L'un des premiers visages de la scène européenne de League of Legends est indubitablement Quickshot, de son nom Trevor Henry. Entré chez Riot Games en tant que commentateur en 2013, il se spécialise dans le play-by-play (commenter en direct l'action) et ne quittera plus l'équipe jusqu'à aujourd'hui. Entretien.

Source : LoL Esports

Le plateau de l'European Championship en constante évolution

Gameblog : Comment te sens-tu au lancement de la saison ?

Quickshot : Très enthousiaste ! Le rebranding de la ligue est très original. C'est différent, ambitieux et elle se distingue de toutes les autres ligues au monde. J'adore notre scène et nous commençons tout juste à développer des outils intéressants. L'émission va évoluer au fil des semaines avec de nouvelles façons d'utiliser les graphismes, les formats de vidéo...

Donc nous n'avons pas encore tout vu ?

Disons que vous avez seulement vu le potentiel de l'émission. Par exemple, là où l'on s'assoit sur l'analyst desk, les graphismes sont assez basiques. Mais plus tard, nous aurons une meilleure qualité, comme des écrans 4K, du motion design... et ce sera intéressant à voir. L'autre innovation est que la ligue entre dans un système de franchises, avec un business model où l'on travaille ensemble pour le succès de la ligue, alors même que les équipes sont en compétition pour arriver au plus haut.

Pour toi, quelle était l'histoire la plus marquante de 2018 sur League of Legends ?

Je pense que pour moi, c'était le retour des anciens Fnatic. Nous avons vu des Fnatic dominants pendant 3 ans quand les LCS ont commencé, puis les G2 sont arrivés avec Perkz, Sven et Mithy... au Summer Split de 2016 et les Fnatic n'ont plus atteint les finales. Pour la première fois depuis 4 ans, Fnatic a réussi à reprendre son titre et maintenant, j'espère que Fnatic et G2 lutteront pour dominer le classement, puisque c'est un duel historique en Europe.

Est-ce que tu t'attendais à voir l'une des nouvelles équipes prendre le titre du Spring Split ?

Est-ce que je m'y attends ? Peut-être. Pour moi, l'équipe G2 est la favorite pour le début de la saison. Fnatic, quand on pense au fait qu'ils ont 4 finalistes des mondiaux, je pense qu'ils devraient avoir le potentiel de se développer. Il y a deux autres équipes qui pourraient prendre le titre : la première est Misfits, qui a selon moi le potentiel pour être une très grosse équipe et la seconde est Vitality qui pourrait trouver son style. Mowgli est un très bon jungler et je pense que l'équipe qui remportera le Spring Split sera l'une de ces 4.

Quels rookies as-tu hâte de voir jouer ?

Pour moi, ce sont les anciens joueurs de Mad Lions [nldr : Selfmade, Crownshot, Werlyb chez SK Gaming et Nemesis chez Fnatic] : j'ai eu l'occasion de les voir gagner les EU Masters et j'ai commenté l'un de leurs matchs, donc j'ai une connexion vis-à-vis de ça. Je pense aussi à toutes les équipes que j'ai pu voir dans les ligues nationales : Mad Lions est une équipe que l'on sentait pouvoir monter en LCS et ils pourraient atteindre le Top 6. De l'autre côté, mes collègues ont leur attention portée sur Abbedagge [Schalke 04] et Humanoid [Splyce], donc il y a deux camps !

Tu as regardé de près les ligues nationales, pense-tu qu'elles donnent réellement plus de visibilité aux joueurs pour être repérés par les coaches en LEC ?

L'avantage est massif. J'ai récemment évoqué la question de savoir pourquoi les « EU Mids » étaient tendances : pourquoi ils se font remarquer, comme Jiizuke de Vitality l'année dernière ou PowerOfEvil de Misfits en 2017... pour moi, c'est parce que les joueurs se sont entraînés dans des ligues nationales qui se sont terminées par des finales sur scène, en face d'un public, et les ligues nationales sont tout aussi compétitives que la scène du LEC, comme la ligue turque (TCL) : c'est de là que vient Caps. Cette expérience fait que les joueurs ne sont pas intimidés par les fans et le public et cela leur donne un avantage en arrivant en LEC.

Crois-tu au grand retour de la Corée du Sud cette saison ?

Mes priorités sont de regarder la LCK, LCS et les playoffs de la LPL. Pour ce qui est des LCK, j'y crois complètement. Je pense que ce serait de l'ignorance de dire qu'après une mauvaise année, la Corée ne pourra pas revenir. En revanche, j'espère qu'au fil de l'évolution du jeu, le style de jeu sud-coréen changera pour mieux s'imposer dans les tournois internationaux : les stratégies agressives avantagent actuellement l'Europe et la Chine. J'espère que l'écart entre les régions va se réduire.

