Ces chroniques, interviews et dossiers vous intéressent ?
Devenez membre Premium pour nous aider à financer ce genre de contenus
et bénéficier de nombreux avantages.


Gameblog : Une question que pas mal de fans se posent depuis l'annonce de Kick Off Revival : où étiez-vous passé ces 20 dernières années ?

C'est une longue histoire avec un happy end potentiel. Quand j'ai rencontré le succès avec Kick Off, j'étais très jeune. Je crois que j'avais 22 ans. En arrivant dans la trentaine, c'en était terminé. Et maintenant, j'en ai 50.

L'industrie du jeu vidéo a emprunté un chemin difficile, le mauvais chemin selon moi, au milieu des années 90. En y repensant, trouver un boulot dans l'industrie durant les vingt dernières années en étant connu présentait un caractère délicat. Et si vous avez bâti votre succès en tant que développeur indépendant, vous deviez fonder votre propre compagnie ou disparaître. Et même en créant votre société, il faut survivre. C'est ainsi qu'est devenue l'industrie.

L'industrie du jeu vidéo a emprunté un chemin difficile, le mauvais chemin selon moi, au milieu des années 90.

Quand j'ai conçu Kick Off, j'étais comme un auteur. J'ai écrit un jeu de la même façon qu'un auteur écrit un livre et se voit publié. L'écran-titre de Kick Off affiche "écrit par Dino Dini". Qui dit ça aujourd'hui ? Mais c'est l'esprit. C'était le développement indépendant, ce n'est pas quelque chose de nouveau. C'est ainsi que l'industrie s'est bâtie et, jusqu'au milieu des années 90, c'était la façon dont les grand jeux de l'époque que nous aimons étaient conçus.

Des personnes seules créaient et avaient un accord de publication. Il étaient comme des auteurs. Cela a changé à l'époque de la PlayStation pour des raison variées. L'industrie s'est engouffrée sur une route faite de productions impliquant de gros budgets, de grandes dépenses marketing. Il n'y avait plus de place pour les individualités. Il fallait apprendre à travailler dans la sphère des AAA, et comprendre qu'il n'y avait plus de réelle opportunité de réaliser quelque chose par soi-même. De fait, à la fin des années 90, le développement indépendant était mort.

Alors qu'ai-je fait ? Quelques années après Dino Dini's Soccer, j'ai travaillé sur un jeu de football PC que Microprose a annulé. Quand c'est arrivé, je me suis dit que je ne survivrai pas en tant que développeur indépendant, j'avais besoin d'acquérir de l'expérience en management. Je suis allé en Amérique où j'ai travaillé pour diverses sociétés. J'ai eu des tas d'expériences enrichissantes pendant 5 ans mais ce fut aussi très difficile et douloureux par certains aspects. Puis je suis revenu, vers 2001. Et je me suis dit que j'allais faire un nouveau jeu de football. Internet était là mais les réseaux sociaux n'étaient pas encore développés ou il n'y avait pas Kickstarter ou d'éditeurs intéressés par des jeux indépendants.

À la fin des années 90, le développement indépendant était mort.

Je me suis rendu à la Kick Off Association où j'ai croisé Steve Screech (ndlr : graphiste sur Kick Off 2) qui planchait sur Kick Off 2002. Il y a eu quelques frictions, je suis parti. J'ai conçu deux prototypes. L'un pour Trecision en Italie, j'y ai passé un an. Nous avons failli être édités par Sega mais ça ne s'est pas fait. Puis, pendant deux ans j'ai planché sur un autre jeu de football pour DC-Studios au Canada. Ils n'avaient pas l'argent pour publier le jeu. Et depuis 8 ans j'enseigne le développement aux Pays Bas. Voilà, mes vingt dernières années.

Donc, c'est le bon moment pour un nouveau jeu de football indépendant ?

C'est à vous de me le dire. Pas seulement pour ce jeu, mais aussi pour tous les jeux indépendants que nous avons perdu ces vingt derniers années à cause de la tournure qu'a pris cette industrie. Cela a changé. Avec l'iPhone, Apple a proposé un ticket d'entrée assez accessible. Cela a pas mal encouragé le développement indépendant. Nous avons eu droit à des succès incroyables comme Angry Birds, ou bien sûr Minecraft - même s'il n'a rien à voir avec iOS. L'industrie a commencé à voir que le développement AAA comme trop risqué. De grandes compagnies AAA ont connu des problèmes financiers.

Shahid Kamal Ahmad (ndlr : en charge du contenu stratégique pour PlayStation) a travaillé dur pour que Sony supporte davantage les développeurs indépendants. Ce n'est pas seulement une question de jeu de football mais de développement indépendant. Ça m'a fendu le coeur de constater que, ces vingt dernières années, on a en quelque sorte perdu la mentalité fondatrice de cette industrie. Et ça revient. Les gens le souhaitent. Des joueurs qui étaient là à l'époque des classiques et qui ont connu ces vingt dernières années, ils se tournent vers les jeux rétro. Et ce n'est pas une histoire de nostalgie. C'est parce que ces jeux avaient quelque chose qui a été perdu. C'est tardif, mais c'est là et je suis très excité pas seulement pour moi mais aussi pour les autres développeurs indépendants.

Y'a-t-il des jeux indépendants qui vous inspiré, voire motivé à plancher sur Kick Off Revival ?

Absolument. Rien que l'idée de certains d'entre eux, y compris des jeux auxquels je n'ai pas touché mais que j'ai vus. L'inspiration vient de personnes qui sont parvenues à voir leur jeu publié. Même un jeu comme Flappy Bird, auquel je n'ai jamais joué. Il prouve qu'il est possible de sortir sans budget, sans marketing et faire un carton. C'était le cas à l'époque pour Kick Off. Il y a aussi des jeux comme Elite Dangerous -j'étais un grand fan de l'original, j'y jouais sur BBC Micro -, une inspiration majeure en tant que game designer. Et puis l'histoire de Jeff Minter avec TxK. Tout ça m'inspire.

Avez-vous songé à une campagne Kickstarter pour ce projet ?

Oui. J'ai considéré cette option. Le problème, c'est que si vous lancez un Kickstarter pour un jeu aujourd'hui, ce n'est pas un événement, tout le monde ne s'y intéresse pas automatiquement. J'aurais pu pour Kick Off. Mais j'ignore comment il aurait été reçu. Et puis ça ressemble à un : "s'il vous plaît, aidez-moi à faire un jeu". J'aime l'idée mais vous devez avoir quelque chose pour commencer.

J'ai toujours eu un peu peur d'essayer et que ça ne fonctionne pas. Ce que je voulais d'abord, c'était trouver les bons partenaires. J'aurais lancé un Kickstarter avec une bonne équipe, me soutenant dans mon entreprise, en se chargeant de la communication et la communauté, car je ne peux pas tout faire moi-même.

Le fait est que Sony est arrivé, donc plus besoin d'aller dans cette direction. Mais on me demande d'autres choses, comme un nouveau Player Manager, que j'ai très envie de faire depuis 1990. La première étape sera de terminer Revival et que ça marche. Après, continuer ne devrait pas être un problème. J'ai beaucoup d'idées, certaines importantes en termes de gameplay. J'espère les appliquer. Kickstarter peut être une option intéressante pour d'autres titres ou si des gens veulent un jeu sur une plateforme particulière. Mais pour l'heure, je me concentre sur Revival.