Si Braid était une peinture, ce serait Persistance de la mémoire.
Car tout comme ce chef d'oeuvre du peintre, celui de Jonathan Blow évoque et
joue avec le temps, son passage, son importance et sa signification. Bien
entendu si le principe a déjà été utilisé dans de nombreux jeux, ici plus qu'un
élément de gameplay c'est l'ossature du jeu aussi bien au niveau purement
ludique (les énigmes ciselées à merveille exploitent parfaitement cette
conception si spéciale du temps, dans une expérience sans cesse renouvelée y
compris jusqu'à la fin) qu'au niveau artistique et philosophique (la fin
est-elle la fin?).

Car plus qu'un jeu, Braid est une oeuvre philosophique qui s'observe à de
nombreux degrés, et si la quête de la princesse en est
le fil conducteur, c'est surtout le média par lequel Braid pousse le joueur à
s'interroger sur de nombreux thèmes (le couple, la prison de l'affection, la
solitude, la recherche du bonheur...) et par cela sur lui-même. Et ici une
grande leçon de narration est donnée, puisque quasiment toute l'histoire ne se
passe qu'à travers des livres (souvenirs, fantasmes?) qu'on lit et que l'on
cherche à comprendre et à interpréter, nous poussant à une réflexion profonde
et nécessitant plusieurs lectures au fur et à mesure de notre progression dans
le jeu, chaque mot étant important, chaque texte une nouvelle allégorie, et ce
à un point jamais atteint  dans un jeu vidéo.

Le jeu en lui-même est servi par un côté artistique maitrisé de bout en bout:
le jeu est une aquarelle vivante dans laquelle on se déplace et réfléchi, bercé
par une musique envoutante et parfaitement à sa place dans chaque partie du
jeu, accompagnant idéalement chaque thème évoqué.

De même si David Lynch est crédité aux crédits, c'est loin d'être un hasard car
le jeu de par son approche déconstruite du temps et des souvenirs rappelle en
de nombreux points un film comme Mulholland Drive  qui traitait du rêve (ou plutôt du
fantasme), de son emprise sur la réalité et des méandres que peuvent emprunter
l'esprit. Mais les deux ont aussi en commun leur ouvertures aux multiples
interprétations qu'ils ne manquent pas de susciter. Ce jeu doit être le premier
à provoquer chez les joueurs une profonde réflexion, et ce même après avoir
arrêté d'y jouer.

Pour finir, le joueur qui adhère à Braid ne peut en ressortir indifférent ou
inchangé. Telle une oeuvre d'art, Braid nécessite beaucoup de réflexion (mais
aussi de culture) pour réellement apprécier sa portée, mais qui fera cet effort
en ressortira transformé.

 

N.B: ce test a déjà été publié sur le site www.geekzone.fr, je profite de la nouvelle plateforme de blog de Gameblog pour le republier