Dans le petit monde des jeux vidéos, il existe la branche des jeux de
rôle, que l'on appelle les RPG (Role playing game), branche qui elle
même se divise en deux catégories voisines qui entrent parfois un peu
en conflit (l'une méprisant un peu l'autre) : le rpg occidental et le
rpg oriental.
Le rpg occidental date d'il y a longtemps et propose quelques grands
noms aujourd'hui entrés dans la légende : Ultima, Fallout, Might and
Magic, Baldur's Gate, etc. Cependant, force est de constater que les
rpg sur PC sont restés dans l'ombre pendant très longtemps, avec un
manque cruel de nouveautés et de sorties depuis plusieurs années, si
bien que les références du genre commencent à dater sévèrement.
C'est là qu'intervient The Witcher, dans un contexte de disette absolue pour le genre du rpg sur PC.
Et pour une claque, c'est une sacrée claque...

--------------------------------------------------------------------
Un univers à la fois classique et très particulier
--------------------------------------------------------------------
The Witcher est le premier jeu d'un nouveau développeur appelé
CDProjekt. Ces gars là viennent de l'est, et ils ont adapté les romans
d'un dénommé Andrzej Sapkowski, créateur du Witcher et de tout
l'univers qui tourne autour.
Ce qui est étonnant, c'est que ce monde créé par Andrzej Sapkowski fait
preuve d'autant de classicisme que d'originalité, pour nous servir
finalement un univers haut en couleur et plein de caractère.

Voici un exemple de classicisme absolu : les races présentes dans ce
monde sont les hommes, les elfes et les nains. On ne peut pas faire
plus classique, il ne manque plus que les hobbits, et nous voilà
embarqués chez Tolkien dans Le seigneur des anneaux ! Autre point très
classique : ces différentes races ne s'entendent pas bien, et depuis
quelques temps, des actes "racistes" se multiplient, et une véritable
tension s'installe entre les humains et les autres races.

A côté de cela, de nombreux éléments sont franchement originaux :
l'univers est sombre, très sombre, les elfes n'ont rien en commun avec
les gentils elfes de Tolkien, nous nageons ici en pleine dark fantasy,
et c'est d'autant plus jouissif que c'est rare dans un jeu vidéo.
L'univers est médiéval, mais c'est un moyen age crasseux et miteux, où
la misère se répand un peu partout, où des gens pissent contre les murs
le soir tombé (véridique !), où des prostituées arpentent les quartiers
mal famés (et le joueur peut s'offrir leurs services !). Autre point
appréciable : la cohérence de ce monde, avec ses grandes villes, son
fonctionnement, son Histoire, tout cela a fait l'objet d'un soin
minutieux et c'est un véritable bonheur, car si la magie est bien
présente, tout est vraisemblable. Et puis, et puis il y a les
sorceleurs, le groupe auquel appartient le héros Geralt. Ces chasseurs
de monstre étrange, ayant subi des modifications génétiques, sont
vraiment intriguant et dérangeants. Les gens les craignent mais ils ont
besoin d'eux.
Un régal. Je reviendrai plus tard sur l'alchimie, autre point très original de ce Witcher.

Dans cet univers va se déployer un scénario qui lui aussi parait
faussement convenu. Le point de départ peut sembler banal puisque le
héros, Géralt, célèbre sorceleur aussi charismatique qu'inquiétant,
début l'aventure amnésique en compagnie d'autres sorceleurs. Le coup de
l'amnésie du héros est tout de même un artifice scénaristique peu
inspiré, vu des centaines de fois dans des jeux de tous genres. Et
pourtant, lorsque les choses se mettent en place, on se retrouve très
vite plongé dans une intrigue captivante, avec des personnages ambigus
et intéressants, et on s'aperçoit très vite que nous sommes mis face à
de véritables choix moraux (pour changer) qu'il faudra assumer. Vous
donnez un coup de main aux non-humains à plusieurs reprises ? Alors
faites bien attention, car vos activités ont des conséquences parfois à
long terme, et l'Ordre chevaleresque de la Rose Ardente finira par
devenir votre ennemie, comme elle peut devenir votre alliée si vous
rejetez les nons-humains.
Ca fait du bien de se retrouver face à de tels choix, d'être enfin mis
face à de vraies responsabilités qui vous font hésiter lourdement quant
à la marche à suivre.

Et puis, il y a toute la maturité de cet univers qui est fascinante. Le
sorceleur est un séducteur né, et de nombreux personnages féminins
passeront par son lit, ce qui débloquera systématiquement des petites
séquences érotiques, ainsi qu'une "carte" du personnage féminin à
regarder dans votre inventaire, la dame en question étant largement
dévêtue sur la dite carte ! Dans ce jeu, on fait l'amour, on boit, on
s'intoxyque avec des potions fortement agressives pour
l'organisme...bref, on fait des choses que les éditeurs ne prennent
plus le risque d'incorporer dans leurs jeux depuis des lustres à cause
de la puissance des lobbies bien pensants qui sévissent aujourd'hui de
façon insupportable dans nos sociétés modernes. Et franchement, ça fait
un bien fou...

