Nintendo l'a annoncé à l'E3 2008 : Rockstar et la firme de Kyoto sont devenus en quelques temps de grands amis. Si on est toujours dans l'attente d'un probable GTA sur Wii, la série phare du développeur américain prépare toutefois le terrain sur Nintendo DS, la petite tactile du constructeur japonais, en proposant au joueur un nouvel opus exclusif au contexte inédit, développé dans les locaux du studio de Rockstar Leeds. Le jeu est-il à la hauteur de la rencontre entre une des séries les plus connus du monde vidéoludique actuel et la console aux 100 millions d'exemplaires vendus ? 

Il convient, avant de se lancer dans de longs débats passionnés, de recadrer un peu le scénario assez atypique de cet épisode DS. On incarne Huang Lee, le fils d'un riche asiatique tué récemment par un groupe de mystérieux meurtriers, et chargé d'apporter à son oncle, qui vit à Liberty City, une épée symbole du pouvoir de sa famille. Malheureusement, après s'être fait kidnappé, notre jeune « héros » s'est fait dérobé le précieux objet. L'oncle est alors attaqué de toutes parts par ces anciens « amis », qui ont bien compris que c'était le moment de devenir le chef de la Triade, la mafia locale, à sa place, et va demander l'aide de son neveu. Si on ne dévoilera rien de plus de l'histoire, on peut remarquer fort justement que le scénario sait rester assez sage, quand on connait le passé des Grand Theft Auto. Le passage sur DS a donc légèrement édulcoré la série, même si la grossièreté des dialogues, souvent très drôles, est toujours d'actualité. Cependant, le fait que le scénario ne se découvre que par l'intermédiaire de plans fixes et de dialogues écrits ne permet pas de s'y impliquer à 100 %. 

Mais laissez-moi parler de la façon des développeurs d'aborder ce projet osé et il est vrai un peu fou de réaliser un GTA sur DS. On connait tous les limites techniques de la petite console portable, et réaliser un jeu classique à la GTA 3 semblait bel et bien impossible. Mais Rockstar a eu une idée de génie : faire du neuf avec du vieux. On se retrouve en effet avec une modélisation intégralement en 3D, mais avec une vue aérienne plongeante placée au dessus de l'action, un peu comme dans les premiers opus de la série sur PS1 notamment. Autre concession qu'on aurait pu craindre : la patte esthétique du jeu, tout en couleurs vives, et avec une technique cel-shalding maîtrisée de bout en bout. Cependant, non seulement ces transformations radicales ne sont pas handicapantes pour le jeu, mais elles permettent de trouver une nouvelle vitalité, une certaine fraîcheur, ainsi qu'un retour aux sources bienvenu, que sauront apprécier les puristes de GTA. De plus, et c'est là toute la force de ce GTA, le terrain de jeu proposé a de quoi rivaliser avec ceux des opus consoles de salon. Liberty City a été choisie par les développeurs, par soucis de commodité. Cependant, de nombreux endroits ont été réarrangés, pour un résultat qui permet de supprimer tout air de déjà-vu. Pour le reste, et bien, c'est un bac à sable géant qui est proposé au joueur. Une prouesse technique quand on connait le support ! De surcroît, la ville se parcoure sans chargement aucun, et n'est donc pas découpée en zones, pour un confort optimal. Rockstar a réussi le tour de force de porter sur Nintendo DS la composante essentielle de la série sans aucune bavure. On se balade donc de rue en rue sans que des saccades ou autres problèmes, comme des bugs, ne viennent nous ennuyer. Les développeurs frappent forts, mais aussi bien. En effet, nombre de petits détails viennent rendre l'expérience « GTA sur DS » vraiment bluffante. Il y a par exemple une gestion des cycles jour/nuit, ce qui se traduit par une luminosité diminuée, et donc l'éclairage public, notamment grâce à des lampadaires, qui permettent de juger de la qualité de la gestion de la lumière par le jeu. Même constat pour les phares des voitures, dont la lumière se réfléchie sur les véhicules placés devant le votre ou sur les façades des bâtiments. A noter aussi que les effets météo sont également de la partie, pour un réalisme tout simplement incroyable, à des années lumières de ce qui se faisait jusqu'à présent sur le support. Enfin, la profusion de détails est véritablement ahurissante. On peut admirer des publicités ou des tags à tous les coins de rue ! 

