La Mort est un Vaisseau.

Un labyrinthe de métal. Des couloirs qui se croisent, sans fins, à peine éclairés par des néons à la lumière artificielle vacillante, qui ne rassure en rien. Pas le moindre bruit. Un silence pesant fait battre votre coeur, qui s'accélère brutalement alors que vous entendez, au loin, l'écho de quelque chose qui bougent, qui glisse par terre, qui frappe le mur, qui crie, qui murmure. Le silence retombe, et vous reprenez vos esprits. Vous êtes seul dans l'obscurité. L'USG Ishimura, ce vaisseau " briseur de surface ", a réveillé un mal souterrain, là, perdu dans l'infini de l'Espace, au coeur d'une planète fracturée. Vous et vos compagnons n'êtes que les dommages collatéraux de la cupidité des plus grands. Des âmes perdues qui cherchent à survivre. Des âmes isolées face à la Peur.

Vous êtes Isaac Clarke, un mécanicien embarqué dans une mission de maintenance qui se transformera vite en Enfer mécanique dont il sera ardu de s'échapper. Isaac devra survivre, et vous avec lui. Car dans les couloirs froids et impersonnels qui cloisonnent l'aventure de Dead Space, l'effort consenti sur l'immersion et l'ambiance est palpable à tous les tournants. D'une part, le rendu graphique est excellent, les détails qui habillent les parois foisonnent, les différentes salles qu'abrite le vaisseau, bien que se ressemblant par pur souci de cohérence, ont leur identité visuelle propre. Le jeu nous livre un vaisseau très riche, dont la découverte linéaire se fera avec un plaisir grandissant au fur et à mesure que la peur s'insinuera dans notre esprit. D'aucun pourrait  être déçu par cette inéarité, mais un survival-horror a besoin d'une certaine structure dans son cheminement pour dévoiler son potentiel. L'absence totale d'indications à l'écran, la santé de Clarke étant directement affichée sur sa combinaison, assure une immersion toujours plus accrue.

Le sang coule.

Le vaisseau à la dérive abrite une menace, nouvelle, dégénérée.  Un parasite extra terrestre qui a transformé les membres de l'équipage en monstres carnivores. Et ils sont nombreux, tous errants sans but jusqu'à trouver quoi que ce soit de commestible. Le vaisseau en lui même est effrayant, le danger qu'il recèle l'est peut-être moins. Le design des monstres n'est pourtant pas en tort. Inspirés, ils le sont tous: du corps plus ou moins humains qui se cache derrière une horrible dégénerescence osseuse, en passant par le nourrisson tentaculaire et belliqueux pour finir avec des créatures rampantes dont on discerne encore les restes humains sur les expressions de leur visage.  Ils sont malsains, clairement, mais peut-être trop nombreux,  ou reposant sur la même mécanique pour susciter la peur. L'effet de surprise, en bondissant hors de nulle part quand on se croyait à l'abri. Les boss ne sont pas en restes, ils impressionent tous, mais sans aller plus loin. On pourrait voir dans le bestiaire dérangeant et très sanguinolent du jeu le seul coté survivor du titre. On est plus à se demander comment survivre face à leur nombre plutôt qu'à être paralysé devant leur aspect. Certes.

L'horreur est autre dans Dead Space. Elle est diffuse, se ressent au creux de notre estomac à chaque pas que nous faisons, alors que nos yeux balayent  fébrilement le décor, pleins d'appréhension. Les échos vaporeux de bruits que l'on croit seulement entendre fait battre notre coeur. Etrangement, comme dans la tradition  des films d'horreur asiatique, c'est quand il ne se passe rien que la peur nous prend le plus au tripes. La force de Dead Space réside en partie dans l'équilibre que les développeurs ont trouvé entre survie et horreur. Et le plaisir n'en est que plus grand.

Quelques notes pour adoucir la Mort...

Les qualités de Dead Space ne manquent pas. Mais la plus grande reste son traitement du son en général. Outre une ost magistrale signée Jason Graves, qui accompagnent tous les moments forts du jeu, et sait rendre les moments de " repos " tout aussi pesant, on peut rendre hommage à ceux qui ont su rendre tangible une ambiance oppressante: les murmures à peine audibles,  Isaac qui compense son mutisme par des cris rageurs, le cliquetis de babioles en ferailles qui trainent ci et là. On s'y croit littéralement, pour notre plus grande peur.

... Et quelques fausses notes pour la rendre amère.

L'ambiance générale du jeu est maitrisée de bout en bout, pour aboutir à un final vraiment spectaculaire et immersif. Malheureusement, le scénario ne suit pas le même chemin d'excellence. Il s'inspire de bien des oeuvres de science fiction vues au cinéma, d'Alien en passant par Event Horizon ou The Thing. Et le problème n'est pas là, puisque toutes sont d'exellentes références et que les développeurs ont su s'en inspirer sans les reprendre à leur compte pour autant. L'histoire que l'on suit est intéressante, quoique reposant sur de grosses ficèles familières à tout amateur de science fiction,  mais elle est un peu tronquée d'un point de vue narratif. Trop obscure par moment, faisant intervenir des éléments qui ne s' intègrent pas très bien au reste, sans plus d'explications, ou une profusion d'idées bienvenue mais pas toutes convenablement approfondies font qu'on peut avoir l'impression d'être dans un train fantôme sans comprendre ce qui s'y passe et pourquoi. Mais encore une fois, l'histoire est plaisante à suivre, d'autant plus qu'elle est éclairée par le très bon Dead Space Extraction sur Wii.

A ce jour, Dead Space demeure l'un des plus grands représentant de l'horreur sur la génération de console actuelle. Il allie la sobriété d'un huit clos oppressant où la peur est ressentie et non vue, à des mécaniques plus hollywoodiennes où l'effroi est clairement montré sous nos yeux. Au final, il en ressort un jeu qui respecte tout à fait son appellation, où la survie est nécessaire pour s'échapper de l'Enfer sans pour autant se dérober à l'horreur tintée de folie qu'il nous impose ( la folie étant un aspect qui sera traité plus en profondeur dans le second volet ). D'une maniabilité accessible, Dead Space apparait comme le choix le plus judicieux pour qui est en quête d'un survival horror HD.