En 2008, la presse a voulu voir dans Dead Space le renouveau du survival-horror. Au regard des vidéos, et sachant que c'était une licence Electronic Arts, je trouvais de base l'idée bancale car Dead Space n'a strictement rien inventé dans le genre, en plus de repomper sans vergogne ni inspiration le cinéma SF et Horreur des trente dernières années. Il suivait la ligne tracée par un Resident Evil 4 qui lui aussi n'avait plus grand-chose à voir avec un survival. Après y avoir joué, c'était encore pire, vu que le jeu ne m'avait pas du tout fait peur (alors que je suis facile à effrayer... même quand il ne s'agit pas d'un jeu d'horreur), et que manette en mains, l'absence de renouveau se faisait encore plus sentir, mais qu'en plus l'aspect survie était inexistant. Pour moi Dead Space est tout au plus un TPS basique avec un cadre horrifique convenu. Le renouveau du survival-horror a eu lieu deux ans auparavant, et il s'appelait Dead Rising. Seulement on ne s'en est pas rendu compte, le jeu ne faisant pas peur du tout. Peu importe finalement, les ingrédients du renouveau y étaient présents.

Et c'est là où Dead Island débarque. Aucunement original, reprenant en grande partie la recette de Dead Rising en l'améliorant au passage, notamment sur la jouabilité, récupérant à droite à gauche des éléments des jeux de zombies ayant eu un certain succès à l'image de Left 4 Dead, sous couvert d'une série B sans envergure, autant au niveau scénaristique que de sa réalisation, Dead Island est à mes yeux l'accomplissement du survival-horror, le successeur de Resident Evil (à défaut de Silent Hill) dans un format enfin épanoui.

La véritable peur commence

Si les ingrédients ne sont aucunement originaux, ni sur le plan formel, ni sur le plan structurel, c'est sur le fond que Dead Island va se démarquer en réorganisant tous les acquis des dernières années pour obtenir un nouveau type de survival-horror. Fini ; les handicaps pour nous forcer à avoir peur, les sauvegardes capricieuses, la jouabilité en carton, les déplacements à se taper la tête contre les murs, les changements d'angle qui nous mélangent les pinceaux, le héros incapable de viser juste. Dead Island ne fait pas très peur, pour une raison que j'avais soupçonné depuis quelques temps ; on ne peut pas vraiment faire peur dans le jeu vidéo sans utiliser de contraintes inconfortables pour le joueur, ou des scripts qui ne fonctionnent que durant le premier run. La peur des vieux survival-horror était artificielle selon moi, car basée en grande majorité sur des manques.

Dead Island oppresse, vraiment. Je n'aimais pas me balader dans les décors, je n'ai jamais vraiment pris le temps de contempler la plage du haut d'une falaise, ni d'explorer certains labyrinthes qui devaient pourtant comporter quelques trésors. Je ne m'attardais pas dans Dead Island, je courrais. Si le Club Med dans lequel on commence offre un monde suffisamment ouvert pour qu'on puisse se déplacer à notre aise, le bidonville qui suit avec ses couloirs étriqués quand ce ne sont pas ses ruelles ou pire, ses égouts, ses hurlements bestiaux qui viennent de nulle part et partout à la fois, lui il ne donne clairement pas envie de s'attarder en chemin. Entre des bruitages peu rassurants et une musique discrète mais inquiétante, l'ambiance est plutôt lourde de menaces.

Quant aux zombies qui hurlent de rage en nous fonçant dessus comme des kamikazes... Et lorsqu'ils sont plusieurs à vous frapper dessus et que vous ne savez même plus d'où pleuvent les coups. Quand on commence à matraquer la touche de frappe inutilement alors qu'au contraire le jeu demande du self control, de la stratégie et de la précision (à sa manière). Cette fois-ci on touche à une véritable peur, pas aussi puissante que dans les vieux survival, mais authentique, basée sur les éléments du jeu. Ce n'est pas la jouabilité qui nous prend en défaut, ni un héros ordinaire exagéremment incapable de se défendre ; c'est un mélange de panique et de stress qui nous empêche parfois de prendre rapidement les décisions judicieuses.

Ça raconte quoi ?

Pas grand-chose. Un Club Med est envahi par des zombies, et notre personnage (parmi un choix de quatre) étant le seul à ne pas pouvoir être contaminé par une morsure, il se tape tout le boulot pour aider les autres et tenter d'évacuer les lieux. L'aspect larbin est contourné par le fait que tout le monde est dans la même galère. Notre héros rend service aux autres autant pour eux que pour lui-même. En tout cas c'est le sentiment que j'ai eu, celui de venir en aide à des gens dépassés par la situation, là où dans le dernier Deus Ex et Rage (qui sont aussi des RPGs à la première personne, d'où la comparaison), j'avais vraiment l'impression de faire le boulot de gars qui ne voulaient pas se bouger le cul.