Mais revenons aux besoins matériels du Huang. Pour s'en sortir dans l'immensité de Liberty City, le jeune homme va devoir se retrousser les manches et accepter des petits boulots, la plupart du temps assez louches. Votre premier employeur sera votre oncle, qui a fort à faire pour conserver sa place du leader de la Triade, et qui va souvent vous déléguer des missions extrêmement variées pour ne pas lasser le joueur. Elles sont différentes de par leurs objectifs et leur façon d'être abordées. On souligne toutefois qu'elles s'inscrivent toutes sans mal dans le scénario. On trouve ainsi des missions plus « rentre-dedans ». Eliminer des rivaux, tuer tout ce qui bouge à bord d'un hélicoptère (une des missions les plus jouissives) lourdement armé, ou bien lancer une expédition punitive contre des traitres, sont quelques unes des nombreuses missions de la trame principale du jeu. En se baladant en ville, vous pouvez marcher sur une icône au sol représentant une tête de mort : une mission secondaire se lance alors. Il peut s'agir de quêtes du high score, avec des médailles et des temps record à débloquer dans des missions de type « Carnage » qui font leur grand retour pour cette cartouche DS, ou bien de slalom en voiture, etc. la réussite de ces différentes missions permet de renflouer votre portefeuille de façon confortable, mais pas toujours à la hauteur de vos attentes. A coup de 100 ou 150 dollars le boulot, vous avez le temps de voir venir avant d'atteindre la fortune ! C'est alors qu'on se lance corps et âme dans les occupations pas toujours respectables proposées dans le jeu. Vous pouvez voler un taxi, reconnaissable à leur peinture jaune, pour gagner de l'argent en jouant au chauffeur. Voler une voiture de police peut être également sympathique : après avoir accédé à la base de données de cette dernière, vous pourrez, en tant qu'agent des forces de l'ordre, intervenir pour arrêter voleurs, évadés de prison ou encore braqueurs de magasins en tous genres. Chaque arrestation vous rapporte une petite somme d'argent supplémentaire, bien évidemment. Enfin les ambulances permettent de sauver des gens. 

Si ce GTA Chinatown Wars surprend par sa vue plongeante un peu old-school, il reste en tout point aussi moderne qu'un GTA 4. Le joueur possède un PDA, qui permet d'accéder à tout instant à bon nombre d'informations, et tout d'abord le GPS, qui permet de programmer des itinéraires pour éviter de se perdre dans la ville. Le logiciel est plutôt performant, et indique le chemin le plus court pour rallier un point quelconque sur la carte. Il est pourtant parfois plus rapide d'enfreindre un temps soit peu le code de la route... A près tout, il s'agit ici d'un GTA, donc pas de panique ! Mais le petit appareil possède une deuxième fonction indispensable : la gestion de sa boîte mail. Lire vos courriels vous renseignera sur la nature de vos prochaines missions, et permettra de fixer des rendez-vous. D'autres fonctions gadgets, en partie expliquées dans le paragraphe suivant, sont également de la partie, et s'obtiennent au cours du jeu via des mises à jour (fictives bien sûr) du PDA. 

Reste une autre composante principale du jeu à développer un peu : la drogue. Rockstar a préféré développer cette facette déjà connue des fans de GTA, pour faire de vous un vrai dealer. Vous recevrez de façon régulière des mails sur votre PDA de vendeurs de drogue. Il vous reste à les localiser, branchez votre GPS, et c'est parti pour des achats fort peu « officiels ». Il est amusant de noter que les développeurs ont pensé à placer ces différents dealers dans des zones un peu à l'écart des quartiers animés de la ville, au milieu d'entrepôts ou sur les docks. Un choix judicieux, qui permet de se mettre réellement dans l'ambiance. Vous pouvez acheter 6 types de drogues différents. Bien sûr, chaque acheteur, qui vous contacte lui aussi par mail, a ses préférences, et vous devez ajuster vos achats en fonction de la demande du moment. Une des applications de votre GPS vous permet ainsi de savoir en temps réel quel stupéfiant est apprécié à un endroit particulier de la ville. Utile pour savoir où faire des affaires ! il arrive bien souvent qu'une transaction se termine par l'arrivée prompte des policiers, qui peuvent, s'ils vous attrapent, vous prendre vos récentes illicites acquisitions. Aussi, mieux vos vite rejoindre sa planque, afin d'y déposer la drogue en lieu sûr, pour la conserver en vue d'une vente future. On comprend donc pourquoi le joueur est poussé à acheter quelques garages supplémentaires dans chaque quartier de Liberty City pour les aménager en autant de repères où il pourra dissimuler les stupéfiants. 

J'ai rapidement fait allusion aux forces de l'ordre dans les premiers paragraphes de ce test. Cependant, n'allez pas croire qu'elles occupent un rôle secondaire et qu'elles n'ont pas réellement d'impact sur le déroulement global du jeu ! C'est bien simple, elles sont partout. La police est en effet en plus grand nombre dans la ville que dans les autres opus de la série. Cela pousse le joueur à rester méfiant, car on sait que la Triade n'est pas l'organisation favorite des autorités... D'ailleurs, les courses poursuites avec la police ont été entièrement repensées, pour un gain de dynamisme, et pour donner un côté arcade au jeu fort sympathique ! Après avoir mis un peu trop de bazar dans les rues, tué trop de personnes où provoqué des accidents un peu trop fréquemment, la police débarque, et le mieux pour vous est alors de fuir. Prendre un véhicule est une bonne idée, car plus vous attendez pour vous débarrasser de vos poursuivants, plus les moyens mis en oeuvre pour vous arrêter sont importants. Vous risquez vite d'être débordé, avec plusieurs voitures de police, voire des hélicoptères à vos trousses. Il faut donc faire baisser votre indice de recherche, en percutant de plein front des voitures des forces de l'ordre. Chaque carambolage est donc une étape vers l'échappatoire ! Les affrontements avec les forces de l'ordre sont donc jouissifs et particulièrement haletants. Un des nombreux points fort du jeu ! 

