Il y a quelques années on utilisait le nom de "Baleines" pour les super payeurs, ceux qui dépensent beaucoup dans les F2P. C'est toujours d'actualité ou le marché est devenu plus politiquement correct ?

(rire) Personnellement, je n'ai jamais traité personne de "baleine", ce n'est pas très heureux comme terme. Je crois que ce qui était désigné par les opérateurs de plateformes de jeux comme des "baleines", c'était la population qui jouait et qui dépensait énormément, et qui faisait vivre les plateformes. Vous avez des équilibres qui sont les mêmes que dans la plupart des métiers : 80% des joueurs qui font 20% des revenus. Dans les MMORPG, c'est 27% des joueurs payants qui dépensent plus de 20 euros par mois. Ce sont ceux-là qu'il faut à tout prix conquérir et fidéliser.

Justement, c'est très dur d'avoir des chiffres. Au mieux, on met en avant le nombre d'inscrit à un jeu. Est-ce qu'on une idée des pourcentages d'inscrits réellement joueurs et de joueurs payants ?

Il y a des règles assez simples. En général, sur une population de 1.000 personnes qui vont sur une plateforme, il y a à peu près 10% qui vont jouer régulièrement en s'inscrivant. Et il y a encore 10% de ces 10% qui vont finir par payer. On finit donc avec à peu près 1% des gens qui transitent par une plateforme, qui vont effectivement faire une transaction.

En ce qui concerne la présentation P(L)ayers, le chiffre le plus impressionnant, c'est le pourcentage de paiement pour la compétitivité. C'est une recherche du Pay to Win qui va à l'encontre de ce que les développeurs annoncent pour leurs F2P ou ce que les joueurs demandent. Qui est hypocrite dans l'affaire ?

Vous avez différentes populations de joueurs. Vous avez "les purs et durs", qui sont des hardcore gamers qui ne voudront jamais payer pour quoique ce soit pour ne pas fausser les règles. Et en général ce sont ceux qui seront au cœur d'une communauté, qui vont s'exprimer et qui vont véhiculer une image.

Ce sont des "Early Adopter", qui passent énormément de temps sur une plateforme de jeu. Ils sont talentueux et interconnectés, mais il représentent finalement qu'une minorité par rapport à l'ensemble de la population des joueurs et le reste est probablement plus silencieux. On a moins l'habitude d'aller sonder leur motivation. Et comme ils sont moins à fond, plus nouveaux sur le sujet, ils sont peut être plus ouvert au fait de payer, plus spontanés et candides sur leurs réponses : "moi je veux bien payer pour pouvoir gagner." Ce n'est pas tricher, puisque ça fait partie de l'annonce commerciale des éditeurs de jeu.

Tout va dépendre du seuil à partir duquel un utilisateur comme vous et moi va accepter de payer, parce qu'on lui dit clairement les choses, parce qu'on ne le prend pas pour un idiot, et qu'on lui offre quelque chose qui a de la valeur. Et cela parle à de plus en plus de gens qui veulent être différents des autres, ou aller plus vite dans le jeu, car j'ai aussi envie de passer à un autre jeu. Je veux aller à fond dans le scénario de celui-ci et essayer autre chose. Il y a donc ceux qui passent beaucoup de temps sur un seul titre et ceux-là sont réticents au paiement et c'est ceux qu'on entend généralement, et puis il y a le grand public, plus silencieux et candide, mais plus accessible aux opérateurs de jeux en ligne.

Dans ce cas ça peut surtout marcher pour les F2P plus "Joueur contre l'environnement" ou le Pay to Win a moins d'impact que dans un jeu "Joueur contre Joueur"...

Non, il ne faut pas les séparer, ils font tous partie du même écosystème, chaque catégorie a besoin de l'autre. Le grand public, ou disons les joueurs hardcore moindre aime aller là où se trouve les joueurs hardcore. Et ces derniers aiment aussi être entourés de joueurs moins impliqués pour créer leur statut.

Mais un MOBA comme DOTA 2 par exemple n'aura jamais de boutique offrant des avantages sur d'autres joueurs.

Tous les jeux n'ont pas vocation à suivre ce modèle. Nous avons fait une étude sur 32 jeux et 1.700 personnes en Europe, donc cela reflète une réalité moyenne. Tout éditeur n'a pas vocation à faire payer des accès aux jeux et tout joueur n'a pas d'obligation de payer non plus.