Katsura Hashino
Atlus
Réalisateur
sur Persona 5


Gameblog : La première chose qui nous a marqué avec Persona 5, c'est cette esthétique flashy que l'on n'avait encore jamais vue auparavant, et encore moins dans un jeu-de-rôle japonais. D'où vous est venue l'inspiration ?

Katsura Hashino : Avec Persona 3 et Persona 4, nous avions déjà proposé des interfaces utilisateurs à l'aspect et aux visuels uniques. Donc quand nous avons débuté le développement de Persona 5, nous voulions tout faire pour créer une interface encore plus belle, plus flashy et plus extravagante que celle des titres précédents ! Les idées nous viennent des différentes séries télévisées, dramas japonais et films que nous regardons lors de la phase de développement. L'objectif était de tendre le plus possible vers une expérience unique pour les joueurs.

La manière dont les personnages se tiennent dans le jeu, les différents effets utilisés pour effectuer des transitions, jusqu'aux procédés utilisés pour faire apparaître les textes à l'écran... Nous ne voulions pas faire ce qui avait déjà été fait des centaines de fois, nous voulions un style animé et dynamique encore jamais vu, pour que chaque joueur qui prenne Persona 5 en main se dise "Wow !" à chaque instant.

L'inspiration à proprement parler, pour ce type d'interface, nous est venue de nombreux médias. Tout d'abord du jeu vidéo et particulièrement des menus de jeux de course. Dans ces jeux, les menus défilent rapidement, accompagnés de transitions dynamiques du plus bel effet. Ça nous a marqué et nous souhaitions absolument incorporer cela à Persona 5.

Nous avons également été très inspirés par la série Sherlock Holmes diffusée sur la BBC. L'intrigue en elle-même est relativement classique, mais la manière dont l'action était retranscrite à l'écran nous a grandement marqués. Ce n'était certainement pas "classique", mais une expérience presque "avant-gardiste".

Ce fossé entre le classicisme de la narration et son illustration extravagante permet de créer une histoire unique en son genre. Quand on y pense, ce qui se passe autour de nous au quotidien est assez ennuyant, mais ce qui se passe à l'intérieur de nous n'a rien à voir avec tout ça, il se passe des millions de choses dans la tête de chacun, c'est beaucoup plus excitant ! C'est comme lorsque l'on marche dans la rue avec des écouteurs sur la tête. Vous avez tous ces sentiments qui traversent votre esprit sans que personne ne sache ce qui s'y passe. C'est ce que nous voulions retranscrire avec notre interface utilisateur.

Pour la première fois il y aura des "gentlemen cambrioleurs" dans un jeu Persona. Pourquoi avoir voulu intégrer ce type de personnage ?

Pendant le développement de Persona 5, il semblait que beaucoup de personnes (jeunes et moins jeunes) se sentaient anxieuses, dépressives, elles suivaient les règles qui leur étaient imposées sans jamais les remettre en question.

Avec Persona 5, je voulais leur donner un exemple de rébellion dont les joueurs pourraient s'inspirer. Comment ils peuvent développer leur esprit critique et prendre des initiatives hors des cadres qui leur sont imposés, pour reprendre leurs vies en main. D'où les personnages de "voleurs gentleman" et le style très picaresque de l'écriture de Persona 5. Voilà d'où viennent les personnages de "voleurs gentleman" et le style très picaresque de l'écriture de Persona 5.

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette inspiration "picaresque" ?

Comparons la réalité d'aujourd'hui à celle d'il y a 20 ans. Avant, vous deviez vous focaliser sur les études pour atterrir dans un bon lycée et une bonne université. Malgré ces efforts, vous n'étiez pas assurés de poursuivre vos rêves d'enfant. Vous travailliez d'arrache-pied mais personne ne prenait le temps de vous féliciter. Ces personnes qui subissaient (et subissent encore) cela tous les jours en deviennent fous. Maintenant, ces hommes et femmes se plaignent uniquement sur les réseaux sociaux et n'agissent pas.

Avec Persona 5, ces personnes ont l'opportunité de dire "F*** that ! Je ferai ce que je veux !". Je veux que Persona 5 soit un moteur pour leur permettre d'exprimer leurs vrais sentiments dans le monde réel. C'est pour ça que j'ai opté pour le genre picaresque.

Dans les Persona précédents, et même dans Catherine, l'intrigue a toujours pris place dans des petites villes, des lieux très intimistes. Pourquoi avoir choisi Tokyo pour Persona 5 et comment avez-vous retranscrit la grandeur de cette mégalopole en jeu ?

