Brothers in Arms commence par un récapitulatif de je ne sais trop quoi. Anciens épisodes évidemment, mais lesquels pour le bleu-bite que je suis par rapport à cette série ? Peu importe, ça met dans l'ambiance. Il y est question d'un pistolet maudit (je vous rassure, pas comme dans les autres jeux vidéo !) qui finit par tuer tous ses propriétaires. Coïncidence ou mauvais sort ? Les militaires sont superstitieux.

Ensuite débarque l'introduction du jeu dans un camp militaire U.S. via un long plan-séquence où on vole de personnage en personnage. C'est vivant, un peu difficile à suivre avec toutes les tronches qui défilent mais l'essentiel n'est pas là. Voilà, je suis dedans. Hells Highway a un savoir-faire cinématographique certain. Pas celui qu'on prêtera plus tard à des studios comme Naughty Dog ou Quantic Dream qui ne sont que caricatures et plagiats d'Hollywood. Ici les plans font leur boulot, rien de plus, pas de surcouche pour faire plus hollywoodien qu'Hollywood. Ce savoir-faire est solidement soutenu par des visages qui ont de la personnalité. Ça sent encore le début de gen PS360, il n'y a pas un max de polygones, et nos personnages, assez nombreux, sont un peu difficiles à identifier. Mais ils ont l'air de personnages, avec de vraies têtes, à commencer par notre héros avec ses arcades sourcilières lourdes et tombantes.

Au niveau de l'intrigue qui se déroule en Hollande, au départ le jeu m'a fait penser à ces vieux films chiants des années 60/70 où le but est de raconter comment les militaires ont pris un pont trop loin, mais le jeu est de son temps artistiquement parlant. Pas jeu vidéo-ludiquement. Artistiquement. Il y a une dimension humaine très palpable dans le périple de ses hommes qui fait écho, sans recopier, à des classiques comme Il Faut Sauver le Soldat Ryan ou Mémoires de Nos Pères, sans forcément atteindre la même qualité dramatique à cause d'une réalisation un peu maladroite, mais sans tomber dans la série B non plus, ni la Z que le jeu vidéo aime tant. On est plutôt au niveau d'un bon téléfilm, ce qui pour le jeu vidéo est assez rare. Il faudra comme je disais tolérer une forme de maladresse, celle d'une réalisation qui se veut réaliste visuellement avec tous les petits défauts que ça comprend, la maladresse des débuts de la gen avec des petits détails pas au point, celle de scénaristes qui ont bien fait leur travail mais ne sont pas des as non plus, et aussi celle d'un doublage FR assez mou sur le jeu d'acteur, malgré des voix connues au cinéma et plus douées habituellement.

L'histoire de Hell's Highway n'est pas émouvante grâce à une originalité par ailleurs inexistante, mais en prenant le contrepied de toutes les histoires idiotes des jeux vidéo. Bien que prévisible pour tout autre domaine, en premier lieu le cinéma, ici on peut être surpris par la justesse des dialogues (pas leur doublage FR par contre) ou la tournure pourtant classique des événements. Le jeu n'en fait jamais trop, ne tartine pas grossièrement pour faire appel aux émotions si chères aux charlatans du jeu vidéo ou d'ailleurs, mais préfère dépeindre le portrait de soldats broyés par la guerre. Les héros, au sens narratif du terme, sont les personnages, et non le studio pour qui l'ambition première serait de nous plonger au coeur du drame via toutes sortes d'outils anti-jeu vidéo tels que la narration imposée et les gameplays dirigistes.

Les outils du cinéma sont également utilisés durant le gameplay, notamment lors de kill cam. La Kill cam, habituellement, c'est un ralenti sur le dernier ennemi tué afin de gratifier le joueur pour son talent. Ici je n'ai pas saisi les conditions pour la déclencher, et je pense tout bonnement que c'est aléatoire. Il n'y a pas de kill cam systématique et donc déclenchable de manière mécanique, mais des kill cam arbitraires, sporadiques, venant ici et là introduire un peu plus de narration durant les phases de jeu. Ça n'a globalement rien de gratifiant, et ça souligne parfois la brutalité des combats. Lorsqu'une grenade explose des Allemands, nous voyons ainsi au ralenti les corps sauter en l'air, se plier, les membres s'arracher, parfois les têtes ou les corps. Mais sans gerbe de sang inutile. Brothers in Arms montre la violence, mais ne s'y complait pas.

Drôle comme ce jeu qui a globalement tout pour plaire si on se réfère aux critères de la presse et des joueurs (notamment le côté mature et l'aspect cinématographique) est passé plutôt inaperçu.