On ne peut pas vraiment parler de scénario pour Dead Island, mais plutôt d'enrobage scénaristique. Le tout fait très série B, parfaitement assumée, dans la lignée des films du genre. Les personnages sont caricaturaux pour qu'on puisse vite les identifier, entre le vétéran de l'Irak qui a déjà connu l'horreur, la bonne soeur qui place Dieu dans chacune de ses phrases, la bimbo idiote qui craque et a besoin de son nounours en peluche. Généralement, cet enrobage scénaristique un peu ridicule fait joliment sourire, mais il est plombé par des visages pas toujours réussis. Certains sont tout à faits corrects, d'autres non, entre les jeunes bimbos à face de vieille, ou les nombreux protagonistes au regard éteint de drogué. Au moins certains personnages ont des cheveux, et ça, c'est bien. Certaines cinématiques sont tout simplement idiotes ; on voit les quatre héros disponibles partir pour la même mission, puis une fois dans le jeu il ne reste que le nôtre, les trois autres disparaissant sans explication. Il y a aussi qu'au bout d'un moment, même si les objectifs du jeu sont généralement crédibles, on finit par passer les explications pour contracter la quête. Les objectifs sont redondants malgré leur enrobage, et au bout d'un moment on sent une forme de répétition.

Une ambiance assez lourde

Reste que les quêtes annexes s'inscrivent dans la droite ligne du jeu. Certaines peuvent paraître anecdotiques au premier abord, mais toujours elles participent à épaissir l'expérience, et parfois elles nous tombent dessus en route, comme ce type coincé chez lui pendant que des zombies frappent à la porte, ou encore les appels à la radio. Comme dans Infamous en mieux fait, rien ne sort du cadre du jeu, pas d'objectifs idiots, de fun pour le fun. Ces quêtes sont trop nombreuses pour qu'on s'intéresse à chacune, mais ici et là une histoire nous rejoint malgré un emballage graphique pas toujours formidable.

C'est in-game que la narration est la plus réussie, à travers les personnages auxquels on ne peut pas parler, ce type dans les toilettes, la tête entre les mains, en train de trembler et de devenir fou tellement la situation est horrible. Cet autre qu'on va croiser dans une piscine où le sang a remplacé l'eau, ou certaines histoires un peu plus touchantes de gars qui ont besoin de nous, comme un qui vous demande d'achever sa femme et sa fille. Ces décors dans lesquels on n'a pas envie de s'attarder. À l'extérieur des QG, c'est le chaos, et il est sale. Plus on avance dans le jeu, plus il devient claustrophobique. Entre les zombies enragés, ou bulbeux, ou ces grands types capables de vous envoyer voler sur quelques mètres, ceux qui bouffent un cadavre, ceux qui brûlent, ce sang qui imbibe le sol, les giclures sur les murs qui racontent des histoires horribles, j'ai commencé le jeu avec une certaine curiosité, pour finir par être vraiment mal à l'aise.

C'est beau ?

Techniquement c'est moyen, ni laid ni beau. De ce côté-là le jeu perd clairement en attrait. On note divers bugs, de collision notamment, des textures qui mettent parfois du temps à apparaître après un chargement, des ombres crénelées. Pour le reste les décors sont variés, bien composés et réalistes, et il est assez judicieux de nous faire commencer dans un lieu paradisiaque plutôt ouvert pour refermer peu à peu les issues dans les décors suivants... moins paradisiaques, parfois labyrinthiques, et étouffants. Ça fait le boulot, quoi, tout en masquant plutôt bien un level-design solide. J'aurais par ailleurs aimé que le jeu nous offre plus souvent la possibilité d'user des décors, comme lorsqu'on pourra d'un bon coup de pied faire tomber des zombies un étage plus bas.

J'ai beaucoup apprécié la localisation des coups visuellement. On peut ruiner le bras d'un zombie de plusieurs façons, soit en lui brisant les os avec une arme contondante (le bras devient... mou), soit en le coupant. La dégradation physique est assez poussée, entre tranchage de têtes, zombies qui brûlent, têtes qui explosent, membres qui se déchirent avec les os qui apparaissent. C'est plutôt gore et dégueulasse, et étrangement sans en faire trop. L'animation de notre personnage un peu bizarre au début offre aussi une bonne sensation de jeu à la première personne, et les animations, notamment celles des zombies qui courent, sont très réussies.

On s'amuse ?

