Joué en mode commando (très difficile).

C'est l'histoire de Nathan Spencer. Un soldat à qui on a greffé un bras bionique à la place de son bras gauche perdu dans une explosion. Un homme dont l'épouse a disparu il y a huit ans déjà, sans que personne ne sache où elle est allée. Un homme en prison qui attend sa condamnation à mort pour avoir refusé d'obéir à ses supérieurs, lors de la "purge bionique", qui le vit traquer ses semblables jusqu'à ce que son sens de la justice l'empêche de continuer.

Un prisonnier ramené in extremis du couloir de la mort par son vieux partenaire, Super Joe, qui lui promet de nouvelles infos sur Emily en échange de sa participation à une dernière mission. Il est le Bionic Commando. Il se sert de son bras bionique comme d'un grappin qui lui donne les capacités de Spiderman. Il n'a jamais oublié sa femme durant ses huit années. Il accepte l'opération...

On pourrait croire en lisant ce résumé que Nathan Spencer est le vieux soldat vétéran à qui on ne l'a fait plus, un peu à la Papy Snake ou Auron de Final 10. Mais que dalle. Son look nous le montre encore jeune, toujours combatif, déterminé à finir cette mission mais excédé par le système et la hiérarchie. C'est un vrai rebelle en somme, dégoûté par les politiciens mais qui n'a pas baissé les armes. L'espoir de découvrir la vérité sur sa femme le tient toujours autant, même huit ans après sa disparition.

Bionic Commando, c'est un jeu d'action justifié par l'histoire. On ne tue pas des ennemis parce que c'est une fin en soi mais parce qu'ils sont en travers de notre route. Les capacités du héros, dont l'implémentation dans un jeu 3d laisse rêveur - pouvoir se suspendre à absolument TOUT et parcourir les niveaux comme Tarzan - servent une action franchement innovante. L'architecture des niveaux s'adapte logiquement à cette maniabilité et toute l'aventure se joue comme un charme.

Soyons précis, en terme ludique Bionic Commando est le jeu d'action le plus fort que j'ai fait cette génération; on peut oublier MGS4 et Killzone 2 par exemple. C'est un jeu rare qui ramène sur le devant de la scène l'intelligence de jeu, le fait de devoir réfléchir à comment aborder un ennemi, l'observer et trouver ses points faibles ou la façon de les exposer. C'est le challenge le plus excitant que j'ai fait sur cette gén'. Et je dois aussi parler du spectacle: le caractère épique de certains combats donnent des frissons. Le premier affrontement contre des Polycrafts, des robots volants extrêmement mobiles, dans un environnement totalement propice aux acrobaties aériennes les plus grâcieuses, porté par une musique symphonique: oui, c'est un petit peu un fantasme qui devient réalité.

Mais heureusement toute cette action n'est pas vaine. Et je crois que c'est la grandeur des meilleurs jeux d'action, quand les développeurs sont assez sages pour laisser au second plan ce qui leur a demandé certainement le plus de travail - le système de jeu. Bionic Commando est avant tout une aventure humaine. Vous traverserez des décors futuristes ravagés par une explosion nucléaire non sans amertume, arpenterez un complexe de jardins artificiels baignés de lumière en échappant à la gravité - une expérience planante, vous vous en doutez... Des émotions atteintes par les développeurs grâce à leur travail sur les décors et la musique. La mélancolie et la fougue de l'action font tous deux partie de l'expérience Bionic Commando. Les doublages donnent beaucoup de caractère aux personnages.

Avec tout ça, le jeu devrait être mon BGE pensez-vous. Et bien, non. Deux choses m'embêtent.

Tout d'abord l'histoire. Elle met lentement en place des bases solides pendant les deux tiers du jeu, si bien qu'on sent que ce jeu n'est que le premier acte d'une narration ambitieuse qui nécessitera sans doute plusieurs épisodes, mais finalement se précipite pour conclure assez maladroitement dans la dernière partie! Assez maladroitement, je veux dire par là qu'on a le droit à une fin relativement cliché avec grand méchant qui soulève la grande armée... Dommage, d'autant qu'on sent le talent d'écriture des développeurs. D'ailleurs même si cette fin est précipitée les personnages sont toujours cohérents. Et ça laisse place à une suite quand même. Mais voilà j'ai été déçu. Beaucoup de promesses pas vraiment tenues, d'autant que Grin, le studio de développement, a fermé ses portes il y a peu. On sentait la matière à une grande histoire, via les personnages réussis, le temps que prend la narration dans la première partie et le background franchement complexe, mais au final tout cela est un peu court et finit beaucoup trop vite. Sans avoir le temps de prendre de l'ampleur, ce qu'aurait sans doute permis la promesse d'une suite.

Enfin, un truc de game design qui me gêne. Les développeurs se reposent une grande partie du temps sur les "défis" parallèles au jeu, semblables à des trophées, mais gérés in-game, pour renouveler l'expérience. Bien que ce soit (assez) marrant, ça reste une solution cheap pour faire vivre au joueur des situations différentes. Le talent c'est de passer par l'architecture des niveaux, le scénario, voire des scripts fantaisistes pour dynamiser l'action. Certaines fois l'architecture des niveaux, comme pour le premier assaut des Polycrafts, permet ça et réussit vraiment son coup. Mais c'est rare et on passe son temps à essayer de remplir tous les défis très abstraits n'ayant rien à voir avec l'histoire. Cela dit, n'allez pas croire pour autant que les niveaux sont des couloirs; la maniabilité particulière du jeu obligeait à une inventivité constante dans le level design, du coup on ne s'ennuie pas, mais on ne peut pas dire que l'architecture exploite souvent avec talent la maniabilité pour offrir de nouvelles sensations. Elle se repose sur les défis, comme Urban Chaos en son temps.

Malgré ces imperfections notables, qui empêchent au jeu d'être une expérience vraiment puissante, je ne peux que m'incliner devant le talent et l'amour du travail bien fait des développeurs Grin. Les couilles d'avoir fait un jeu d'action complètement original, qui se démarque vraiment du FPS run of the mill qui est en train de devenir le seul représentant du genre de l'action sur nos consoles, et d'avoir en plus autant soigné l'aspect artistique de leur jeu, que dire sinon "big up". La fermeture du studio suédois est une honte pour l'industrie.