[Bon j'avoue, j'ai un peu recyclé mon test de la version PS1]

À la base je n'ai rien contre les simples portages d'une console à l'autre, ils permettent aux joueurs ne possédant pas le hardware original de pouvoir s'essayer à un jeu. Ce qui est dommage avec The War of the Lions, c'est d'avoir fait les choses à moitié, apportant peu de nouveautés convaincantes tenant souvent du bonus tout à fait dispensable, voire nuisible.

Les différences par rapport à l'original  

Le jeu jouit d'une nouvelle traduction anglaise plus sophistiquée au point qu'on ne trouve pas certains mots dans le dictionnaire. Cela donne un aspect plus authentique même s'il est parfois difficile de comprendre certains dialogues, mais dans l'ensemble ça reste tout à fait abordable si on possède un niveau d'anglais moyen.

À cela s'ajoute des nouveaux combats, ceux de notre héros qui sont toujours bons à prendre, et quelques-uns concernant Delita sans aucun intérêt puisque gagnés d'avance ; des cinématiques auraient suffi amplement.  

Deux nouveaux personnages : Luso, chasseur de monstres particulièrement inutile puisque doté de capacités qu'on peut obtenir soi-même. Balthier qui vient de Final Fantasy 12, trop puissant, rendant le porte-flingue Mustadio inutile, et possédant des compétences qu'on trouve dans d'autres jobs. Il cumule un peu trop les atouts dévastateurs.  

Deux nouveaux jobs : l'Onion Knight que je n'ai pas essayé car il se révèle apparemment seulement via le jeu en ligne ; à comprendre qu'on lui débloque des conpétences (je crois) en jouant avec un autre joueur. Et le Dark Knight, véritable purge à obtenir, et beaucoup trop puissant alors que le jeu nous fournit déjà suffisamment en personnages abusés.  

La possibilité de jouer à deux : pas essayé, mais ça doit être méchamment passionnant. J'en rêvais à l'époque de la version PS1.  

Une version plus lente : les contrôles PSP rendent le jeu plus lent, et tout ce qui concerne les sorts (au sens large) aussi.  

Elmdor : il y a un combat contre un boss très peu intéressant de base, si on se concentre sur lui il meurt vite et c'est fini en un tour. Tout la complexité du combat résidait dans le fait de lui voler ses équipements uniques, ce qui rendait la joute passionnante et particulièrement ardue. Désormais on ne peut plus le voler, le combat devenant plat.  

De nouvelles cinématiques : certaines saynètes avec les personnages en sprite ont été remplacées par des cinématiques en 3D cel-shadée avec un effet crayonnée. Plutôt magnifiques, elles permettent de donner une vision claire de la direction artistique, et même si le doublage anglais sonne plutôt faux (des voix japonaises colleraient mieux) ça reste assez merveilleux à regarder. Seulement elles sont distribuées au compte-goutte, et l'une d'entre elles est réservée à Balthier alors que c'est un personnage complètement secondaire. Incompréhension pour ma part, aucune scène de la fin, pas même la toute dernière qui est pourtant tragique, ne jouit de ce traitement qui vient sublimer la version originale.  

Bref le portage me déçoit. Porter un jeu sans le modifier ça me convient, mais faire les choses à moitié, mettre de nouveaux personnages ou de nouveaux jobs inutiles ou trop puissants, ajouter de superbes cinématiques, mais pas suffisamment pour porter la flamme jusqu'au bout, tout ça sent un peu trop les promesses non tenues. En dehors de cela, et malgré des défauts, Final Fantasy Tactics m'apparaît encore aujourd'hui comme une réussite inégalée dans le domaine du jeu vidéo.  

