Choix le plus propice afin de générer un sentiment d'urgence et d'angoisse permanent, les jeux qui déroulent leur dispositif narratif au sein d'un espace clos et restreint (Clock Tower, Haunting Ground etc.) sont généralement ceux dont le gameplay se plie le plus à des exigences d'ordre essentiellement environnementales, puisque leurs cadres respectifs constituent des personnages à part entière, au même titre que les protagonistes évoluant en leur coeur. On pense volontiers à la classique grande bâtisse hantée, mais des titres comme Deep Fear ou System Shock ont le mérite de transposer ce genre éminemment gothique vers un substitut atmosphérique plus original, mais tout aussi déstabilisant.

Alone in the Dark

Difficile de ne pas évoquer le frenchie (cocorico !) Alone in the Dark d'Infogrames au sein d'un top sur les jeux horrifiques, puisqu'il est unanimement considéré aujourd'hui comme la matrice du genre. Un substrat à partir duquel s'est développée toute une grammaire vidéoludique inédite, car il est aussi l'un des premiers jeux de l'histoire à disposer d'un agencement narratif ouvertement cinématographique. En effet, la mise en scène de Alone in the Dark, initiée par Frédérick Raynal et Didier Chanfray, se calque sur les cadrages caractéristiques du genre, avec son montage serré de plans, des objectifs grand angle, et des contre-plongées qui confèrent à l'ensemble de l'oeuvre une véritable touche dramatique. Mais Alone in the Dark est avant tout une affaire de compromis technologique, car de sa direction artistique - directement influencée par le Zombie de George Romero - et de son choix de protagonistes en 3D - afin d'économiser des milliers d'étapes d'animation de sprites - découle une scénographie à l'origine du survival horror.

Alone in the Dark représente donc l'exemple typique du contournement de contraintes techniques qui, mélangé à un gameplay audacieux, aboutissent à la création d'une oeuvre séminale.

BioShock

Fruit collaboratif du studio 2K Boston / Australia (anciennement Irrational Games), BioShock est surtout né de la vision singulière d'un seul homme, Ken Levine, solide artisan doublé d'un dramaturge hors-paire. Car BioShock est une oeuvre qui transpire dans son ensemble l'amour du jeu vidéo bien fait, à travers tout d'abord son angoissant univers Art-Déco, à la direction artistique et sonore véritablement à tomber par terre. Mais BioShock dérange aussi par le jusqu'au boutisme de son propos horrifique, qui n'hésite par à questionner la moralité du joueur via des personnages totalement déconnectés de la réalité (le docteur Steinman, Sander Cohen, Bridgette Tenenbaum).

Il se permet, en sus, de paver la voie peu empruntée du genre FPS horror, dont les successeurs puisent désormais dans son océan de concepts originaux. Océan qui ouvre le jeu dans la fureur du bruit et des flammes, vision dantesque d'une petite mort, pour mieux ressusciter dans la peau d'un inconnu. On ressort de BioShock secoué par tant de maîtrise, à tel point qu'on assimilera volontiers Ken Levine à Andrew Ryan, son double virtuel et architecte de Rapture, la cité maudite des abysses.