Gameblog : Un point sur Revolution Software et ce qu'il s'est passé pendant ces longues années sans jeu ?
Charles Cecil : Il faut revenir à 1990, quand j'ai fondé la compagnie... Non en fait, il faut revenir encore plus loin, 1981, quand j'ai écrit mon premier jeu sur un Sinclair ZX81. Vous êtes trop jeune pour vous rappeler...

Fumble : non, non...

C'était incroyable. 1k. Un seul ko de mémoire. Regardez mon iPhone, 60 millions de fois plus puissants. Bref, à cette époque on vendait en direct et on rencontrait les joueurs, et ça s'est perdu quand les éditeurs et les revendeurs ont mis de la distance entre les développeurs et leur public. En 1990, les jeux étaient chers et devaient toujours être financés par des éditeurs, ça fonctionnait comme ça. Notre premier jeu fut Lure of the Temptress, en 1992 (probablement), puis Beneath a Steel Sky en 94 et puis Broken Sword / Chevaliers de Baphomet en 96. Mais à cette époque, les éditeurs ont décrété que les jeux d'aventure mourraient. La PlayStation avait du succès et les revendeurs recherchaient des titres pour ce marché. Ils ont décidé que le point & click ne rentrait pas dans le moule.

Bon, Broken Sword 2 a été élu le cinquième meilleur jeu sur PlayStation par le public, mais les éditeurs ne nous ont pas écoutés, leurs idées prévalaient. Ils savaient que leurs clients voulaient des jeux de conduite, de sport et des FPS en 3D. Et pendant longtemps, le genre a été considéré comme mort.

Et puis nous avons republié Broken Sword sur iTunes et il est apparu qu'il existait toujours une énorme demande. Puis nous avons lancé une campagne de crowdfunding sur Kickstarter, et la réponse a été fantastique, ce qui nous a permis d'écrire un nouveau Broken Sword. C'était il y a un an et c'est bientôt fini !

Vous avez développé en partie Les Chevaliers de Baphomet : La malédiction du Serpent via Kickstarter... Il n'y a rien que vous regrettez chez les éditeurs ?

(Rires) Eh bien, nous en sommes à la dernière étape pour le lancement et il y a énormément de choses à faire. Donc le soutien des éditeurs me manque, oui. Quand nous avons sorti le premier jeu Broken Sword, c'était avec Virgin Interactive. Ils étaient merveilleux, et j'y ai des amis... D'ailleurs, en arrivant à Paris hier, je suis allé boire "une petite mousse" (en français dans l'interview) avec le directeur de Virgin France ; ces gens sont toujours de bons amis. Ce genre de chose me manque, en effet.

Mais d'un point de vue commercial, et en tant que développeur, il faut absolument que l'on se rembourse sur les jeux. Sur Broken Sword 3 et 4, nous avons perdu de l'argent, car THQ prenait les risques et donc récupérait les bénéfices. Deux choses ont brisé ce cercle : la première fut de republier sur iPhone, ce qui a été génial pour nous (et Apple nous a vraiment soutenus). Cela nous a permis d'avoir les fonds pour démarrer le nouveau Broken Sword. Nous savions que nous ne pouvions que travailler quatre ou cinq mois, mais au moins nous pouvions proposer un prototype. La deuxième est donc Kickstarter qui a apporté une grosse contribution au projet. Il a fallu tout de même emprunter un peu d'argent, mais ça allait, car nous étions à la fin du développement et le risque était très faible.