À l'inverse d'une petite ville de campagne, dans une grande ville comme Tokyo il y a tant de personnes que l'on peut très rapidement se sentir insignifiant, comme si n'importe qui pouvait prendre notre place et que si nous devions partir, nous ne manquerions à personne. Ainsi, utiliser cette ville comme cadre pour Persona 5, avec un simple lycéen capable d'influencer autant la société dans laquelle il vit et de "s'attaquer au monde" par ses propres moyens, c'est une manière d'envoyer un message fort aux joueurs et de le dire que tout est possible.

Encore une fois, les joueurs vivront des histoires sombres, particulièrement dures, qui impliquent du harcèlement physique, verbal, voire des sujets encore plus difficiles. D'où vient cette relation unique entre les Persona et ces sujets sensibles ?

Il a toujours été question d'affrontements avec les parties les plus sombres de soi-même dans la série des Persona. C'est la raison pour laquelle nous développons des sujets particulièrement durs et violents liés aux agissements les plus sombres des humains dans les jeux Persona.

Où trouvez-vous l'inspiration pour ces sujets ?

L'inspiration pour ces sujets vient tout simplement du quotidien : journaux, télévision, réseaux sociaux, discussions avec des gens... Le monde est une source d'inspiration.

Pouvez-vous nous en dire plus à propos de Yongenjaya, le quartier dans lequel s'installe le personnage principal au début du jeu ?

Je voulais que le personnage principal soit un lycéen lambda auquel les joueurs auraient pu s'identifier. Peut-être que ce lycéen aurait dû vivre dans une zone rurale sans histoire pour accentuer ce côté "lambda". Puis je me suis dit, ce personnage principal n'a peut-être pas de signe distinctif, mais il va devenir le grand "Phantom Thief". Il a besoin d'un terrain de jeu qui soit à la hauteur de son statut et donc nous avons éliminé l'idée de la zone rurale et nous avons créé Yongenjaya, qui est basée sur Sangenjaya, le quartier dans lequel se trouvent les locaux d'Atlus !

Nous aurions pu choisir Shibuya, mais ça ne nous convenait pas également. Il y a quelques années, de nombreuses sous-cultures s'y sont développées et il y a un réel sentiment de liberté qui vous habite quand on s'y promène. Aujourd'hui, ces jeunes qui arpentaient les rues de Shibuya sont submergés par leurs emplois et vont dans des bars après une dure journée de travail, qui se trouvent bien souvent à Sangenjaya !

C'est le cinquième épisode de la série des Persona et vous avez récemment annoncé que vous alliez développer un tout nouveau RPG avec un nouveau studio. Cela signifie-t-il que c'est la fin des Persona ?

Effectivement, j'ai monté un nouveau studio de développement afin de pouvoir réaliser mon nouveau projet de RPG, mais cela ne sonne pas la fin de la série des Persona ! Pendant que nous développerons ce nouveau projet, l'équipe de développement dédiée aux Persona continuera de développer des jeux Persona.

De plus en plus de J-RPG passent d'un système de combat au tour-par-tour à un système de combat basé sur l'action. Pourquoi Persona 5 reste bloqué sur ce système au tour-par-tour ?

Attention, Persona 5 ne "subit" pas son système de combat au tour par tour. Dans un Persona, toutes les mécaniques du jeu, que ce soit la collecte d'équipement, la fusion de Persona jusqu'à la gestion des relations amoureuses, influent sur le déroulement des combats. Tout est lié. Ainsi, si nous avions dû modifier le système de combat au tour par tour de Persona 5, nous aurions dû modifier entièrement l'architecture de la série. Et ce n'était pas ce que nous voulions faire avec cet épisode, nous voulions que Persona 5 soit l'épisode à l'apogée de la série.

La partie "simulation de relations amoureuses" dans Persona 5 a toujours été très importante pour les joueurs. D'où vous est venue l'inspiration pour ce type de système ?

Dans tous les travaux de fiction qui mettent en scène de jeunes adultes à la télévision, dans des romans ou dans des films, incorporant toujours de la romance. C'est quelque chose de naturel, à cet âge-là, on y pense forcément.

Mais j'ai remarqué que dans les jeux vidéo cela était souvent absent ou dépeint de manière très binaire. C'est pour ça que je voulais intégrer ce principe de relations amoureuses dans le titre afin d'apporter encore plus de réalisme à la série.

Au sein du casting de Persona 5, avec quel personnage souhaiteriez-vous sortir en couple ?

Morgana, parce que j'aime les chats !

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