Le premier Assassin's Creed m'avait laissé un vilain goût de "n'y reviens pas". Une nouvelle franchise next gen, des qualités indéniables et un univers original, malheureusement plombés par un gameplay honteusement répétitif. Au final : trop de hype et pas assez de jeu, mais une première brique prometteuse, sur laquelle Ubisoft Montreal a su bâtir en dur, deux ans plus tard avec une suite. Ce second opus venait gommer quasiment tous les défauts de son prédécesseur et profitait de l'opération pour étoffer l'expérience via pléthore de défis et objectifs secondaires. Objectif atteint, puisque le titre est venu se hisser instantanément dans mon top 3 de l'année passée et que je me suis acharné comme un malade pour le finir à 100%. Bon, j'ai abandonné à 93, mais c'est pas le sujet !

Brotherhood débute à Rome, à l'exact moment où l'on avait laissé Ezio à la fin d'AC2 (à l'occasion d'un cliffhanger somme toute très WTFlol). La famille Borgia règne d'une main de fer sur la ville et l'ami Auditore n'est pas bien chaud pour laisser la situation s'envenimer. En même temps, le garçon est Assassin de profession et faut bien casser la croûte. Il va donc lui falloir reprendre la confrérie en main et s'entourer d'alliés de confiance pour rendre Rome à ses habitants. Côté histoire, on a là plus affaire à une seconde partie qu'à une suite : le joueur n'ayant jamais approché AC2 se retrouvera largué et restera très probablement hermétique aux enjeux du scénario. Au moins, c'est dit.

La trame principale reste très classique dans son déroulement et son découpage. A mesure qu'Ezio renforce l'influence de l'ordre, il tranche net dans les forces vives de Cesare Borgia et le prive de ses alliés. Une ascension de chaîne alimentaire des plus habituelles, accompagnée principalement par des visages connus (La Volpe, Machiavelli, Leonardo Da Vinci, le clan Auditore, etc) Comme dans le second opus, la narration se fait principalement à travers les cinématiques. Si j'étais complètement passé à côté de la tension dramatique d'AC2, j'ai ici été bluffé par la qualité de la mise en scène. Le personnage de Cesare est assurément le bad guy le plus charismatique de la série et ses apparitions sont autant d'occasions d'apprécier les efforts d'Ubi en matière d'expressions faciales et de mise en scène des dialogues.

Une fois le tutorial terminé (3-4h, comme le veut la tradition de la saga) le joueur disposera de toutes les cartes en main pour constater la vraie richesse de Brotherhood, qui ne réside que très peu dans la trame principale. La ville de Rome, finalement pas si énorme que cela (comptez quatre fois Firenze, pas plus) offre pourtant une quantité proprement hallucinante de challenges et d'à cotés séduisants. On retrouve d'abord les historiques plumes et drapeaux à dénicher (marqués sur la map, merci Ubi) les coffres aux trésors et la gestion de la réputation. Les tombeaux d'Assassins sont remplacés par les caveaux des adeptes de Romulus, qui une fois tous complétés donnent accès à la meilleure armure du jeu. Ici, les défis autrefois uniquement basés sur la grimpette ont été diversifiés et scénarisés : nettoyages de repaires, poursuites et acrobaties en tout genre au menu. Le système économique hérité d'AC2 est également mieux équilibré et on prend vite un certain plaisir à rénover la ville de Rome et à aller retirer les fruits de nos efforts à la banque du coin. Les échoppes proposent des "défis marchands" : on rassemble des listes d'objets précis (via fouilles de coffres et de cadavres) et on débloque ainsi de nouvelles possibilités d'achats.

A ces occupations périphériques s'ajoutent trois nouveaux éléments de poids. Tout d'abord, l'amitié de longue date entre Ezio et Leonardo donnera lieux à des missions spéciales au cours desquelles il faudra démanteler les armes que Da Vinci a construites sous la menace des Borgia. Ces séquences sont l'occasion de diversifier le gameplay à grands coups d'assauts épiques et de motiver notre vieil ami à améliorer l'arsenal d'Ezio. Tout bénèf, donc.

Les points d'observations de Rome sont en fait des tours érigées par les Borgia, témoins de l'influence de Cesare sur la ville. Avant de pouvoir prendre le contrôle d'un quartier, il est impératif de se débarrasser du gradé en charge et de brûler la tour. Oui mais voila : les chefs en questions sont sous haute protection et n'en ont pas beaucoup dans le calcif. A la moindre inquiétude des gardes, ils se retirent dans leurs appartements et on peut toujours s'accrocher pour tenter la poursuite Ezio-style. En résultent des moments de varappe überstratégiques, à surveiller les tours de garde en étudiant l'option d'approche la plus redoutable. Infiltration, construction complexe des assassinats, c'est juste jouissif et il était temps.

