Far Cry 4, comme le 3, n’a pas de voie. Il veut plaire à tout le monde, il met tout ce qu’on aime. De l’XP, du loot, du craft, des ennemis pas difficiles à repérer, et qu’on peut marquer pour s’assurer de les avoir à l’oeil, surtout à travers les murs.

Far Cry 4 est un extraordinaire gâchis de travail. Le jeu est rempli jusqu’à la gueule de systèmes complexes, de gameplays différents, de défis à n’en plus finir, et tout ça pour n’aboutir à rien. Avec beaucoup moins d’éléments et des coupes sérieuses dans la montée en puissance, on pourrait en tirer un superbe jeu de survie, ou encore un jeu de type guérilla dans la jungle. Metal Gear 3 Solid en monde ouvert, avec la faune et la flore qui nous servent à fabriquer nos camouflages, voire nos remèdes (contre les morsures, les venins). Mais il nous étale une faune invraisemblable, plaçant ses créatures au hasard. Les éléments à potentiel ne sont là que par souci cosmétique ; récupérer ses ressources sur les cadavres par exemple devient vite barbant puisque, croulant sous les billets, j’ai plus vite fait le plein au magasin du coin. Le game-design, le level-design, l’intelligence artificielle, tout est au service du joueur. Les règles les plus élémentaires de la logique sont tordues dès qu’elles peuvent créer de la frustration, ou dit autrement ; lorsqu’elles pourraient apporter un défi qui aurait du sens et favoriserait l’immersion. De plus, l’avalanche d’ennemis pousse à un constant gavage. Je reviens sur l’idée de looter les cadavres ; si c’est une approche pertinente dans un jeu où la présence ennemie serait plus faible et les ressources plus rares donc précieuses, ici on croule sous les récompenses, les coffres, les caisses de munitions. On ne manque jamais de rien, et si au départ notre équipement est faiblard, arrive vite le moment où un tigre voire un ours tombent sous la rafale meurtrière d’une mitraillette beaucoup trop efficace. Si on laisse de côté la campagne, Far Cry 3 permet de jouer à une aventure de survie ; on se contente des avant-postes et autres défis permettant l’infiltration avec le minimum de matériel, le tout pouvant se réaliser intégralement. Far Cry 4 non. S’il se différencie du 3, c’est sur sa progression poussant à la montée en puissance sous peine d’être rapidement bloqué. Il faut avancer dans la campagne pour débloquer le contenu annexe et de nouveaux accès à la carte, contenu annexe réclamant un personnage costaud. De même, Far Cry 3, c’était un flingue silencieux et le monde est à toi ! Ici, les outils d’infiltration tarde à se débloquer et lorsque c’est le cas, n’ont plus lieu d’être. On commence avec l’arc, trop efficace (tue en un coup et à bonne distance), et plus tard on reçoit un fusil sniper obligeant au headshot pour éviter de se faire repérer.

 

Far Cry 4 est la victoire écrasante, triste et monotone de l’Homo Shooterus sur un environnement sauvage et hostile. Si au départ notre avatar aura peu d’atouts de son bord, il obtiendra bien rapidement sa vengeance. Quoi de plus plat que de se balader en cambrousse sans craindre la rencontre d’un félin de 400 kilos ? Quoi de plus déprimant qu’une ascension montagneuse où le risque d’une malencontreuse chute tombe à zéro grâce à un parachute (qui ne se prend pas dans les arbres et se replie tout seul) ? Avec mes quantités de mines, grenades, C4, flingues et barres de vie, et le game over si anecdotique, que reste-t-il à craindre ? Ou même à conquérir ?