Si vous deviez résumer ce sommet entre le CIO et les acteurs majeurs de l'eSport le 21 juillet en quelques mots, quels seraient-ils ?

L'objet de cet événement était d'apprendre à se connaitre. C'était un premier rendez-vous entre l'eSport et les Jeux Olympiques. On s'est rendu compte qu'il y avait beaucoup d'a priori ou de méconnaissance d'un secteur comme de l'autre. C'était vraiment très riche. Ce qui en est ressorti, c'est, je pense, à l'unanimité, qu'on a tous bien compris que les univers sont suffisamment séparés pour qu'il ne soit pas concevable de voir une discipline esportive rentrer directement dans les Jeux Olympiques.

Il n'y aura donc pas d'eSport aux JO ?

Ce n'est pas d'actualité et on a même vraiment cerné le fait que cela apparait incohérent aux deux univers. On sent bien que nous n'avons pas notre place dans le modèle olympique standard. Pour autant, il y a une réflexion sur le fait qu'on pourrait avoir un esprit olympique. Une fête de l'eSport, avec un tampon olympique, ça pourrait être une piste de réflexion. Il en est ressorti cette idée-là, tout comme le fait qu'on se pose la question de savoir ce que l'eSport pourrait amener dans les pratiques sportives. Est-ce qu'on n'aurait pas un outil, notamment dans les jeux de virtualisation du sport, qui pourrait nous amener des compétences particulières ou un intérêt dans les pratiques sportives ?

Imaginer un rendez-vous esport pour améliorer la continuité entre les JO et les jeux handisport

Vous évoquez la possibilité d'avoir un événement dédié à l'eSport à la marge des JO. Quel visage aurait celui-ci ?

On n'a pas statué. La seule idée qui nous paraitrait envisageable, c'est d'imaginer un rendez-vous esport qui pourrait être dans le calendrier olympique, mais placé de façon intelligente pour améliorer la continuité entre les jeux olympiques et les jeux handisport. On pourrait alors imaginer une présence esportive à un moment donné pour créer le lien entre les deux univers.

Ne pas devenir une discipline à part entière n'est pas une déception pour vous, pour le microcosme de l'eSport, alors qu'un réel fantasme était né autour de ça ?

On était prévenu du format de l'événement. On était sur une présentation, vraiment un premier rendez-vous pour apprendre à se connaitre. On a vraiment senti qu'on avait vécu un moment clé dans l'histoire de l'esport. C'est la première fois qu'on a pu rassembler un panel aussi dense et d'aussi haute qualité du monde de l'esport à un même endroit. Je parle notamment des éditeurs de jeux, on avait vraiment les patrons qui étaient présents. On a senti qu'ils ont compris l'importance de leur produit, au-delà du commerce mais d'un point de vue sociétal. Seul le CIO pouvait faire ça, pouvait amener autant d'importance à un événement pour faire déplacer autant de monde. L'événement s'est organisé seulement en deux mois et ça a bousculé énormément de calendriers. Seul le CIO avait une neutralité vis-à-vis de l'esport et pouvait se permettre ça. Ils ont réussi. Ça a été un vrai succès en termes de qualité de représentants sur place.

C'est évident qu'il y aura une vie esportive autour des JO de Paris 2024

Il n'y avait pas de représentants de Paris 2024 à ce sommet. Cela entérine bien le fait qu'il n'y aura pas d'eSport aux JO dans six ans ?

Ça fait un an et demi qu'on sait qu'on ne serait pas à Paris 2024. N'importe quelle discipline devait déjà déposer son dossier cette année. On ne pouvait pas répondre aux contraintes physiquement, avant même de penser si c'était intéressant ou pas. Ça c'était acté. Par contre, c'est évident qu'il y aura une vie esportive autour des JO 2024. Il y en a déjà eu une lors des anciennes manifestations sportives à Paris. On a déjà eu des jeux de foot qui entouraient une grande compétition. Ca va être amplifié cette fois parce que nous sommes sur d'autres niveaux. On va sûrement habiter les jeux à notre manière et trouver des ponts pour permettre de présenter l'eSport au public. Ce sont les éditeurs de jeux qui vont nous amener des vitrines. L'idée sera purement ludique et de présenter au public, qui vient dans un esprit de fête olympique, des activités esportives en parallèle des activités sportives.

