Lorsque Rockstar
se lance dans le développement d'un épisode de sa licence à succès sur DS, on a
de quoi être surpris et on craint un peu pour la réussite d'une telle tentative.
A la fois parce que le public de la DS semble bien distinct de celui des GTA,
mais aussi parce qu'elle n'est clairement pas le support idéal pour l'ambition
d'un tel titre en termes de liberté et d'environnement.

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            Chinatown
Wars nous propose de redécouvrir Liberty City, cité librement inspirée de New
York, à travers les quartiers de Broker, Algonquin ou encore Bohan (seul Alderney
manque à l'appel). Il est probable que certains joueurs peinent à ressentir un
plaisir renouvelé à chaque aventure dans cette ville, mais Rockstar a le mérite
de s'attacher à son leitmotiv : construire un univers à travers différents
points de vue et personnages. Ici, le joueur incarne Huang, jeune membre des
triades qui, à peine débarqué en Amérique, est la victime d'une embuscade qui
le laisse pour mort. Il devra alors regagner le respect de ses pairs et surtout
démasquer le responsable de ses malheurs. L'intention de Rockstar est bien respectée,
dans le sens où le jeu nous plonge effectivement dans un milieu jusque là peu
connu de Liberty City (on avait eu affaire à la mafia italienne, aux russes,
aux latinos, mais assez peu aux asiatiques ; GTA peut décidemment se
targuer de sa représentation des minorités, quoiqu'elle ne soit guère
flatteuse). Les amateurs peuvent ainsi apprécier sans peine l'apport à
l'univers de la licence.

            Du fait de
contraintes évidentes liées au support, la narration et la mise en scène
prennent une forme très différente de la série principale. Les cut scenes se
présentent ainsi comme une succession d'images dessinées. On peut regretter que
les développeurs n'aient pas pris la peine d'animer le tout, mais le design
reste agréable et le format bien utilisé, se jouant parfois des codes de la BD.
Incidemment, la tendance au réalisme de GTA IV est ici abandonnée au profit
d'un humour cynique et absurde proche des débuts de la série. Les missions vont
également dans ce sens, et nous invitent par exemple à lancer des cocktails
molotov dans la foule depuis un hélicoptère. Dans ces conditions, et bien que
l'histoire ne manque pas de rebondissements, inutile d'espérer retrouver la
maturité et la profondeur du scénario de GTA IV ; il faut ici se contenter
d'un humour noir un peu potache mais assez appréciable, surtout pour les
nostalgiques des premiers GTAs.

Enfin, le rythme de Chinatown
Wars s'éloigne lui aussi de celui des épisodes 3D. Si l'enchaînement
semi-linéaire des missions est conservé, les ambitions en termes de contenu
sont, elles, nettement revues à la baisse. La durée de vie est assez courte
(compter 7h de jeu pour la quête principale), ce qui est plutôt une bonne chose
dans l'optique d'un usage nomade. Il est par contre regrettable de voir
l'aspect bac à sable plus ou moins disparaitre, quoiqu'on imagine bien que son
intérêt n'aurait pas été le même dans un univers finalement peu connecté à la
réalité. Bref, Rockstar a indéniablement su adapter son jeu à une console
portable, mais prend au passage ses fans à contrepied.

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            Bien
entendu, la comparaison entre Chinatown Wars et ses ancêtres ne s'arrête pas à
son ambiance. En effet, comme à l'époque, le joueur évolue sur un plan en deux
dimensions, avec une vue du dessus. Une petite différence toutefois : la
camera n'est plus orientée dans une direction fixe et peut maintenant pivoter,
se plaçant même automatiquement derrière le véhicule lors des phases de
conduite. C'est là une tentative peu efficace pour améliorer la visibilité : le
choix d'une camera libre, c'est aussi celui de permettre aux éléments du décor
de boucher la vue. Le plus génant reste toutefois la taille de l'écran de la DS
(ce à quoi Rockstar ne peut pas grand chose), qui n'offre pas le même champ que
ne le font un moniteur pc ou un écran tv. Cette mauvaise visibilité, couplée à
la rapidité des véhicules et à la forte sensibilité des commandes, rend la
maniabilité difficile et le joueur doit ainsi faire preuve de sacrés réflexes. Les
amateurs d'arcade peuvent apprécier le challenge mais pour les amateurs de « simulation »,
la fréquence des carambolages et le manque de subtilité qui en découle donnent
à la conduite des sensations désagréables et décevantes par rapport aux
épisodes 3D.

            L'autre
aspect prépondérant du jeu réside dans les gunfights. On l'a évoqué plus haut,
le réalisme laisse ici la place à de l'action bourrine. Dans les faits, cela
s'exprime d'abord par le nombre des ennemis et la facilité d'exploser les
voitures environnantes, mais aussi par l'absence d'un système de couverture,
qui contraint le joueur à éliminer ses adversaires le plus rapidement possible
pour ne pas perdre sa faible barre d'énergie. On a par contre droit à un
système de lock, qui souffre des mêmes défauts que dans les volets sur console
de salon, avec une fâcheuse tendance à ne pas se fixer sur la cible souhaitée. Globalement,
on regrette surtout la rudimentarité du gameplay, qui malgré la présence d'un
certain challenge, semble être avant tout là pour servir l'absurdité et
l'humour des situations.

            Terminons
cette critique sur les efforts de Rockstar pour tirer parti des spécificités de
la DS. Si les contrôles se font le plus souvent à la croix et aux boutons, de
nombreux mini jeux ont été incorporés afin de faire intervenir le stylet.
Démarrer une voiture volée, casser des verrous, préparer des cocktails molotov,
autant d'actions qui n'ont en soit guère d'intérêt, mais qui apportent une
variation agréable au gameplay. Une nouvelle fonctionnalité apparaît
également : le commerce des drogues (qu'on pourrait tout à fait imaginer à
l'avenir dans la série principale). On peut ainsi accoster un dealer, lui
acheter de l'héroine, cocaine, etc... pour aller ensuite revendre le tout à un
meilleur prix chez un autre. L'idée est plutôt interessante sur le papier, avec
l'instauration d'une « mini-économie » à l'intérieur du jeu. Le stylet
se prête bien à la navigation dans les menus concernés, dans lesquels on peut
suivre l'évolution du cours de chaque produit. Malheureusement, dans les faits,
on se contente essentiellement de faire des allers-retours assez rébarbatifs. Dommage,
mais Rockstar saura certainement améliorer cet aspect s'il est réutilisé à
l'avenir.

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            De la même
manière que son homologue sur console de salon, GTA : Chinatown Wars tente
de compenser un gameplay moyen par la force de son univers. Reste à savoir si
le joueur y gagne lorsque la maturité d'un GTA IV est remplacée par l'humour
absurde des débuts de la série. C'est probablement le cas de certains
nostalgiques, mais certainement pas de tous les fans de la licence. Pour ceux
là, Chinatown Wars n'est pas la claque que son prédécesseur sur console de
salon a été, mais reste un bon jeu, agréable et adapté à l'usage d'une
console portable et à la DS en particulier.