Graphiquement c'est coloré comme Uncharted, on prend plaisir à visiter la campagne hollandaise, et ce choix des couleurs un peu dessin animé permet de ne pas tomber dans la grisaille photo-réaliste tout en épaississant les ambiances, comme la visite d'un hôpital abandonné aux relents lointains de survival-horror.

BiA n'est pas un shooter. Aux commandes de Baker, on dirige une à trois escouades (système d'ordres très simple) avec le but d'avancer avant de tuer. Il faut en somme tirer sur l'ennemi pour couvrir la progression des troupes d'assaut, et contourner l'ennemi. On s'en lasse au bout d'un moment. Le principe a toujours tendance à être le même, sans véritable stratégie à mettre en place, et ce sont les quelques passages différents qui permettent de ne pas lâcher (conduire un tank, se retrouver seul, etc.). Le reste du temps, après un premier contact rafraîchissant comparé à la concurrence, BiA entre dans sa propre routine avec des patterns répétés pour tenir 8 heures.

Certains petits défauts deviennent gonflants à la longue ; notamment le système de couverture, avec le héros qui ne se planque pas toujours car il est trop près du mur (?), ou le fait qu'on sort la tête de la couverture avec le stick gauche qui sert aussi à avancer, donc des fois au lieu de se déplacer en couverture on vise sans le vouloir. Quand on sort la tête, des fois le héros se planque à nouveau si on lâche le stick, des fois non. Tous ces petits inconvénients, pas bien méchants, peuvent tout de même parfois conduire au game over. Rageant aussi le nombre de tirs "réussis" non pris en compte, peut-être à cause d'un frame-rate faiblard typiquement début de gen. On a aussi tendance à se mélanger les pinceaux avec les touches sur les tranches qui cumulent les ordres, les grenades et le tir ; il faut souvent penser à l'action qu'on souhaite, et parfois se tromper de touche peut, par un tir par exemple, gâcher le léger aspect discrétion du jeu.

BiA ne va pas jusqu'au bout. Son parti pris graphique n'est pas en harmonie avec l'histoire. Ce n'est pas tant les couleurs vives qui dérangent que la violence jeu vidéo. Les cadavres en morceaux font poupées de chiffon. La guerre est brutale durant les cinématiques, mais pas durant les phases de jeu ; problème de réalisation ou de choix artistiques ? Peut-être un peu des deux.Si la façon de montrer la violence est plutôt bonne, cette violence est malheureusement sans portée dramatique, trop artificielle d'un point de vue visuel.

Même si c'est loin d'être aussi flagrant que dans les jeux actuels, son scénario n'est pas en rapport avec le gameplay ; on joue un héros qui perd la tête durant les cinématiques, mais durant les phases jouables on donne des ordres et on place stratégiquement les escouades. Ce type de gameplay collerait bien à une histoire purement militaire, sans enjeu dramatique. Ici histoire et gameplay sont dissociés (quoique sur le même thème, ce qui est exceptionnel de nos jours !), tandis que des phases plus scriptées sont censées nous faire vivre le scénario, comme lorsqu'on cherchera après un soldat dans un hôpital ; ça ne marche pas ; le héros cherche peut-être après le soldat, moi j'avance et je tue les Allemands. Le soldat je m'en fous. Le gameplay nous propose ainsi des objectifs souvent terre-à-terre typiques des jeux de guerre (détruire des tanks, etc.) qui ne reflètent pas la personnalité ni le drame du héros. Et lorsque les objectifs sont dramatiques, ils restent terre-à-terre pour le joueur ; je ne snipe pas des Allemands pour protéger tel perso. Je snipe des Allemands parce que le jeu me demande de le faire.

Brothers In Arms semble, sur la PS3 vieillissante, un jeu ambitieux. En fait pas plus que les jeux de la PS2. À voir s'accumuler des shooters photocopiés, on oublierait presque qu'à une époque les devs n'étaient pas soumis à un cahier des charges, et pouvaient donc tenter des choses, expérimenter des voies. Cet épisode a un potentiel certain, une charge dramatique, une envie de bien faire son travail. Il se complique un peu la vie sur le plan scénaristique en partant dans plusieurs directions à la fois, mais parvient tout de même à raconter une histoire à hauteur d'hommes, sans patriote ou héros. Sur le gameplay, si la promesse d'un jeu cérébral n'est pas tenue, ça fait tout de même du bien de sortir du shooter hollywoodien. En usant pourtant des mêmes ficelles de gameplay, on nous fait participer à une aventure au lieu de nous faire faire un tour débile de montagnes russes. Ce n'est pas parfait, mais c'est fait avec de bonnes intentions. Hell's Highway, honnête représentant de ce qu'aurait pu être la gen PS360, de ce qu'elle aurait dû être.