Qu'en est-il du groupe de travail entériné lors de ce forum ? Quel type de personnes retrouvera-t-on demain ?

Il y a un deuxième sommet prévu à Buenos Aires, le 4 octobre, pour les Jeux de la Jeunesse, pour continuer la discussion et entrer dans le vif du sujet. Le CIO est en train d'identifier les personnes qui pourraient faire partie de cette commission, s'il doit y en avoir une. Ils n'ont pas encore statué le format dans lequel ils vont investir dans cette recherche entre le monde du sport et celui de l'eSport. On a déjà des gens déjà intégrés à leur schéma, comme le vice-président de France eSports (Nicolas Besombes, ndlr), qui a fait partie de l'organisation du forum. Qui seront les acteurs présents ? On espère vraiment qu'il y aura une représentation de tout l'écosystème. On a vraiment appuyé sur ça auprès du CIO, qu'il y ait des joueurs, des éditeurs, des promoteurs, peut-être mêmes des universitaires qui viennent échanger pour avoir un panel très large et évidemment des acteurs du sport, qui viennent confronter les problématiques plus olympiques en face de l'eSport.

L'eSport, ce n'est pas juste une virtualisation du sport. Il faut l'intégrer dans sa globalité

Enfin, vous parliez de virtualisation du sport comme aide aux disciplines olympiques...

Cela permettrait d'améliorer la connaissance de la discipline. On pourrait apprendre les règles d'un sport par le jeu. On arriverait à celui-ci avec une connaissance du règlement de la discipline. On passe aussi par le jeu pour connaitre l'écosystème. Nous avons l'exemple de jeunes joueurs de FIFA qui connaissent les équipes de la dernière Coupe du monde sur le bout des doigts et c'est grâce à FIFA. C'est grâce au jeu vidéo qu'ils connaissent tous ces joueurs, plus que par l'actualité sportive. On gamifie un peu la réalité grâce au jeu vidéo.

Vous n'avez pas peur que ce procédé soit restrictif ? Que les jeux amenés à aider la compréhension d'une discipline olympique ne soit toujours les mêmes, à savoir des jeux de sport ?

Bizarrement, on a dépassé ce débat. La présentation qu'on a donné de notre monde a clairement montré que l'eSport, ce n'est pas ça, ce n'est pas une virtualisation du sport. Il faut l'intégrer dans sa globalité et dans sa globalité, c'est aussi des jeux de tir, ce sont aussi des jeux de plateaux. Il faut les prendre en compte. Il y a une contrainte olympique, qui est qu'il ne faut pas qu'il y ait de violence dans les jeux. À nous de faire des propositions de jeux, de titres, qui soient compatibles avec les valeurs de l'Olympisme. Un jeu comme Overwatch, qui est PEGI 12, n'apporte pas autant de violence que ça. On peut avoir une adaptation de ces jeux. Il y a un FPS dont je ne citerai pas le nom et dans lequel on s'arrose de couleurs (Splatoon, ndlr), il n'y a pas du tout de violence dans le jeu et cela peut être ce type d'univers qui viendrait habiter le format olympique. On a le temps de réfléchir à des formats qui pourraient aboutir pour 2028. On pourrait très bien imaginer à ce moment-là avoir des jeux développés dans l'esprit olympique. Il n'y a pas de sport comme le MMA ou autres aux Jeux Olympiques, de même il n'y aura pas d'eSport PEGI 16 ou PEGI 18 aux Jeux Olympiques.