Coller cinq étoiles, comme ça,
à un titre tel qu'Uncharted 2 signifie-t-il donc qu'on tient là le jeu parfait?

Non, et heureusement.

Sur le fond, Naugthy Dog n'a rien inventé, pas la peine
de se mentir. Dès les premières minutes, on sent immédiatement les origines de
Drake, filiation tout à fait probable entre Lara Croft, Indiana Jones et John
McLane. Probable et géniale.

Mais le fond, justement,
intéresse-t-il réellement les développeurs d'Uncharted 2
?

Un consensus assez rare d'avis positifs a émergé lors
de la sortie du jeu : Critiques unanimes, récompenses multiples,
superlatifs... Et aussi certains esprits plus boudeurs, forcément déçus une
fois qu'ils avaient la manette entre leurs mains, et de se dire :" Ouais,
c'est vrai que c'est pas mal, plutôt très beau, mais c'est du mille fois
vus".

Alors, crevons l'abcès
maintenant: les esprits boudeurs ont totalement raison... Mais pas
complètement.

 

De
la subjectivité de la perfection...

Que fait-on dans Uncharted
2
 ? On incarne Nathan Drake, chasseur de trésors poissard, cascadeur
monte-en-l'air à la recherche d'objets légendaires perdus. Nos pérégrinations
nous entraîneront aux quatre coins de la planète, à explorer temples, forêts
sauvages, montagnes du Tibet, ou des cités oubliées, le tout poursuivis par de
méchants mercenaires qui recherchent des objets magiques afin de devenir les
maîtres du monde. Sur le papier, difficile de faire plus série B et moins
originale.

Le titre de Naughty Dog est un
jeu d'Aventure, comme il existe des films d'aventure ou des livres d'aventure.
Nathan n'est ni plus ni moins qu'un Indiana Jones contemporain, et lui
reprocher son manque d'originalité thématique, à mon avis, revient à critiquer
le mauvais versant de la montagne.

La force d'Uncharted 2 ne réside
pas dans sa trame scénaristique, ni même dans le traitement de ses personnages,
mais bel et bien dans ses scènes. La question n'est pas de savoir ce que l'on
nous raconte, mais davantage ce que l'on fait et comment cela se déroule. En un mot: les péripéties, de la
mise en scène pure et dure qui permet d'enquiller séquences cultes sur
séquences cultes.

De la scène d'ouverture
proprement vertigineuse, aux séquences d'infiltrations, ou de gun-fight, tout
est mis en œuvre pour relancer l'action au cœur même de ces scènes.

Prenons comme exemple la séquence
du train : Au début de la scène, Nathan doit progresser sur un train lancé
à pleine vitesse, remonter les wagons en évitant de se faire repérer et en
évitant aussi les panneaux de signalisations qui risqueraient de lui emporter
la tête. Puis il faut descendre dans les wagons proprement dits et le jeu
enrichie alors son gameplay de gun-fight, de combats à main nues... et enfin
arrive l'hélicoptère qui tente de vous canarder et accessoirement fait sauter
les wagons un à un, vous poussant à avancer toujours plus vite, tout en
maintenant les aspects du gameplay qui se sont empilés les uns sur les autres
durant la séquence. A ce moment précis, peu importe l'originalité
scénaristique, ni même celle de la situation : Les développeurs ont tout
mis en œuvre pour vous scotcher à l'écran.

Viens prendre ta claque...

Et scotchés, vous le serez.
Techniquement, Uncharted 2 est bel et bien la claque que l'on attendait depuis...
depuis toujours sur PS3. Graphiquement, chaque paysage, chaque objetregorge de détails à vous couper
le souffle. Il faut voir la ville au Népal en pleine guerre civile, les
textures des bâtiments, les montagnes à perte de vue, la vertigineuse distance
d'affichage, les détails sur les panneaux, les vêtements.... À ce titre, vous
devriez souvent presque regretter que l'action ne vous laisse pas toujours le
loisir d'admirer le décor.

Tout cela a déjà été maintes fois
écrits et reste vérifiable sur la pléthore de vidéos disponibles sur Internet.
Pourtant, même prévenu, une fois le pad en main, il faut reconnaître qu'on
lâche souvent des onomatopées aussi grossières qu'admiratives.

Les musiques épiques portent
l'action toujours un peu plus haut, soulignent encore plus l'héroïsme des
scènes. Tour à tour galvanisant, intimiste, exotique, le thème principal
s'orchestre de différentes manières et, pour beaucoup de joueurs, restera dans
les esprits de longues heures après la fin du jeu. Soyez assurés que lorsque
vous le réécouterez, des souvenirs d'Uncharted 2 vous arracheront un sourire
nostalgique.