Une fois le quartier nettoyé, Ezio pourra entamer sa révolution en recrutant des novices et en les envoyant s'entraîner dans toutes l'Europe, via une interface de gestion des troupes mâtinée d'éléments RPG (level up, déblocage d'équipements, formations d'équipes). Ces troupes aguerries pourront ensuite être appelées en cours de combat, pour égorger les gêneurs à notre place ou faire pleuvoir une nuée de flèches à la demande. Redoutable. Les novices n'en restent pourtant pas moins dépendants, comme j'ai pu le constater en faisant appel à un jeune allié pour freiner mes poursuivants pendant que je filais m'abriter tel un gros lâche. Repose en paix, jeune Piétro, ton sacrifice ne sera pas oublié.

Ajoutons à cela le principe de synchronisation (une mission n'est complétée à 100% que si elle est effectuée selon des contraintes précises) et les entraînements virtuels proposés par l'Animus et on obtient un paradis pour les trophywhores de tout poil et un solo d'une richesse et d'une générosité remarquables. C'est simple : en vue 100%, la carte de Rome est si chargée qu'elle en est illisible. Il faut zoomer sur un quartier pour s'y retrouver. Si c'est pas parlant, je sais pas ce qu'il vous faut.

Comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, le travail d'Ubisoft Annecy sur le multijoueur d'ACB est lui aussi tout à fait remarquable. Transposer le principe d'anonymat et d'assassinats construits dans des arènes online, voilà qui a dû s'avérer bien complexe. Et pourtant.

On rejoint une partie, on choisit son modèle de perso et on se retrouve propulsé dans l'une des arènes du multi, entouré de centaines de copies conformes des douze avatars disponibles. On connait l'apparence de sa victime, sa position et sa proximité via une boussole. Alors on enfonce la touche de course et on débarque sur la place du village comme une furie, sautant au visage du premier faciès reconnaissable. Erreur, c'était un bot et le contrat est perdu. Notre cible tout juste perdue s'extirpe nonchalamment d'un tas de foin non loin de là, pendant qu'un écuyer se lève du banc sur lequel il se reposait, nous dépasse d'une démarche d'automate... puis nous enfonce sa lame entre les cotes. Un jeu du chat et de la souris constant qui pousse à la paranoïa, voilà ce que réserve le multi de Brotherhood. L'apprentissage et la perte des réflexes bourrins se fait dans la douleur, au rythme des humiliations répétées. Puis l'on saisit l'importance de la dissimulation et des faux semblants, on décroche nos premières spécialités (bombes de fumées, déguisement) et c'est un monde de stress qui s'ouvre à nous. Les développeurs sont allés jusqu'à insuffler des comportements erratiques aux bots (ils trottent puis remarchent, font demi tour) brouillant les repères encore un peu plus. Unique, rafraîchissant et nécessaire, le mode multi d'ACB prouve que l'expérience online peut tirer sa force de ressorts 100% nouveaux. Et c'est plutôt cool.

Les reproches que je puisse faire à Brotherhood se comptent sur les doigts d'une main de lépreux : une narration parfois trop cinématique, la conservation discutable de certains éléments hérités d'AC2 (une fois nos Assassins entrainés, les factions de courtisanes et de voleurs se révèlent obsolètes) et toujours une méta histoire qui ne prend pas en ce qui me concerne. Desmond a toujours le charisme d'une moule au court-bouillon et son destin peine à nous importer un tant soit peu. Si le cliffhanger de l'opus précédent avait fait grincer quelques dentitions, celui-ci devrait faire péter quelques maxillaires entiers. Si j'étais mauvaise langue, j'accuserais JJ Abrams d'être consultant intrigue. Si j'étais mauvaise langue, car au-delà de l'aspect scénaristique du bouzin, cette dernière séquence offre enfin du crapahutage de qualité dans la peau de Desmond, dans un environnement plutôt bluffant de beauté et de classe. Vous voyez, même dans le paragraphe de hater je termine sur une note positive. Une main de lépreux vous dis-je.

Vous l'aurez compris, Assassin's Creed Brotherhood est un must-play absolu de l'année 2010. Une quinzaine d'heures de jeu pour le scénario principal, une bonne quarantaine d'autres pour tout boucler : le jeu fait preuve d'une richesse qui donnerait presque le vertige. J'attendais ce jeu avec un regard emprunt de méfiance, comme on appréhende un spin off un peu bâtard accompagné d'un mode multi quelque peu obscur. A la place, j'ai eu droit au meilleur jeu de la série, avec un mode multi unique en son genre. On dit merci Ubi ? On dit merci Ubi.

 

 

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