1. Nintendo lâche la Wii U et le marché des consoles de salon

Les rumeurs.

Les prédictions catastrophiques médiatiques ont repris de plus belle en 2013, suite aux ventes faibles de la Wii U et à l'arrivée des super puissantes PS4 et Xbox One. À quoi s'ajouterait récemment, pour faire bonne mesure, le litige autour d'un brevet qui obligerait Nintendo à reverser un pourcentage des ventes de 3DS à une entreprise tierce (avec effet rétroactif). Nintendo serait ainsi inévitablement condamné à se retirer du marché des consoles de salon, et "devrait" se contenter de créer des jeux qui seraient alors - sorte d'idéal démocratique vidéoludique - publiés sur tous les appareils de salon ou mobiles du marché. Le diagnostic n'est pas nouveau et revient hurler à la mort, telle une sirène bégayante, depuis la Nintendo 64.

Et si cela arrivait ?

Le retrait de SEGA du marché des consoles avec la Dreamcast en 1999 a provoqué un tel choc affectif et culturel qu'on peine à imaginer les conséquences d'une telle décision de la part de Nintendo. Le bouleversement serait énorme, l'innovation (matériel et jeux) serait immédiatement stoppée sans son moteur créatif principal (on ne fera pas l'insulte de rappeler toutes les trouvailles interactives inventées par Nintendo reprises par la concurrence), le chagrin suivrait les déclarations irresponsables des "je l'avais bien dit". En gros, le jeu vidéo vivrait une sorte de deuil, traverserait une dépression qui contaminerait toutes les couches du marché, industrielle et consommation. Les conséquences d'une telle secousse sont inquantifiables. Premier effet domino repérable : stopper la production des consoles de salon obligerait Nintendo à diffuser ses jeux sur tous les appareils du marché, en particulier sur tous les supports mobiles en pleine croissance (smartphones et tablettes), c'est-à-dire les concurrents directs de la 3DS et de ses héritières. Nintendo devrait alors cesser aussi de fabriquer des consoles portables à son nom.

La réalité.

Les chronologistes le savent pourtant : Nintendo ne peut pas être comparé aux autres sociétés du jeu vidéo. L'entreprise qui fonctionne et fabrique des jouets depuis... 1889 (depuis 124 ans !), est née presque un siècle avant le jeu vidéo et s'est adaptée au marché et à l'économie de nombreuses fois sans lâcher prise. Comme Apple, dans une moindre mesure, Nintendo est assis sur un trésor de guerre : ses licences et personnages, le marché du jeu mobile qu'elle domine et quelques liquidités en banque. De quoi voir venir.

On en parle peu mais Nintendo a également investi ces dernières années dans un tout nouvel immeuble de R&D à Kyoto où ses troupes se sont installées. Les fruits de cet investissement sont à venir. Nintendo, enfin, via son actuel PDG Satura Iwata, a expliqué préférer baisser les salaires de quelques hauts cadres plutôt que de licencier des employés tous considérés comme talentueux et utiles à la marche de l'entreprise.

Sur le terrain, le milieu a déjà remarqué d'autres mesures économiques prises par l'entreprise de Kyoto : pas de grosse conférence coûteuse à l'E3 de Los Angeles, une communication directe aux consommateurs via des conférences diffusées sur Internet, une distribution dématérialisée des jeux aux médias, la réduction ou disparition des livrets couleurs dans les boites (le plus dommageable pour les fans au fond). Et puis, en admettant que Nintendo se résolve à sortir ses jeux sur tous les supports du marché, à partir de son savoir-faire et de ses méthodes de création, l'entreprise serait au fond condamnée à sortir des accessoires et manettes dédiés à chacun de ses jeux pour chaque support visé (ce qu'elle fait déjà pour ses jeux sur ses propres consoles) ? Où serait l'avantage économique pour Nintendo ? La firme affrontera un vrai risque quand Shigeru Miyamoto se retirera. Il en parle quand la question lui est posée, mais Nintendo n'en est pas encore là.