Rendre justice à la dernière production de Suda Goichi serait de dire que Lollipop Chainsaw est un hommage aux BTA old school, ceux d'avant Devil May Cry, en 2D, qui envoyaient deux frères ou trois amis se disputer la même fille (petite copine, sœur ou autres) et, accessoirement, débarrasser tout ce que la ville comptait de racailles. Même si Lollipop Chainsaw est en 3D, il se situe loin des productions Kamiya, technique, profonde et pleine de style. Il renvoie à des plaisirs simples, Arcade, où l'on martèle les boutons face à des nuées d'ennemis et où le gameplay brille plus par la variété de ses situations que par sa recherche, sa profondeur ou son skill. De Double Dragon à Renegade, de Final Fight à Burning Fight, Lollipop ressort du grenier les jeux à 6 niveaux, les couloirs, les à-côtés décalés, les boss et les sous boss. Son fun, sa simplicité, la courte durée de chacun de ses stages sonnent comme sa plus grande force (plaisir jouissif, régressif et enfantin) et forcément comme sa limite immédiate. Les BTA 2D étaient fun mais conçus avant tout comme des bouffe-pièces pour machines d'arcade.

Les défauts de Lollipop sont ceux des productions Suda51 : technique dépassée, caméra qui ne suit pas toujours l'action frénétique, what the fuck permanent qui ne plaira pas à tout le monde et qui devient un peu trop systématique au fil des sorties de son studio (No More Heroes aussi décalé soit-il maintenait une ligne directrice franche sans nécessité de passages LSD), durée de vie courte si on l'entend du générique de début à celui de fin (en normal sur un premier run, ça peut se finir en 6-7 heures).

Des défauts rédhibitoires pour la plupart mais compensés, pour les fans, par les qualités des jeux Suda51. La direction artistique a un vrai parti pris avec son cell shading qui masque la faiblesse technique et l'esprit punk souffle toujours plus fort que sur les productions AAA grises et ampoulées (même si Suda serait bien inspiré d'essayer de nouveaux tons). C'est donc gore, violent façon BD ou comme un bon épisode de Daria (le couple Juliet/Nick calque le couple crétin cheerleader/footballeur du dessin animé), grossier (même si le duo fonctionne moins bien que celui de Shadows of the Damned), ultra référencé en séries B et en bonne musique, donc parfaitement recommandable à celui que le gris désespère et qui n'en peut plus du dubstep. Le style musical offre le grand écart parfait entre Human League, Children of Bodom et MSTRKRFT, donc entre new wake, disco, rock, metal, electro et punk pour des collaborations nombreuses parmi lesquelles le compositeur désormais maison, Akira Yamaoka (Silent Hill).

Moins réussi que NMH, Lollipop Chainsaw évite l'écueil Shadows of the DAMNED qui une fois fini pouvait rejoindre l'étagère ou la revente. Les niveaux et les environnements sont bien plus variés (mention spéciale à la salle d'arcade et à ses hommages à Pacman ou Rolling Thunder) et surtout les amateurs de collectionnite et de scoring seront ravis : impossible de tout débloquer au bout d'une ou deux parties (certains costumes sont même proposés à des prix indécents) et le mode défi avec classements se prête très bien à la construction du jeu et ses niveaux courts.
Malgré son gameplay assez simple, on a plaisir à refaire les niveaux en Défi ou en difficulté Impossible (qu'on débloque une fois le jeu fini). C'est du New Game + et les nombreux combos à acheter raffine un peu l'expérience et la variété des approches.

Enfin, depuis NMH et son combo d'assassins cultes, les boss de Lollipop Chainsaw sont parmi les meilleurs jamais créés (éclipsant aisément le casting paresseux des gentils). Symbolisant une influence ou un courant musical majeur (punk, metal, rockabilly, psyché...), ils interviennent aussi bien dans le niveau par petites touches que bien sûr en fin de parcours. Inspirés, déjantés, avec des punchlines cultes, coriaces (en difficile évidemment), avec un thème musical qui colle souvent au cerveau, ils participent grandement à l'esprit du jeu.

Moins surprenant qu'un NMH ou moins profond qu'un Bayonetta, Lollipop Chainsaw aura sans doute du mal à trouver son public. Dommage car le jeu gagne en sympathie et même en finesse (sans pour autant renoncer à son approche un rien bourrine) au fil des heures, des combos achetés et des situations variées et décalées. A moins que les formes de la jolie dinde, Juliet, lui assurent quelques ventes supplémentaires ? C'est tout le mal que je lui souhaite (après tout, moi aussi, je le veux le costume bikini à 80 pièces !)