Oui et non. Moi les survival-horror, ça ne m'amuse pas. Je ne pense pas d'ailleurs qu'on y joue pour le fun. C'est oppressant, et à vrai dire pas trop mon truc. La grande qualité du gameplay réside dans des actions bien adaptées à la manette pour illustrer un trip survie. Le mini-jeu de timing pour enfoncer les portes est bien pensé, le double QTE pour repousser un zombie qui nous attrape à la gorge aussi. Le jeu m'a encouragé à exploiter toutes les possibilités. On ne peut pas se contenter longtemps de frapper dans le tas, parfois d'ailleurs ça ne fonctionnera pas, notamment avec les zombies furieux qui nous courent après. Il faudra user du coup de pied pour repousser les plus hostiles, en faire tomber au sol quand ils seront trop nombreux. Certains ne peuvent s'attaquer de front, et il faudra leur ruiner prudemment les bras pour s'attaquer ensuite à la tête. Puis il faut viser. Le jeu est à la fois imprécis, et jouit d'un auto-aim. En fait il faut plus ou moins anticiper pour toucher juste. Lorsque le zombie est au sol, là on a tout loisir de viser la tête pour l'écrabouiller. Mais debout il est en mouvement et bouge vite généralement.

Le jeu a aussi eu la bonne idée d'alterner monde ouvert avec des niveaux intérieurs linéaires plus classiques, où cette fois les jeux de d'ombres et de lumières sont mis en avant. Ici on pourra parfois s'aider des éléments de décor pour se protéger, jouer des portes pour se barricader après avoir traverser un couloir en courant, ou tout simplement pour diviser les troupes. Plus dirigistes, ces niveaux sont également un bon moyen de changer d'air, ce qui atténue la monotonie du titre. Il dure un peu plus de vingt heures si on fait une bonne partie des quêtes annexes ; le jeu prend son temps, avance étape par étape pour donner corps à notre fuite. Le jeu se renouvelle sans en avoir l'air, et même si malgré tout il finit par devenir redondant, je ne l'ai jamais trouvé répétitif.

Un système de jeu bien pensé

L'endurance est vraiment bien gérée. Habituellement je n'aime pas ça. Dans Deus Ex Human Revolution, on joue un gars bionique qui s'essoufle au bout de dix mètres, ce qui m'énerve. Ici on pourra courir sur une distance tout à fait vraisembable pour un athlète (et ce sera fort utile !). De même lorsqu'on frappe, l'endurance est suffisante tant qu'on joue intelligemment. Si on panique (et on panique rapidement), les choses se gâtent et la jauge peut vite descendre à frapper dans le vent comme un débile. Lorsqu'on meurt, on perd 10% de notre argent, mais notre progression est conservée. Au début je pensais que ça tuerait le challenge et éliminerait la peur, mais ce n'est pas le cas. C'est vraiment chiant de perdre de l'argent surtout quand on en a beaucoup, car on en a besoin pour améliorer et réparer nos armes, et on ne croule pas sous l'or. De plus il arrive qu'on crève plusieurs fois de suite, et notre pécule difficilement accumulé descend inexorablement. La progression conservée fut donc pour moi loin d'être une solution de facilité, mais plutôt un confort pour éviter au joueur de devoir tout recommencer ou de se retaper un trajet, tout en le taxant au passage.

Le système de sauvegarde est automatique, ce qui peut parfois être un peu chiant. Par exemple vous venez de finir une quête et vous voulez quitter le jeu ; ça sauvegarde, mais la récompense que vous offre le personnage n'est pas sauvegardée, et donc il ne faudra pas oublier d'aller la récupérer lors de la partie suivante. Tout comme il vaut mieux réparer et améliorer ses armes en début de partie, plutôt qu'inutilement avant de la quitter. Mais ça évite un autre écueil du genre plus dommageable à mon avis ; la sauvegarde qu'on peut faire à chaque pas et qui réduit à zéro le challenge et toute la tension des situations, comme dans le dernier Deus Ex ou encore Rage. De même le jeu évite le plus possible les allers-retours chiants grâce à un système de raccourcis, et des quêtes annexes qu'on peut réaliser en même temps. Dans Dead Island, on peut contracter plusieurs quêtes et les faire lors d'une même sortie. En gros Dead Island est parfaitement conscient des défauts du genre RPG à la première personne, et fournit des béquilles nécessaires pour amoindrir les effets négatifs. Ça fonctionne.