The War of the Lions  

Le background rend le jeu assez difficile à suivre dans le détail ; de nombreux personnages importants apparaissent une ou deux fois, on entendra parler de certains sans jamais les croiser. Reste que la trame principale se suit assez facilement ; Ramza Beoulve, le héros qu'on incarne, se sépare de sa famille lorsqu'il découvre que ses frères courrent après le pouvoir plutôt que le sens de l'honneur. Son meilleur ami Delita va suivre son propre chemin après un drame. Les roturiers sont fatigués du mépris des nobles et la guerre se prépare. Et en toile de fond, un bon vieux mythe de démons millénaires qui semblent tirer les ficelles pour on ne sait quelle raison.   À cela s'ajoute des trahisons, des manipulations, des mensonges et des malentendus. FFT accumule un peu trop les personnages, les intrigues et les thèmes, tout semble un peu survolé et assez confus, mais on comprend l'essentiel, voyant tel personnage s'enfoncer de plus en plus dans la noirceur, tel autre ouvrir enfin les yeux.   Mais ce qui m'a tué sur cette partie en particulier, c'est comment le jeu attache le scénario au gameplay. Tous les combats scénarisés sont non seulement justifiés, mais éclairants et subtils. Il y a les brigands qui veulent la peau du héros pour toucher la récompense, ceux qui lui en veulent sur un malentendu, et les véritables ennemis. Sur la moitié des combats, Ramza ne veut pas se battre ; il cherche à négocier, à faire revenir l'autre à la raison. Évidemment cela échoue toujours, et parfois les combats prennent une allure tragique lorsqu'en face on rencontre cet ennemi pour la troisième fois, et qu'il n'a plus aucune raison de se battre, juste la haine et le vide.

Les saynètes de FFT sont un petit régal de mise en scène. Avec des personnages tout en sprite, des bruitages en format MIDI aux sonorités ridicules, on assiste à une suite de complots, de trahisons, de meurtres dans une ambiance shakespearienne et heroic-fantasy où les plus nobles âmes se confrontent aux ambitieux vils et assassins, et où la corruption et la soif du pouvoir peuvent détruire les amitiés. Les personnages ont tout un éventail de petits gestes évocateurs qui viennent renforcer une mise en scène minimaliste d'une grande précision. L'un des charmes de FFT tenait à ces petits bonhommes. Le ton est grave, mais avec un petit aspect ridicule désarmant dû aux choix graphiques, un peu comme lorsqu'on voit un enfant de six ans faire l'adulte. Comment prendre au sérieux un meurtre lorsque le poignard fait Prou-iiitch ? Et en même temps, comment résister à ces petites scènes si bien fichues, usant ingénieusement des limites imposées par le hardware ? Mais ça c'était dans l'original. The War of the Lions est venu, même chichement, sublimer tout ça avec les cinématiques crayonnées. Certaines scènes intimistes devant lesquelles je souriais sont devenues magnifiques, conservant l'art de la sobriété et de la simplicité des saynètes, choisissant les plans qui tuent plutôt que la mise en scène qui se la joue.

Il est d'autant plus dommage qu'elles n'interviennent pas plus régulièrement, et qu'elles ne subliment pas la fin. Ce n'est pas tant que la fin ait besoin d'être sublimée, mais que forcément le joueur se fait des attentes et aimerait que cela finisse en apothéose visuelle.  

La beauté des vieux

Graphiquement c'est un jeu qui m'en impose encore aujourd'hui. FFT mélange des personnages en sprite et des décors en 3D avec une belle harmonie. Le jeu a vieilli, mais pas tant que ça, c'est un vieux beau, à l'instar de ces rares jeux qui ont transcendé la technique, tel Metal Gear Solid, Chrono Cross ou Vagrant Story. Les décors, variés, sont très bien rendus. Ruines, cathédrales, remparts de château, désert, intérieurs, et proposant tous en prime un level-design astucieux qui renouvelle sans cesse le gameplay. Le jeu va le plus loin possible dans le détail, jusqu'aux limites imposées par le hardware. Tous les décors ne sont pas une découverte, et certains sont plus intéressants pour le level-design que pour la décoration, mais généralement les deux vont de pair, ce qui transforme une jolie cathédrale en véritable casse-tête pour un combat.

La direction artistique, pas originale mais classique dans le bon sens du terme, s'approprie le Moyen-Âge façon Tolkien que les RPgs occidentaux ne font que photocopier sans effort ni inspiration véritable. Il y a aussi la touche manga des personnages, tous élancés, avec un air juvénile pour la plupart, qui vient ajouter une touche singulière à un univers familier.

Meilleur jeu du monde depuis 1998

Le plus grand compliment que je puisse faire au gameplay tient à sa rejouabilité. Je possède le jeu depuis 1998, j'y joue encore de temps à autres, je découvre encore des secrets. C'est en quelque sorte un jeu d'échec dans lequel nos personnages sont entièrement customizables du point de vue de l'équipement et des compétences. En combinant les atouts d'un job avec ceux d'un autre job, on obtient des guerriers redoutables ou polyvalents, selon les goûts. Le très grand plus par rapport aux J-RPGs traditionnels est que rien n'est imposé. Vous n'aurez pas de donjon de glace où il faut s'équiper obligatoirement avec une armure de feu, pas de dragon contre lequel seule une épée tueuse de dragon est efficace. Le jeu est beaucoup plus ouvert, on évolue chacun à sa manière.

