La première lame : préparation minutieuse

Pour beaucoup, The Witcher 2 : Assassins of Kings a aidé le RPG occidental à passer un cap, tant en termes de réalisation que d'écriture et de mise en scène. Mais cantonné au PC et à la Xbox 360 - avec la version Enhanced parue un an plus tard -, ce titre dont un chapitre entier pouvait différer en fonction d'une décision n'aura peut-être pas eu l'exposition qu'il méritait.

De fait, les semaines suivant l'annonce de The Witcher III, en février 2013, auront sans aucun doute pesé lourd sur les esprits. Les images sont splendides et les ambitions toujours plus folles.

CD Projekt RED évoque un monde ouvert, avec un espace 40 fois plus grand que celui de son prédécesseur et une fois encore sans chargements, dans lequel on peut se balader à cheval. Avec l'assurance d'être à la pointe technologiquement, puisque prévu aussi bien sur PC que sur PS4 et Xbox One (pas encore nommées, voire pas encore annoncées officiellement aux débuts du projet).

Et puis les présentations s'enchaînent lors des différents salons. Les vidéos de gameplay ou cinématiques et images capables de faire se décrocher des mâchoires et les informations même les plus futiles sont distribuées avec parcimonie, sans sacrifier les aspects les plus mystérieux.

Le développeur polonais parvient, à l'instar de Rockstar, son modèle, à entretenir la flamme sans lui laisser le loisir de vaciller ni aller dans la surenchère. Les différents reports n'y feront rien : la hype est gigantesque avant la sortie. Les précommandes sont folles. Et la pression ne sera jamais relâchée tant que The Witcher sera la priorité du développeur et que la majeure partie des ressources lui seront destinées.

La seconde lame : tenir ses promesses

Le résultat final apparaît entre les mains des critiques au début du mois de mai 2015 et dans celles des joueurs le 19 mai. Les avis sont unanimes et balaient d'un énergique revers de la main la polémique d'un downgrade visuel - par rapport à plusieurs vidéos balancées des années auparavant - née quelques semaines plus tôt.

The Witcher III : Wild Hunt est bien le colosse attendu.

La communication, parfaite, n'a pas menti sur les qualités d'un jeu de rôle qui ne laisse rien au hasard en termes de contenu ou de narration. La quête principale, qui voit le toujours très charismatique Geralt de Riv, Sorceleur de son état, partir à la recherche de celle qu'il considère comme sa fille adoptive, est captivante et aborde, dans un cadre fantasy, des thèmes qui peuvent totalement s'imbriquer dans notre réalité.

Les personnages (en particulier le protagoniste, Ciri, Lambert, ou encore le Baron Sanglant) sont salués pour leur densité, leurs aspérités. Les situations tragiques, épiques et même comiques ne manquent pas.

Il est difficile de ne pas être transporté par une écriture fidèle à l'oeuvre d'Andrzej Sapkowski, sans fausse note jusqu'à une fin impactée par nos choix, et travaillée jusque dans la majorité des quêtes annexes. Si l'on excepte une flopée de points d'intérêts (récupérations de loot ou bien destructions de nid) qui tendent à se répéter, elles ouvrent toujours sur des situations qui vont plus loin que aller-retours ou missions Fedex comme on peut en voir dans des Elders Scrolls ou Dragon Age. Et le joueur a presque toujours prise dessus en pouvant décider du dénouement, parfois plus cruel qu'attendu, en essayant d'aller plus loin que les évidences.

Vaste and Furious

Ce qui étonne le plus, c'est que pour son premier monde ouvert (ou presque, puisque l'on trouve en réalité deux cartes différentes), CD Projekt RED est parvenu à créer quelque chose de ravissant sur le plan artistique mais aussi vaste et varié, vivant et cohérent. Quelle que soit la zone visitée, on a souvent envie de s'attarder sur les détails des environnements. On se surprend à s'arrêter sur une place de marché pour regarder les badauds vaquer à leurs occupations, jusqu'à la nuit tombée, à se poser dans une clairière et même à employer une des magies ralentissant les déplacements ennemis pour les observer plus précisément...

Les raisons de s'ébahir, sur une bande-son assez formidable, sont nombreuses. On se croirait dans un Red Dead Redemption version médiéval-fantastique. Sauf que le Poker aurait été remplacé par le Gwynt, jeu de cartes à collectionner dont la popularité va vite exploser au sein de la communauté du jeu. Evidemment, le système de combat a également son rôle à jouer.

Malignement inspiré de Dark Souls et achevant la mue vers une maniabilité 100% manette désirée avec Assassins of Kings, obligeant à acquérir certaines connaissances et jongler parfois avec son inventaire et sa magie pour se montrer plus efficace, il met le Sorceleur (et Ciri, dans des séquences encore plus dynamiques) au coeur de batailles parfois compliquées et durant lesquelles il faudra faire preuve d'une certaine dextérité.

Avec toutes ses qualités, auxquelles s'ajoutent une durée de vie générale qui frôle l'insolence, The Witcher III n'a aucun mal à charmer tous ceux qui l'approchent, y compris s'il manque la connaissances des épisodes précédents... Ou des romans. Mais là encore, la conversion est possible. Plus d'un joueur a témoigné s'être plongé dans les bouquins après la découverte du titre, histoire de comprendre certaines références et connexions. Mais le plus dur n'est pas forcément passé. Tout n'est pas parfait.

La magie : un accompagnement sans failles

Il est certain qu'avec une moyenne Metacritic de plus de 90 pour chaque machine, des Prix de jeu de l'année 2015 comme s'il en pleuvait (notamment chez nous) et un départ canon des ventes (6 millions d'exemplaires les 6 premières semaines) qui aujourd'hui se stabilisent autour de 10 millions d'unités à travers le monde, il y a matière à être satisfait. Et, peut-être, tout laisser derrière soi. Sauf que, comme avec les deux volets précédents, les développeurs, en plus de bûcher sur d'autres contenus, ont été à l'écoute. Les problèmes de frame rate sur consoles, l'inventaire pas des plus commodes, des polices un peu trop riquiqui, un cheval aux réactions parfois farfelues : chez certains acteurs du marché, cela aurait pu paraître scandaleux. Mais CD Projekt RED ne se cache pas et prend ses responsabilités. Ce qui assoit sa réputation de studio sérieux, à l'écoute.

En marge des 16 DLC promis et proposés gratuitement, il assure le service après-vente comme peu d'autres. Les mises à jour sont fréquentes, parfois massives et rééquilibrent les débats.

La prochaine, qui aidera à arrondir certains angles, notamment en matière de navigation dans les menus, accompagnera la sortie de Blood and Wine. Une extension qui matérialise une jolie cerise sur le gâteau (voir notre TEST) et confirme à notre avis l'entrée de The Witcher III au Panthéon des meilleurs RPG de tous les temps.


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