Terminé en mode normal sur PC avec la manette 360.

Miles est un journaliste qu'un lanceur d'alerte a mis au vent par mél de trucs louches et immoraux qui se trameraient à l'asile Mount Massive. Miles décide d'aller enquêter là-bas avec son caméscope. Plusieurs camions militaires sont arrêtés devant l'entrée. La porte est fermée. En escaladant un peu il rentre par une fenêtre et se retrouve coincé à l'intérieur. Après seulement quelques pas il tombe sur une équipe d'intervention spéciale décimée, baignant dans le sang avec des bouts de corps éparpillés partout. Tandis qu'il progresse, il constate que tous les fous sont libres dans l'établissement et il devient clair que cette nuit va être rude…

On ne verra jamais le visage de Miles. Toute l'aventure est déroulée de son point de vue, depuis la cinématique de son arrivée en voiture au début du jeu. On n'entendra pas non plus sa voix. Mais alors qu'il filme un événement ou un lieu particulier, une icône de cahier s'affichera à l'écran. En mettant sur pause on peut accéder à la note manuscrite que Miles vient de prendre dans son carnet. Il l'a écrite au stylo bleu. Alors qu'il tient la caméra. Instantanément sans s'arrêter. Bon, très bien…

Ce problème de cohérence se retrouve dans un détail qui fout par terre toute la crédibilité de l'aventure. Très tôt il est évident que Miles court un grand danger. Dans le hall principal de l'asile il y a des fenêtres. Il suffirait que Miles fasse la plus simple des choses, à savoir ramasser n'importe quoi pour casser une vitre, pour qu'il puisse mettre fin à son cauchemar. Mais non. Arbitrairement, les développeurs ont décidé que oui il y aurait des fenêtres semblant accessibles dans cet asile, mais que non le héros ne chercherait jamais à les utiliser pour sortir. Pourquoi ? Pourquoi avoir négligé un détail aussi bête alors qu'ils ont certainement passé plusieurs années de leur vie sur ce jeu ? Je ne comprends pas comment on peut trouver des choses pareilles dans un jeu vidéo.

Dans le même genre, alors que Miles se cache dans un casier pour échapper à un poursuivant et doit donc se faire discret, il claque la porte métallique comme un sourd. On entend bien le son nous, mais pas le méchant. Et quand il est dans le casier, la bande-son est recouverte par son souffle de bœuf, un halètement si sonore qu'il révélerait sa présence à n'importe quel humain normalement constitué, mais pas aux ennemis de ce jeu.

On peut continuer longtemps comme ça, principalement avec ce héros qui alors que sa vie est menacée, préfère garder sa caméra à la main plutôt qu'utiliser cette dernière à ramasser, porter et utiliser une arme, même de fortune...

Mais revenons sur les notes de Miles, je trouve le sujet intéressant. C'est le seul moyen d'expression du protagoniste, la seule façon de suivre un peu ce qu'il se passe dans sa tête. La façon dont ces notes sont prises est tout à fait ratée. Pourquoi ne pas avoir opté pour des moments où Miles retourne la caméra sur lui et se filme en train de dire les choses qu'il a à dire ? On aurait vu sa tête, entendu sa voix et ça aurait aidé à caractériser le personnage. En l'état les notes ont deux effets : dessiner un personnage malheureusement générique de film d'horreur (ses réflexions sont dignes d'un ado con sorti d'un slasher) et nous maintenir au courant de l'essentiel du mystère et de la menace, au cas où on ne comprendrait pas bien ce qu'on entend et ce qu'on voit dans l'asile.

Et ça me semble être fatalement le cas. Si on s'en tient à ce à quoi on assiste visuellement au cours de notre périple, on reste tout à fait ignorant et confus. Suivre les dialogues des « patients » qui ne nous attaquent pas est souvent difficile car les sous-titres ne suivent pas dès que deux personnes parlent en même temps. Et puis il y a ces documents qu'on peut ramasser, tous dans une chemise bleue, allez comprendre. En les lisant, on en arrive à cette conclusion : dans cette histoire il y a des fous, du sang, une force paranormale, du mysticisme, des nazis et des mentions d'un au-delà. Voilà. Comment tout cela est lié, je n'ai pas compris. J'ai pourtant fait l'effort de lire ces fichus documents, cryptiques et / ou inintéressants, une constante dans les jeux vidéo. Dans ce contexte donc, les notes de Miles ont ceci de raccrocher les wagons de l'intrigue, à savoir nous expliquer ce qu'on aurait logiquement dû comprendre par nous-mêmes étant donné que nous sommes dans la peau de Miles…

Mais Outlast, qu'est-ce que c'est au-delà de tous ces détails ? Ce n'est rien de plus qu'une progression arbitrairement linéaire (éboulements et barricades bien arrangeants) dans les couloirs d'un vieil asile typé horreur de base, couloirs qui se ressemblent tous. Cette progression est ralentie et rythmée par des sections où l'on devra actionner des objets à des points A et B, pour ensuite actionner un autre objet à un point C, tout en étant poursuivi par un ou deux ennemis. Voilà. En sachant que quand un ennemi nous poursuit, on ne peut pas le tuer ou le frapper mais on doit fuir et se cacher dans un élément du décor prévu pour, dans un casier ou sous un lit, les cachettes les plus évidentes et les plus intuitives (exemple : se tenir accroupi derrière une porte) se révélant inefficaces (les ennemis nous repèrent dès qu'ils sont à proximité). Parfois au contraire, un ennemi nous perdra de vue alors qu'on se tient face à lui… Pas très reluisant.