Quelle est l'équipe à suivre absolument en LCK ?

Griffin, sans aucun doute possible ! J'adore le fait que Griffin soit le « mouton noir » de la LCK, les outsiders. Ils font les choses à leur manière : je trouve que c'est inspirant et très divertissant à regarder, donc j'espère qu'ils iront loin dans le Spring Split.

Un commentateur incontournable de League of Legends

Tu es commentateur pour Riot Games, mais cette année, tu prends aussi un autre rôle. Peux-tu nous en parler ?

En fait, je suis le commentateur de l'équipe qui est là depuis le plus longtemps, c'est-à-dire depuis 2013. En mars dernier, j'ai été promu au poste de manager de talents de l'émission. Je suis responsable de tous les commentateurs, donc je m'occupe du recrutement. L'autre chose que l'on a mis en place est le système d'invités : on a Laure Valée qui fait des interviews, Foxdrop du Royaume-Uni, Araneae, Amazing... et nous prévoyons de nous développer encore plus cette année.

Comment as-tu préparé le lancement de la saison ?

L'essentiel de ma préparation concerne la recherche sur les joueurs. Nous passons beaucoup plus d'heures à faire des recherches sur les joueurs et les équipes, à voir qui a été recruté en premier et en dernier... la pire chose que nous pouvons faire en direct est de mal représenter les équipes ou les joueurs.

En second lieu, nous nous entraînons beaucoup entre commentateurs pour construire une synergie entre nous : Froskurinn nous a récemment rejoints et j'ai commenté au moins 8 matchs avec elle. Nous avons travaillé sur notre façon de présenter les joueurs, mettre en avant certaines choses... nous organisons aussi des cours d'improvisation et de prise de parole. Cela nous entraîne à avoir notre voix et notre comportement adaptés à la caméra, pour améliorer le côté divertissement.

Qu'est-ce que tu aimes en tant que commentateur ?

Absolument tout ! Je suis dans l'esport en tant que fan et compétiteur depuis plus de 16 ans et je suis très chanceux d'avoir un talent pour communiquer. J'ai pu utiliser ça et ma confiance en moi, le mélanger avec ma passion pour les jeux-vidéo et l'esport et trouver un travail. Pas un seul jour je n'ai eu l'impression d'avoir travaillé chez Riot Games, parce que j'aime ce que je fais, j'aime le jeu et la compétition. J'aime le fait de communiquer de la joie ou de la tristesse aux fans et... j'aime quand ils sont contre moi, aussi, parfois ! J'ose dire les choses, parce que ça fait partie du divertissement. Je m'imprègne de cette énergie et c'est ce qu'il me fait avancer.

Tu es commentateur depuis très longtemps ; as-tu encore un sentiment de défi, que tu pourrais encore t'améliorer ?

Encore aujourd'hui, c'est toujours un défi. Le fait que plus de gens nous regardent et apprécient notre travail amène aussi plus d'attentes de leur part. Les nouveaux commentateurs doivent passer par une phase où beaucoup de gens ne les aimeront pas, puis une phase où d'autres les acceptent puis les apprécient. De la même façon, dès que l'on fait quelque chose de différent, des personnes n'aimeront pas, donc c'est tout un équilibre à trouver. De mon côté, je me concentre beaucoup sur mon style et mes particularités.

Je sais que je suis l'un des commentateurs les plus positifs et énergiques, donc je garde cet aspect, mais j'essaie de changer d'autres choses. En ce moment, je cherche à trouver un moyen d'amener plus de fans et de parler des joueurs avec un angle en-dehors du jeu. Donc j'ai mes compétences principales, et j'essaie de changer... 20 % ou 30 % de mes compétences chaque année.

Justement, comment as-tu réussi à trouver ton propre style ?

Beaucoup, beaucoup d'entraînement ! C'est un peu comme pour un chanteur qui doit trouver sa voix. Il faut s'entraîner pour se découvrir et développer ce muscle : on découvre nos forces et nos faiblesses, ce qui fait que l'on va se concentrer sur nos forces et tenter de compenser nos faiblesses. J'ai toujours su que je voulais être le type de commentateur énergique et positif, ce qui veut dire que je fais du play-by-play, et dans un second temps, je dois prendre des décisions sur quoi dire et comment le dire, ce qui prend des heures.

Une chose est sûre, nous n'avons pas fini de voir Quickshot à l'écran de la LEC. Vous pouvez suivre son actualité sur son Twitter. Merci du temps qu'il nous a accordés !