En vue d'une expérience de jeu optimale, je me suis procure, une fois le jeu en ma possession, une amélioration graphique que s'était empressée d'apporter la communauté au jeu : la version non censurée (malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous fournir de lien ne proposant que la version censurée, et pas le jeu piraté par la même occasion).

Manhunt 2, c'est un peu le fan service de Rockstar : un jeu que l'on achète juste pour le plaisir des yeux (un peu comme Rez à son époque). Mais ici, point d'hommage à Kandinsky, juste des hectolitres d'hémoglobine versés par nos soins (ce qui révoltera probablement l'organisateur du Don du sang), et des têtes roulant librement, enfin détachées de ce boulet qu'elles traînent constamment au pieds qu'est leur corps. Un jeu poétique, en substance. En tout cas, une bonne base pour l'établissement d'une ambiance glauque qui pourrait faire ressortir de mes entrailles une émotion que j'ai à peine ressentie en jouant à Resident Evil 4 : la peur. Ou alors pour un jeu bâclé, dont le seul espoir de vente sera la promesse d'un défouloir pour envies primaires. Qu'en est-il ?

Un soir d'orage. Une nuit qui s'annoncait tranquille, autant qu'elle peut l'être dans ce lieu d'égarement humain ou la violence risque de surgir de chaque chambre accueillant un malheureux incotrôlable. Un coup de tonnerre, coupure de courant de quelques secondes, toutes les portes des cellules s'ouvrent, lâchant ainsi dans la nature des centaines de serial killers en herbe. Mais, bien évidemment, une grande majorité des fous ne sont pas dangereux. Vous incarnez donc le seul fou à peu près raisonnable, mais qui va devoir s'adapter à son milieu très hostile. Evidemment, vous étiez un patient très important, sujet d'une expérimentation très spéciale et qui doit être rattrapé à tout pris.

Commençons par l'ambiance. Glauque, évidemment. On passera, dans ce Manhunt, dans tous les endroits les plus glauques qui peuvent exister, ou tout du moins dans nos clichés : le jeu commence dans un hôpital psychiatrique, d'où l'on doit s'enfuir, en massacrant au passage les aides-soignants et quelques psychopathes, qui vous pisseront dessus si vous ne réussissez pas le tutoriel, pas trop mal intégré, à des sex-shops et des boîtes de strip-tease accueillant principalement des sado-masos, en passant par les habituels laboratoires aux murs couverts d'un liquide rougeâtre (probablement de la grenadine ?) ou les bas-fonds d'une ville. Et même si c'est du classique, ca marche. Les ennemis font peur, l'ultra-violence qui ne s'arrête pas la moindre seconde du début à la fin du jeu, et qui est même à certains moments exacerbée par le game design et très dérangeante, comme lorsque l'on doit couper une tête pour passer un scanner rétinien,  font que l'on hésite avant de lancer le jeu : ce n'est absolument pas original, mais ca marche. (Sans la censure, hein)

Passons maintenant aux choses qui sont fâchent. Le scénario ne marche pas du tonnerre. On comprend très vite ce qui devait sans doute être l'un des twists finaux du jeu, sur la relation entre Danny et son acolyte Leo. En effet, celui-ci nous guidera tout au long de l'aventure, et la possibilité nous sera donnée de l'incarner pendant des flash-back, avant que Danny ne se fasse interner (ce qui ne représente aucun changement de gameplay). L'histoire n'est au final pas très originale, assez prévisible, mais surtout, quand on se retrouve dans une ville totalement vidée de ses habitants et envahie par des hunters qui vous traquent, on ne peut que s'exclamer : « WHAT THE FUCK ? ». Dans le sens que la crédibilité de l'expérience en prend un bon coup. Il n'y a au final, en tout et pour tout, que deux passages que je retiendrais : la fin du niveau des studios de télé, et la fin tout court.

Le gameplay de Manhunt 2 n'a rien d'étonnant. On se cache dans l'ombre, on attend les ennemis, on les prend par derrière, et plus longtemps on reste derrière eux sans bouger, plus l'exécution sera fignolée (comprenez : sanglante et cruelle), mais demandera la réalisation de plus de QTE nous faisant imiter les gestes du personnage grâce à la souris. Mais le level design est tellement foireux que l'on est souvent obligé d'attendre des heures dans un coin d'ombre pour attirer l'ennemi, de donner des coups pour l'attirer, en priant pour qu'il n'amène pas ses complices, qui nous empêcheraient de le déchiqueter dans les règles de l'art, et on finit rapidement par tenter d'en isoler un et de le prendre au corps à corps. Sur ce, arrivent les armes à feu. Leur auto-lock se fixe si facilement sur la tête des ennemis que celles-ci déséquilibrent totalement le jeu : on avance en courant dans les niveaux, on se met à couvert deux secondes et on tue tout ce qui bouge en deux temps trois mouvements. Si on a perdu un peu de vie, il y a toujours des milliers d'antidouleurs qui vous attendent un peu (beaucoup) partout. Et ce n'est plus la peine de tenter de retrouver l'excitation des mises à mort barbares : il n'y a d'un seul coup plus une seule zone d'ombre, et stealth devient traduction de suicide.

Et je conclus avec le pire : l'aspect graphique. Techniquement, c'est moche. Très moche. Je serais le premier à vous dire que MGS2 n'a pas pris une ride, et j'ai même récemment rejoué à Conker's Bad fur day. Ces jeux ont des rides, mais n'ont pas trop vieilli. La particularité de Manhunt 2, c'est que l'on a collé des textures sur des modèles 3D faits de 83 polygones. Pas de creux pour les yeux, rien sur la texture qui pourrait évoquer une bouche, Half-life faisait mieux. Mais le summum, c'est la mise en scène : elle est à vomir, au sens propre du terme. Outre la violence, Manhunt 2 nous propose l'effet "neige" de la télé hertzienne à chaque changement de plan, à chaque cinématique, qui peuvent durer deux bonnes secondes, et le jeu donne très rapidement mal à la tête à force de cette catastrophe graphique, qui transforme l'anxiogène en vomitif.

Bref, Manhunt 2 nous donne ce que nous en attendions : techniquement bâclé, pauvre en level design, répétitif, mal équilibré, avec un scénario qui ne décolle quasiment pas (même si les quinze dernières secondes avant le générique ne sont pas mal). Mais il ne faut pas être de mauvaise foi : les clichés exploités à fond finissent par marcher. Finalement, l'atmosphère opressante est présente, même si on cherchera en vain  l'originalité, et cela ne nous fera pas oublier les défauts du jeu, loin de là ; mais avouons-le : j'ai ressenti bien plus de dégoût, j'ai eu bien plus de hauts-le-coeur en jouant à Manhunt 2 qu'à RE4. Le jeu est mauvais et classique, mais on finit par marcher. Je sais, je suis faible.

(A noter : il semblerait que les têtes n'explosent pas sur la version Wii, même non censurée)(Véridique !)