Après celui de la semaine dernière, écrit avant d'avoir eu l'occasion d'y jouer, je ne pensais pas revenir sur Diablo III. Mais avec le raté du lancement à base d'erreur 37, et la prédominance bien compréhensible du dernier né de Blizzard dans l'actualité, difficile de ne pas en profiter pour revenir sur le véritable sujet (à mon sens) : la nécessité d'être en permanence connecté pour jouer, même en solo.

Bien entendu, les deux jours de chaos qui ont fait naitre l'essentiel de la polémique chez les joueurs frustrés qui n'ont pas réussi à se connecter et à jouer comme ils le voulaient, sont déjà derrière nous, comme on pouvait s'y attendre. Même si certains problèmes subsistent, les choses sont globalement rentrées dans l'ordre et on peut à présent jouer normalement. Mais ces réactions excessives des joueurs enragés au-delà de toute raison ont surtout participé, je crois, à déplacer le débat vers la capacité de Blizzard à fournir le service pour lequel les fans avaient payé, alors qu'il aurait du s'attacher à quelque chose de beaucoup plus permanent et préoccupant que les heures d'attente et de maintenance de ces 48 heures de lancement : la nécessité d'être connecté pour un jeu qu'une large proportion des joueurs considère comme solo.

Avant toute chose, on ne peut pas jouer les surpris à l'égard de cette obligation. Non seulement elle avait été annoncée en août dernier, mais en outre il s'agit d'une tendance de fond qui semble de plus en plus inéluctable. Et c'est bien là le problème. Car si Blizzard a la connaissance et les ressources pour assurer son service aujourd'hui, malgré le faux démarrage, je me demande tout de même dans quelle mesure d'autres pourraient avoir envie de faire pareil sans disposer de ces avantages, et donc sans pouvoir régler des problèmes similaires aussi rapidement.

Vers des épisodes autrement plus préoccupants ?

Ma préoccupation est multiple, mais simple : si même Blizzard se rate, alors qu'ils ont l'expérience de World of Warcraft et de nombreux lancements d'extensions qui pétaradent au démarrage, victimes de leur succès, comment envisager une seule seconde que d'autres éditeurs/développeurs désireux de suivre ce chemin pourraient réussir à éviter des crises beaucoup plus importantes ? Mais, surtout, comment faire dépendre les joueurs de choses qui ne relèvent ni de l'éditeur/développeur, ni des joueurs eux-mêmes ? Je veux bien entendu parler de la connexion internet elle-même, qui comme tout internaute le sait, n'est jamais tout à fait stable. Enfin, et le cas de Diablo III l'illustre parfaitement, comment peut-on, en 2012, exiger une connexion permanente pour un titre qui peut justement être joué en déplacement, sur un portable, ou (même si c'est dommage) 100% en solo ? Si le monde entier était aussi connecté qu'il est raccordé au réseaux téléphoniques, ce ne serait pas un problème. Mais rares sont les pays offrant du Wi-Fi gratuit un peu partout, et aujourd'hui, toute connexion à Internet, aussi fiable soit-elle, peut subir une avarie privant purement et simplement les joueurs de leurs heures de loisir sur un titre dont la formule traditionnelle ne devrait justement pas les en empêcher en pareil cas.

Des solutions existent, ne les oublions pas

Les services nécessitant une connexion internet sont d'ores et déjà légion. Et beaucoup proposent des modes offline parant à cette éventualité, comme Steam pour le jeu, ou encore Spotify, pour la musique (même s'il faut reconnaître qu'ils ne fonctionnent pas toujours parfaitement bien). Les raisons invoquées par Blizzard pour leur implémentation de cette exigence de connexion s'articulent autour de deux éléments principaux : la lutte contre la triche (la duplication d'objet, par exemple), et les possibilités offertes par le système en termes de fonctionnalités additionnelles (les listes d'amis persistantes inter-jeux, le PVP classé & son matchmaking qui vont arriver, le coffre partagé entre personnages, les Hauts-faits, le multijoueurs en drop-in drop-out, etc.). Pour Blizzard, le confort et le gain de ces fonctionnalités surclasse les inconvénients. C'est probablement vrai pour beaucoup de joueurs... mais pas pour tous.

Autant je suis prêt à croire que Blizzard ait pu se tromper sur ses prévisions malgré son expérience, je veux même bien admettre que bien qu'il s'agisse de leur métier, ses partenaires gérant serveurs et architectures d'authentification aient pu sous-estimer leurs besoins et être donc les véritables responsables de l'épisode "erreur 37", autant je refuse d'admettre qu'il ne puisse y avoir de solution intermédiaire pour permettre aux joueurs qui le désirent de profiter un minimum de Diablo III sans connexion. Quitte à ce que les personnages joués hors connexion soient condamnés à ne pas pouvoir interagir avec les autres, fussent-ils sur le même compte, afin de parer à toute éventualité de tricherie ou d'exploitation du jeu, ou de l'hôtel des ventes (une part importante des raisons pour lesquelles Diablo III a besoin d'être sécurisé au maximum).

On le sait, dans les années à venir, la nécessité d'une connexion internet, et sa démocratisation, vont aller croissants. On peut donc estimer que les problèmes que cela soulève iront en s'amenuisant, voire même que cela devienne une nouvelle norme. Mais croisons tout de même les doigts pour que cette transition se fasse sans oublier purement et simplement ceux qui ne pourront, ou ne voudront pas la suivre, car ce n'est pas une fatalité. Il y a toujours moyen de prévoir quelque solution pour ces gens-là, et je ne crois pas qu'elles soient si compliquées ou chères à implémenter.