Autre frustration, les sauts. Miles peut sauter. Les développeurs ont même modélisé son corps donc on peut voir ses jambes et son torse. Quand il court il peut enjamber de façon fluide un obstacle à condition d'appuyer sur la touche au bon moment, sinon il fera un saut normal. Le problème c'est que les développeurs ont décidé arbitrairement des objets sur lesquels on pouvait grimper, donc parfois un objet tout à fait à notre hauteur ne pourra pas nous recevoir malgré des sauts répétés. De la même façon, un lit vide on peut l'enjamber. Un lit avec quelqu'un dedans le saut dessus sera interdit, ce qui pose problème quand un méchant nous poursuit avec un hachoir à viande. La bonne idée pendant ces poursuites, cosmétique plus que réellement utile, c'est de pouvoir regarder derrière soi (avec une gâchette de la manette) pour voir notre ennemi nous poursuivre.

En terme d'utilisation de la manette et d'ergonomie, quelques choses à signaler. Les gâchettes sont utilisées de façon pertinente puisque selon la pression exercée le personnage se penchera plus ou moins pour jeter un coup d’œil sur le côté… Au contraire, le choix d'avoir placé le bouton de course sur le bumper gauche de la manette (LB) ne me semble pas pertinent. Transcrire l'action de courir sur un bouton à petit clic insignifiant, de tranche de surcroît donc qui ne limite pas l'utilisation de la manette alors que c'est le mouvement qui réclame le plus d'effort pour le personnage… Je ne suis pas fan du tout. Le fait qu'on se mette en position accroupie et qu'on y reste sans avoir à maintenir la touche (B, comme dans COD) ne me plaît pas trop non plus, c'est une position qui demande un effort constant à un humain et la réduire à un interrupteur on/off ne me semble pas pertinent.

La fin du jeu convoque vite fait Lost pour l'environnement dans lequel elle se déroule et le mystère qui l'entoure, mais se conclut in fine par un rebondissement incompréhensible et un peu osef, tant le sort du héros m'importait peu.

Outlast se présente de loin comme un jeu intriguant, j'étais très curieux et je le voyais mal se planter honnêtement. Mais en fait si la réalisation graphique a bénéficié de compétences de niveau professionnel, ce n'est pas le cas de la conception de l'aventure dans son ensemble, des règles du jeu à la narration. Outlast n'est rien de plus qu'un déplacement d'un point A à un point B dans un environnement étonnamment convenu, entrecoupé de poursuites et d'objectifs génériques de réparation de pompes, etc. Un étonnant manque d'ambition recouvre ce projet.

Il faut aussi en passer au début par une phase à la difficulté décourageante, la première section de poursuite telles que je les évoquais plus haut, avec des objets à actionner. Un ennemi nous traque et il est très difficile de voir où il est par rapport à nous, et échapper à son regard une fois repéré l'est encore plus. C'est du « die and retry » qui tâche, prompt à décourager d'autant plus qu'il survient tôt dans l'aventure alors que l'on n'a pas encore assimilé les règles. Pour ceux qui ont fait le jeu, je parle de l'espèce de générateur avec les deux valves.

Il faut aussi parler de l'aspect "horrifique" de Outlast. Là aussi ça ne marche pas, à cause d'une surenchère absurde dans le gore. Dans TOUTES les pièces il y a du désordre, du sang, des corps ou des membres coupés ; tous les personnages rencontrés sauf un ont des tronches pas possibles (lèvres cousues, aspect cradingue mi-punk mi-SM) quand ce ne sont pas des monstres purs et simples par leur physionomie de mutant consanguin. Non seulement cette surenchère permanente peut désensibiliser très vite mais surtout ça pose un problème de vraisemblance de l'univers ; à mesure qu'on progresse on imagine de moins en moins ce qui a pu se passer pour en arriver à un tel bordel sanguinolent dans chaque pièce et on perd foi dans la réalité de ce lieu. Il y a un tel systématisme dans la boucherie à chaque pas qu'il devient clair que jamais le jeu n'arrivera à nous donner une explication rationnelle à ce qu'il a bien pu se produire. L'asile devient alors un lieu abstrait auquel on a bien envie de croire, par sympathie pour le genre et par envie de sensations fortes, mais qui ne s'imposera jamais à nous comme réellement crédible. On a le droit d'attendre mieux de la part des équipes de développements que des assets de boyaux éparpillés un peu partout à la diable. Idéalement, la "déco" de chaque pièce devrait répondre d'un historique bien défini dans la tête des développeurs ; s'il y a une tête par terre il faut qu'ils sachent qui l'a mise là, pourquoi, quand et à qui elle appartenait.