Une des caractéristiques essentielles des GTA est bien la profusion des véhicules en tous genres, qu'on s'amuse à prendre pour le fun, ou bien pour être plus efficace en mission. Et on peut dire que les développeurs ne les ont pas oubliés. Les voitures ont des formes, couleurs et performances variées. L'inertie et l'accélération sont le genre de paramètres qui varient énormément d'un véhicule à l'autre. Les pick-up, camions voire semi-remorques sont également de la partie, ainsi que les motos, rapides et ultra sensibles. On ne pourra pas en dire de même des bateaux, eux aussi très variés, mais dont le maniement ne change guère d'un modèle à l'autre. Conduire un jet-ski ou un gros bateau de plaisance est dans tous les cas assez mou. Enfin l'hélicoptère est tout bonnement jouissif, même s'il est parfois difficile d'aller où on veut. Mais revenons une dernière fois sur les voitures. Pour rendre les phases de conduite plus plaisantes, les développeurs se sont creusés la tête pour faire en sorte d'impressionner techniquement le joueur. Percuter un kiosque à journaux fera voler des feuilles en tous sens, rentrer dans une borne à incendie fera jaillir l'eau, etc. Les collisions sont extrêmement bien gérées également. C'est ainsi qu'il ne sera pas rare de voir son capot s'arracher après un violent choc, la portière s'ouvrir lors d'un virage serré, où encore de voir apparaitre de la fumée du moteur après de trop nombreuses collisions. Les amateurs de belles cylindrés iront quant à eux faire un tour chez les concessionnaires de la ville, qui vendent des modèles originaux, comme des pelleteuses, ou encore des voitures de course. Sinon, les développeurs ont pensé à intégrer quelques ovnis rigolos, comme des tondeuses à gazon et des karts, à dénicher dans les quartiers pavillonnaires de la ville, ou encore des navettes d'aéroport. 

Mais GTA ne pouvait pas aborder correctement son arrivée sur DS sans l'utilisation des capacités uniques de la console. L'écran tactile est donc prétexte à des mini-jeux variés, dans des situations différentes. Dès le début du jeu, le ton est donné : vous êtes coincé dans une voiture, au fond d'un lac, et vous devez vous échapper en cassant la vitre arrière du véhicule. Ce genre de micro-jeu, à la façon d'un Wario Ware, casse il est vrai le rythme de jeu, mais permet une plus grande implication du joueur, et surtout quelques moments de franche rigolade : échapper à la police en ambulance tout en devant réanimer le blessé qu'on transporte en lui faisant des massages cardiaques en est un des nombreux exemples. Mais si les missions réclament souvent quelques gestes au stylet, d'autres situations permettent d'utiliser ce genre de gameplay. Certaines voitures volées ne peuvent démarrer qu'en bidouillant le contacteur et fabriquer des bombes artisanales demande d'aller remplir des bouteilles vides à la station service... Je profite de ce paragraphe pour parler des armes : en plus de vos poings, vous pouvez utiliser plusieurs armes différentes. Le panel de choix va du simple pistolet au fusil à lunette, en passant par le fusil à pompe. Les munitions se récupèrent sur les corps de certains ennemis tués par vos soins, ou encore dans les grosses poubelles rouges. Les projectiles explosifs doivent être manuellement orientés via l'écran tactile, tandis que la plupart des armes conventionnelles s'utilisent grâce à un système de lock pas toujours très pratique. 

Avant de conclure sur le jeu, j'aimerais particulièrement insister sur le côté « portable du jeu », dans le sens où il a été crée spécialement pour la Nintendo DS. Les missions sont très courtes, bien qu'intenses, ce qui permet de jouer à petites doses. Les véhicules sont globalement rapides, pour des trajets souvent brefs, surtout si vous utilisez la fonction GPS de votre PDA. La présence d'une sauvegarde automatique est un bon point, mais la possibilité de sauver sa partie à tout instant par simple pression d'une icône sur l'écran du bas permet une gestion totale de votre temps de jeu. Tout a doc été étudié et formaté pour la console qui accueille ce GTA, et c'est tant mieux.

 

CONCLUSION

Lors du premier contact, GTA Chinatown Wars nous assène une claque monumentale grâce à ses qualités purement techniques. Tendant l'autre joue, le joueur se prend une seconde baffe sur la durée, en découvrant une recette qui fait mouche, qui sait prendre des risques et innover, tout en conservant le charme de la série. Un incontournable, et aux yeux de beaucoup le meilleur jeu de la Nintendo DS... A bon entendeur !