Drake répond quasiment au doigt
et à l'œil. Difficile de s'embrouiller dans les différentes touches du pad. On
tire, on saute, on se met à l'abri via un système de couverture hérité de Gears
Of War,
et en voiture Simone. L'IA des ennemis, sans être la plus retorse du
monde, suffit largement à vous déloger de votre superbe cachette à coup de
grenades ou de prise à revers. On notera ça et là quelques incohérences dans le
comportement des ennemis, quelques headshot pas toujours efficaces et un brin
injustes, mais rien de bien méchant. On est davantage dans le domaine du
chipotage.

Tout est une question de rythme...

Et cette aventure peut se targuer
de détenir un quasi sans faute. Tablez sur une grosse dizaine d'heures de jeu,
alternant majoritairement entre scènes d'actions pure et dures et quelques
puzzles mieux intégrés dans l'histoire que pour le premier.

Il y a le rythme dans les
actions, mais aussi le rythme du scénario : la narration.

L'introduction... en fait, il
n'existe pas d'introduction. Vous allumez la console, quelques logos
apparaissent, puis le jeu commence directement, sans vous dévoiler pourquoi
vous vous trouvez dans une situation aussi catastrophique. Le ton est donné.

Vous aurez le droit parfois à de
longues et somptueuses cinématiques, souvent à de plus courtes utilisant le
moteur graphique du jeu. D'ailleurs, Naughty Dog semble avoir énormément
réfléchi à la meilleure manière de fluidifier la narration. Pour ce faire, vous
ne subirez aucun temps de chargement, les cinématiques vous servant à exposer
les enjeux de la prochaine séquence s'enchaînent sans aucune coupure visuelle
(puisqu'on se sert ici des graphismes in game)... Enfin, Drake discute avec les
PNJ lorsqu'il est accompagné, commente ses actions à coup de punchlines bien
senties, ce qui nous permet de comprendre ce que l'on doit accomplir sans que
le rythme n'en pâtisse.

Claude Miller ou Renny Harlin ?

Alors, évidemment, on est loin de
la finesse psychologique d'un Silent Hill ou plus récemment d'un Mass
Effect
 : Nathan Drake est bel et bien un chasseur de trésor téméraire,
malchanceux, maladroit avec les femmes, un peu naïf, courageux etc... Mais il
trébuche, tombe, se relève, se fait vanner, se fait souvent avoir... Et tout
sonne juste. Pareil pour les deux personnages féminins : La brune sexuée tête
brûlée et pragmatique, ou la blonde évanescente plus solaire ?

Tout est très binaire : les
méchants sont vraiment méchants et ont des motivations de méchants, les gentils
sont... pareils que les méchants, mais gentils.

Pourtant, il faut juger Uncharted
2 pour ce qu'il est. Un digne descendant vidéoludique des films d'aventures des
années 80 (Indy en tête), et même de la littérature Pulp des années 50 où les
Nazis côtoyaient des savants fous, des journalistes aventuriers, des zeppelins,
des femmes fatales, des super soldats...

De l'imperfection objective...

Car, oui, Uncharted 2 peut encore
faire mieux. Aussi bizarre que cela puisse paraître, l'aventure subit un petit
coup de mou dans le troisième acte. La faute sans doute à une générosité trop
envahissante de la part des développeurs. Résultat, sans trop spoiler, deux
nouveaux types d'ennemis assez particuliers apparaîtront dans le jeu. Leur
nature et leur explication scénaristique sonnent un peu faux et, finalement,
n'apportent pas grand-chose à l'histoire. Un peu comme dans le premier volet
(pour ceux s'y étant essayé). Défaut mineur mais difficilement pardonnable
puisque les développeurs ont persisté dans cette voie.

Cela dit cette baisse de régime
ne nuit pas vraiment à l'impression finale et, même à son plus bas niveau,Uncharted 2 reste une coudée au-dessus de la concurrence.

Pour faire une analogie culinaire, le titre de Naughty Dog
est à l'opposé de la cuisine expérimentale : c'est un bon gros plat de
gourmands qui aurait pu être un tout petit peu dégraissé. Cela dit, qui n'aime
pas manger de la raclette jusqu'à l'écoeurement ?

À l'heure où l'industrie tente
de conquérir de nouveaux joueurs en inventant le casual gaming, ce qui entraîne
un nivellement par le bas de la qualité des jeux, Naughty Dog soigne les
moindres détails et, sous ses allures de blockbuster impitoyable, draine de
nouveaux adeptes dans son sillage. Plusieurs personnes autour de moi m'ont
regardé jouer à Uncharted 2 comme s'ils visionnaient un film et se sont
finalement laissées tenter par l'aventure (avec bonheur).

Entre une tendance Cooking
Mama
et Uncharted 2 pour élargir le panel des joueurs, mon choix est vite fait.