La première partie peut poser problème, et il est vrai que par la suite, le jeu est grandement facilité par notre expérience. Une fois qu'on a assimilé le principe, qu'on a découvert les différents jobs et les compétences intéressantes, le jeu ne nous résiste plus pour peu qu'on ne se donne pas de limites.

Mais le gameplay est alors suffisamment profond et intéressant pour que d'une part on sente l'envie d'essayer de nouvelles choses, et d'autre part qu'on fabrique sa propre difficulté en évitant par exemple de trop leveller, ou encore en se décidant à voler toutes les armes et accessoires spéciaux du jeu (ce qui peut transformer un combat anecdotique en véritable casse-tête).

Au fond le jeu reste intéressant même après plusieurs parties si on décide de jouer le jeu, à savoir qu'on entame les combats scénarisées avec un niveau équivalent à celui de l'ennemi. Ce n'est pas tellement les différences de niveaux qui rendent le jeu plus facile, mais les compétences débloquées ; dans une première partie on tente des choses, dans une seconde on sait quoi débloquer, et si on levelle trop, on débloque autant d'atouts que l'adversaire n'a pas, on devient trop polyvalent, on pare à trop de mauvais coups.

Imparfait

Final Fantasy Tactics n'est pas parfait. Vers les trois quart du jeu, on obtiendra de nouveaux personnages aux performances spéciales complètement cheatées qui vont beaucoup trop faciliter le jeu. Pour moi ce jeu est passionnant car les jobs, même puissants, ont leurs limites, alors se faire une équipe polyvalente entre gros guerriers lourds et personnages faibles mais fourbes, c'est assez amusant. Les personnages spéciaux viennent tout déséquilibrer car ils ont tous les atouts, puissance, rapidité, coups meurtriers aux effets secondaires tout aussi dévastateurs. Quant on a 100% de chance de détruire un équipement, et que le coup entame aussi la moitié de la barre de vie, il n'y a plus de plaisir. Car le plaisir de FFT repose également sur le hasard et les statistiques, sur cette attaque pourrie qu'on a des chances d'esquiver, sur ce sort rageant qui se retourne sur l'adversaire, sur cette contre-attaque à faible taux de réussite qui passe pour la première fois et tourne le combat en notre faveur. D'où mon aversion pour les personnages trop puissants dans notre équipe qui viennent annuler tout le sel des combats. Fort heureusement, on peut très bien se passer d'eux..

Le Deep Dungeon, la plus grosse quête secondaire, est assez fastidieuse également. Elle permet de mettre la main sur les meilleurs équipements du jeu, mais alors la fin ne pose pas de difficultés. Cet équipement, comme dans de nombreux J-RPGs, nous rend trop puissant pour rien, cumulant encore une fois tous les atouts sans malus pour les équilibrer. Déjouer par la ruse, la fourberie et la tactique des paquets de points de vie aux coups dévastateurs est un challenge qui me semble beaucoup plus passionnant. Semer la zizanie chez l'adversaire en jetant le charme ou la confusion, les voir s'entretuer, c'est un plaisir plus satisfaisant que les gros coups d'épée qui tuent une fois.

Réussi sur tous les plans, Final Fantasy Tactics est à mes yeux, de loin, le meilleur jeu qui existe depuis 1998. Avec les années mes critères ont changé, mes attentes également. Il est toujours resté le meilleur. Il y a des jeux qui vieillissent bien. Lui je le redécouvre à chaque fois, que ce soit des aspects du gameplay que je n'avais jamais essayé (job, compétence), ou sur le travail artistique qui ne prend pas une seule seconde le jeu vidéo pour un média débile dans lequel on peut se permettre tout et n'importe quoi parce que c'est juste du fun. La qualité est au rendez-vous à tous les niveaux, tout est pensé pour que les différents éléments du jeu soient combinés ensemble, et à cet esprit de cohérence s'ajoute un savoir-faire d'une grande maîtrise, le talent ludique, graphique, musical et scénaristique. Le. Meilleur.