Requiem est le troisième épisode de la saga Penumbra et (a priori) la suite de Black Plague.

Pas d'histoire ou presque.

Je ne savais même pas au début quel personnage j'incarnais. Ce n'est qu'après qu'une voix s'adressant au protagoniste l'appelle "Phillip" que je savais que je dirigeais toujours le héros des deux précédents volets. Ce détail est caractéristique d'une aventure qui n'a pas d'apparente connexion avec le récit de Penumbra. Si auparavant on incarnait Phillip à la recherche de son père perdu dans une base mystérieuse en Antarctique, ici on se retrouve débarqué dans un lieu non identifié, sans explication par rapport à la manière dont se terminait Black Plague.

Concrètement, Requiem c'est neuf niveaux interconnectés par des téléporteurs dont l'activation est à chaque fois l'objet d'un gros puzzle. Je me doute bien que le personnage ne doit pas avoir envie de moisir dans ces salles assez glauques, mais que fait-il ici ? Comment est-il arrivé ? Est-il prisonnier ? Pourquoi veut-il sortir au juste ?

A l'occasion de l'inspection d'un vieux matelas posé par terre, on peut lire cette réflexion du héros : "ça pue. Pourquoi je ne suis pas étonné ? Peut-être que je devrais juste m'allonger et abandonner." Le héros est visiblement bien déprimé et c'est dans ce sens-là que cet épisode n'est pas complètement vide de sens : confronté à cette énième épreuve à la Portal, ce n'est pas sûr que Phillip aura la volonté de s'en tirer. Et cette ambiguïté imprègne pas mal l'aventure : les niveaux sont complètement dénués de vie, des voix de personnes que l'on croyait mortes sortent de la vieille radio que Phillip garde toujours sur lui. Les commentaires "noirs" de Phillip, l'absence de musique : tout cela crée une impression de mort, comme si on dirigeait un mort en sursis, un cadavre ambulant, complètement désespéré et dépourvu d'énergie vitale.

Le mariage réussi du FPS et de la narration.

Avec des choix simples de design Requiem parvient à éviter deux écueils récurrents du FPS. Le premier c'est le décalage et l'impression de fausseté qui survient quand un personnage que l'on dirige en vue à la première personne se met à parler (*). On se dit : "mais d'où vient cette voix ? Je suis bien en contrôle du personnage et je n'ai rien actionné du tout". Parfois c'est même difficile de se rendre compte que c'est bien notre personnage qui parle. Le deuxième écueil c'est l'extrême inverse : dépourvoir le personnage incarné de toute personnalité. Requiem arrive à trouver un entre-deux en ne faisant intervenir des remarques du personnage, 1) seulement à la demande du joueur, 2) en mettant l'action sur pause (l'écran freeze), 3) à l'écrit uniquement. Pas de voix sortant ainsi en pleine action d'on ne sait où, et une différence claire entre le moment où le personnage exprime sa pensée (on freeze en cliquant sur un objet) et celui où on l'incarne. Bien joué. J'ajoute que l'absence de doublage permet la mise en forme de ce que pense le personnage de manière littéraire, pas parlée. Quand on clique sur un objet c'est comme si le personnage rapportait dans un livre son observation.

Conclusion

La maniabilité est égale à elle-même : dotée de bonnes idées (reproduire les mouvements à la souris pour manipuler les objets) et d'un certain poids, elle reste raide et rigide et c'est là-dessus que l'impression d'incarner un humain s'étiole. Requiem est pour moi un jeu assez anecdotique, qui arrive à créer quand même une atmosphère assez vide et au final dépressive, mais qui ne raconte pas grand chose. Une façon plutôt paresseuse de clôturer la trilogie ; de loin on pourrait jurer à l'abstraction, à du MGS VR Missions VS Penumbra.

(*) Je pense d'ailleurs que c'est aussi valable pour les vues à la troisième personne. Je remarque que Forbidden Siren 2 ne fait jamais parler ses personnages quand on les incarne et ça marche très bien. On n'a pas ainsi cette sensation que le personnage échappe à notre contrôle alors qu'il est censé y être soumis.