Parmi les baudruches de cette gen, Demon's Souls en est une particulièrement gratinée. Tous les défauts de ce jeu deviennent pour ses fans, par on ne sait quel miracle, des qualités. "Tu ne comprends pas, c'est justement voulu !" Complète absence de mise en scène, IA médiocre, boss ridicules. Tout ça, c'est voulu... évidemment, suis-je bête !

En fait Demon's Souls est un jeu très simple à cerner ; c'est un jeu japonais, donc en retard sur le plan technique, un jeu avec un indéniable savoir-faire sur certains plans, mais un savoir-faire datant de la PS2. Son succès d'estime me semble tout aussi évident ; à l'ère des jeux simplistes et automatisés qu'on finit à une main, l'exact contraire devient pour certains un oasis. Sauf que Demon's Souls n'est pas meilleur qu'un jeu casual, il est tout aussi décevant, mais pour des raisons différentes.

J'ai essayé de m'y mettre par deux fois. La première fois j'ai fait les deux premiers niveaux (1-1 et 1-2) avec un noble avant de lâcher par ennui. Des mois plus tard, influencé par l'enthousiasme autour de la sortie de Dark Souls, je m'y remets avec un voleur, poussant plus loin l'aventure. Et j'y retrouve la même chose ; un jeu répétitif, monotone, avec des ennemis monochromes qui nous attendent immobiles comme des cons. Lorsqu'on déclenche leur script, ils peuvent rester coincer à courir contre un obstacle de longues secondes avant de penser à le détruire. Paraît-il que Demon's Souls a une super ambiance. Moi rien que ça, je trouve le jeu anti-immersif au possible.

Les boss ? J'ai battu un chevalier géant en faisant avant, tir à l'arc, arrière pendant 10 minutes. Une araignée géante ? Tir à l'arc, roulade à gauche, roulade à droite, tir à l'arc. Pendant 10 minutes également. Oui, ces techniques sont nulles, mais au moins elles sont simples, efficaces, elles fonctionnent. Parce que me taper un boss au corps-à-corps et crever en deux coups, non merci. Surtout qu'il va falloir se retaper une partie du niveau avant de l'atteindre ("d'où le stress justement, tu ne comprends pas ?"). Il y a aussi un demi-boss énorme du 4-1, lui il est formidable. Je le vois de loin, je me place de façon à pouvoir fuir en cas de problème, puis je lui lance une flèche pour voir... Il ne se passe rien, mais rien quoi. Il ne réagit même pas. Je peux donc rester au loin et passer dix minutes à le farcir de flèches sans souci... Su-per.

Ce jeu est juste mal fait, mal pensé, archaïque par tous les pores. Il n'est pas à proprement parler difficile d'ailleurs. Selon les niveaux, il est tour à tour punitif et démotivant, ou alors relativement simple. En deux mots ; mal dosé. Dans tous les cas ; chiant. Le challenge est là, mais rien n'est fait pour le rendre plaisant, pour créer un sentiment d'aventure. Il est juste là, bête et méchant.

À côté de ça, on a un level-design astucieux avec des niveaux tout en raccourci pour créer des espèces de checkpoints. Les pièges du jeu sont assez rigolos et souvent imprévisibles, et pas des trucs où on peut réagir grâce à un QTE à la con. Les niveaux ne sont pas remplis de murs invisibles. Si vous marchez trop près du bord, vous tombez, et cela peut même donner des idées vicieuses pour abattre des ennemis retors (idées qui peuvent se retourner contre vous...). La jouabilité, sans être parfaite, est agréable. D'abord elle adapte le RPG type US pour les consoles, ce que les américains n'ont jamais été capables de faire, puis c'est du jeu japonais ; on joue vraiment, le bonhomme ne réalise pas des superbes exploits tout seul comme Batman et son ballet de castagne. Graphiquement, même si ce n'est pas éblouissant, on a une solide direction artistique beaucoup plus inpirée que les innombrables repompes insipides de Tolkien. Chose curieuse sur cette gen, on a aussi des décors destructibles, et des cadavres qui ne disparaissent pas.

Seulement c'est à peu près tout. Le monde est découpé en morceaux auxquels on accède à partir d'un quartier général, et n'assure pas de réelle cohérence. Le jeu n'est plus vraiment stressant une fois qu'on a compris le principe lourdingue du un pas en avant, deux pas en arrière. On sait qu'on va apprendre par l'erreur, et que l'erreur ne pardonne pas. Alors, pourquoi marcher à deux à l'heure, bouclier levé ? Moi je courais sans cesse. Je sprintais pas non plus (ça entame l'endurance), mais autant y aller franco.

Alors, après, je comprends qu'on puisse aimer ce genre de jeu, il a des atouts pour lui, la partie personnalisation est poussée, on peut équiper des accessoires correspondant à notre façon de jouer un peu à la manière de Final Fantasy Tactics, dans le sens où les équipements et le levelling ne nous rendent pas seulement plus forts, mais nous permettent (nous obligent même) à des choix profonds. Attribuer son XP à telle ou telle caractéristique ne se fait pas à la légère. On ne pourra pas augmenter en tout, et c'est très bien comme ça. Les ennemis sont variés, les niveaux regorgent de boss.

Mais de là à voir dans ce jeu un GOTY, clairement pas. Justifier toutes ses carences par des "Mais c'est old-school, c'est un jeu réduit à sa plus simple expression", c'est juste n'importe quoi, et c'est d'ailleurs contredit par le jeu lui-même qui a une vraie direction artistique et offre des décors et ennemis variés. Puis on peut encenser n'importe quelle daube avec des arguments pareils. C'est un peu comme les gens célèbres qui écrivent des bouquins, et quand on les critique sur le style, ils répondent :"Non mais je n'ai jamais eu la prétention de faire de la littérature", alors qu'il est justement très prétentieux d'écrire un mauvais livre en se reposant sur sa célébrité pour le faire éditer, surtout en absence de réelles qualités littéraires.