Un côté RPG gadget

Comme dans Dead Rising, on accumule surtout de l'XP en réalisant des missions, et beaucoup moins en tuant du zombie, ce qui évite le grobillisme. Les compétences qu'on débloque sont généralement passives, plus 10% en dégâts, etc. Ce côté RPG m'a semblé inutile, même si pas trop nuisible. On augmente, mais comme les zombies augmentent également, ça ne change rien ou presque. Sauf qu'on ne pourra plus tuer des zombies en bagnole à partir d'un certain niveau, ce que j'ai trouvé plutôt dommage. L'XP, c'est surtout une carotte pour nous pousser à faire des quêtes annexes. Les récompenses sont plus intéressantes, certains commanditaires nous fournissant des armes meilleures, ou des plans pour concocter des armes spéciales aux ateliers si on possède les matériaux adéquats. On fouille beaucoup dans Dead Island, des sacs de voyage, des armoires, des poubelles, les poches des cadavres, et on trouve toutes sortes d'objets vraisemblables pour les lieux ; colle, fil, alcool, etc., qui paraissent anecdotiques au premier abord, et trouvent leur utilité plus tard. Reste que devoir changer d'arme régulièrement pour la même, mais quelques niveaux au-dessus, là aussi c'est un peu bancal pour un jeu à tendance réaliste.

Les armes à feu offrent des sensations en-deçà de ce qu'on trouve chez la concurrence, mais restent correctes sachant que ce n'est pas le gros du jeu, tout en ouvrant des possibilités dans le gameplay, comme le fait de balancer une bonbonne à un endroit stratégique (idée déjà vue ailleurs, le jeu n'inventant rien). De plus, la visée bougeant légèrement, c'est gratifiant de réussir à placer un headshot. Encore une fois le système est pensé pour être au plus proche de la survie, avec une imprécision relative bien gérée.

Des soucis tout de même

Sans être parfait, Dead Island offre un gameplay qui tente de rapprocher le plus possible le joueur du trip survie au milieu des zombies. Il joue sur une relative imprécision bien dosée et crédible, et sur un aspect parfois brouillon quand la situation nous dépasse, mais sans jamais nous punir par des contrôles frustrants ou handicapants. On regrettera tout de même qu'en se montrant un peu mesquin et très patient vis-à-vis des mécaniques de jeu, on puisse engranger beaucoup d'argent, les endroits à fouiller se remplissant à nouveau lorsqu'on revient sur une partie (certains endroits ayant des objets rapportant pas mal à la revente), de même si on se débrouille pour être à sec niveau argent, mourir pose tout de suite moins de problèmes sur le moyen terme. Aussi on sent parfois que le jeu a été pensé pour la coopération, ce qui se traduit par des morts à répétition en solo lors de certains passages.

Conclusion

Dead Island n'est pas un chef d'oeuvre, il n'est pas non plus exempt de défauts. Le jeu est un peu longuet, le début s'éternisant, et les bonnes idées manquent pour renouveller les objectifs malgré une structure aérée. Mais il fait partie, avec Splinter Cell, de ces jeux austères qui certes manquent de génie et de charme, mais où tous les éléments vont dans la même direction pour offrir une expérience dense et cohérente. C'est un jeu de la vieille école, basé sur le bon sens, et qui ne cherche pas à singer le Septième Art. Pas de QTE débile pour venir à bout de scènes spectaculaires inutiles. Pas de narration interactive pour nous faire subir les émotions poussives d'un scénario pourrave et envahissant. Pas de mini-jeux, ni de boss scriptés jusqu'à la moelle. Mais un gameplay pensé pour faire vivre un trip survie au plus proche, un enrobage scénaristique dans le ton et crédible à défaut d'être intéressant, des décors bien composés et une ambiance bien sale. Un jeu basé sur des idées, et non sur une somme de travail et de talents gâchée par des ambitions putassières ou prétentieuses. C'est déjà beaucoup pour ma part, et ça pardonne une redondance que d'autres supporteront peut-être plus difficilement.

Habituellement je commence un jeu avec beaucoup d'enthousiasme avant de le voir sombrer dans la débilité crasse et la médiocrité ludique. Dead Island au contraire m'a peu emballé, et j'avais toujours à me forcer un peu pour y revenir. Mais une fois dans le jeu, je trouvais telle chose bien vue, telle autre bien pensée, assez régulièrement, et je peux vous l'assurer, ça m'arrive très rarement sur un jeu. Ma note ne vient donc pas de mon ressenti personnel, ni même d'un calcul savant entre qualités et défauts. Dans un monde vidéoludique idéal, le jeu vaudrait 3 étoiles d'après moi, un peu comme un film de Romero. Globalement Dead Island n'est aucunement original en plus d'être redondant, il reprend les ingrédients des autres jeux du genre en améliorant la recette, mais sans la renouveller. Reste que c'est un des seuls vrais jeux de cette gen, et qu'il représente l'aboutissement d'un genre juste en faisant son boulot correctement.