---------------------------------------------------
Le moteur de Nerverwinter Nights ? Tu plaisantes ?
---------------------------------------------------
Tout cela fait déjà bien envie, n'est-ce pas ? Mais ce n'est pas tout.
En plus de la richesse de cet univers, le jeu est beau, vraiment très
très beau. Il utilise le moteur graphique Aurora mis au point par
Bioware pour Neverwinter Nights, mais franchement, on peut dire que le
travail qui a été fait sur ce moteur le rend méconnaissable tant le
rendu visuel est magnifique.
On ne peut qu'admirer les paysages, somptueux, les intérieurs comme les
extérieurs ont fait l'objet d'un soin énorme, et le résultat est tout
simplement bluffant. Et surtout, ce qui me plait par dessus tout, c'est
la grande personnalité des décors et des architectures. Le monde de
Witcher est reconnaissable instantanément, il ne ressemble à aucun
autre, malgré ses affinités évidentes et bienvenues avec le vrai Moyen
Age.
Ajoutons à cela un chara-design de folie, quoique répétitif en ce qui
concerne les habitants des villes et des tavernes (les mêmes visages
sont utilisés plusieurs fois pour les personnages sans grande
importance) - et nous tenons là un des jeux les plus beaux de ces
dernières années, pas tellement en terme de puissance hallucinante du
moteur graphique, mais plutôt en termes d'inspiration et de caractère,
ce qui est bien le principal.

Ajoutons à cela une chose à laquelle je tiens : les menus du jeu, pour
l'inventaire, la feuille de personnages etc, les menus sont absolument
sublimes. Je n'ai jamais vu des menus aussi beaux, aussi inspirés. On
sent ici tout le talent des graphistes qui transpire d'une telle
interface. C'est fou ce que ce jeu finit par dégager comme personnalité
quand on aditionne tous ces éléments.

--------------------------------------------------
Un système de jeu novateur et addictif
--------------------------------------------------
Les combats n'ont pas convaincu tout le monde, mais moi, je suis plus
que convaincu, j'adore littéralement le système de jeu de the Witcher.
Les sorceleurs utilisent des épées, des glaives, spécifiques à leur
"profession". Ils utilisent deux armes : le glaive d'acier pour les
êtres humains et les animaux, le glaive d'argent pour les créatures
surnaturelles. Pour chaque glaive, il existe trois styles de combat :
rapide, lourd, groupe. Chaque style propose des enchainenents uniques
qui se déclenchent quand on appuie au bon moment sur le bouton gauche
de la souris pour produire un combo.
J'adore ce système, il demande de rester vigilant et il entraîne des
passes d'armes spectaculaires à souhait, dans lequelles ont voit Geralt
se déplacer comme un chat, avec une agilité stupéfiante.
La seule chose qui gêne un peu, c'est que les autres armes que l'on
trouve dans le jeu n'étant pas des glaives de sorceleur, elles ne
servent strictement à rien car elles n'autorisent pas les enchainements
de combat. Leur intérêt est donc fortement limité, et on peut dire que
la personnalisation de l'équipement du personnage en prend un sacré
coup. Les amateurs de customisation en sont pour leurs frais... Ceci
étant dit, le jeu est tellement riche dans ses mécanismes que cela ne
m'a pas beaucoup dérangé.

En plus de ses armes, Geralt a deux atouts supplémentaires dans sa
manche pour se battre (c'est bien cela qui minimise le défaut de ne pas
pouvoir varier les armes): la magie, que l'on appelle les "Signes", et
l'alchimie, qui permet la préparation de tout un tas de potions.
Ce qui est fort, très fort, c'est que là où dans beaucoup de jeux, le
craft ne sert en définitive pas à grand chose, il est ici fondamental
car l'alchimie s'avère extrêmement utile, et même indispensable si on a
la bonne idée de lancer une partie en mode difficile. Sans elle,
certains combats seront quasiment injouables à niveau de difficulté
élevé, voilà qui est donc très intéressant à mon goût. Ce qui est
génial, c'est que chaque recette alchimique nécessite des ingrédients
que l'on trouve dans la nature, certains sont rares, d'autres non,
chaque recette alchimique nécessite une base alchimique à bse de
boissons alcoolisées. Tout cela est remarquable et passionant.
De plus, alors que la magie des signes est relativement banale (signe
de l'air pour faire tomber les ennemis, signe du feu pour les embraser,
etc), les recettes alchimiques sont elles d'une fole originalité, je
pense par exemple à l'elixir du chat-huant qui permet de voir dans le
noir, ou à des potions qui permettent de voir le monde bouger au
ralenti en accentuant tous vos réflexes. Achevons sur l'excellence de
l'alchimie par cette ultime précision : chaque elixir a un niveau
d'intoxycation matérialisé par une barre verte sous la barre de vie de
Geralt. Il ne faut pas que la barre soit pleine, sans quoi vous mourrez
aussi sec par excès d'intoxycation. L'alchimie est donc puissante mais
il faut la manipuler avec soin, ce n'est pas un truc d'enfant de choeur
mais une vraie substance aussi nocive qu'utile. Génial, je vous dis.

La progression du héros est également fabuleuse. Lorsqu'il passe un
niveau, Geralt obtient des écus, de bronze, d'argent, d'or. Ces écus
lui permettent d'acheter ses compétences dans tous les domaines : tous
les signes magiques, tous les styles de combat.

------------------------------------------
Au final : un de mes jeux préférés
------------------------------------------
J'adore ce jeu. Viscéralement. Je veux voir débarquer d'autres jeux de
cette trempe, je veux des jeux aussi matures et intelligents.
Un jeu comme celui là rend banal et sans intérêt beaucoup d'autres productions soi disant blockbuster.
Il s'agit là du premier jeu de CDProjekt, total respect pour ce nouvel
éditeur dont je suis devenu instantanément un fanboy militant.
Ces gens là, je vais suivre leurs projets futurs de très très près, car
The Witcher m'a mis une claque comme je n'en avais pas prise depuis
longtemps. Et tout le monde sait qu'une bonne claque, de temps en
temps, ça fait du bien !