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2009 : La Naissance


Nous sommes en 2009, James Cameron nous fait découvrir les joies de la 3D au cinéma avec Avatar, Kanye West nous offre son album 808s & Heartbreak et les joueurs attendent avec impatience la sortie de la simulation de couloir la plus célèbre de Square Enix, Final Fantasy XIII.

En parallèle, et sans crier gare, Final Fantasy XI, le jeu de rôle en ligne massivement multijoueur (ou MMORPG pour Massive Multiplayer Online Role Playing Game) enchaîne sur sa septième année d'exploitation. C'était le premier opus de la saga des Final Fantasy a être jouable uniquement en ligne. Les revenus générés par le titre sont constants, le public au rendez-vous et il permet à Square Enix de conforter ses projets concernant le jeu vidéo en ligne. Cependant, l'impact de l'âge se fait sentir pour Final Fantasy XI. Sorti simultanément sur PC et Playstation 2, il est temps pour Square Enix de penser au futur de son MMO vieillissant.

Lors du plus grand salon consacré aux jeux vidéo dans le monde, l'Electronic Entertainment Expo (ou E3 pour les intimes), Square Enix annonçait par le biais d'une cinématique sublime le successeur de son jeu en ligne : Final Fantasy XIV. Prévu pour une sortie en septembre 2010, on apprend que le titre avait été en développement pendant plus de quatre ans sous le nom de code RAPTURE. L'annonce d'un nouvel épisode numéroté, alors que l'épisode XIII n'était pas encore disponible, et surtout celle d'un jeu en ligne jouable aussi bien sur PC et Playstation 3, excitait autant qu'elle horrifiait les fans de la saga.

La quasi-totalité des équipes ayant travaillé sur Final Fantasy XI avaient été réquisitionnée pour donner naissance à Final Fantasy XIV, le futur univers persistant multijoueur de Square Enix doté d'une qualité visuelle encore jamais égalée. Tous les ingrédients étaient présents pour donner naissance à l'un des plus gros succès de l'entreprise japonaise, enfin c'était ce que tout le monde croyait jusqu'au lancement des premières sessions de test...

I got 99 problems (and my game is one of them)

Avant de continuer, laissez-moi vous expliquer ce principe de test. En amont du lancement d'un jeu en ligne sur le marché, un développeur effectue souvent des phases d'Alpha puis de Beta test afin de jauger la capacité de charge de ses serveurs, de s'assurer du bon fonctionnement de diverses mécaniques du titre ou de corriger des bugs qui n'auraient pas encore été découverts. Cela permet également de donner un premier aperçu du titre aux joueurs afin de susciter l'envie chez ces derniers. Dans le cas de Final Fantasy XIV, l'Alpha test qui débuta en mars 2010 suscita plus de dégoût que d'envie...

Parce que Final Fantasy XIV reprenait quelques éléments de l'univers de Final Fantasy XI, notamment les diverses races jouables, seuls les joueurs de ce dernier avaient été invités à participer à cette première phase de test pour les remercier de leur fidélité. Encore faut-il voir la forme que prenaient ces remerciements...

Final Fantasy XIV était une expérience bancale, aux choix de game design incohérents et contre-productifs. C'était à se demander comment Square Enix avait pu insister pour en faire un épisode canonique de la saga. Et encore, à peine les joueurs avaient-ils le temps de se poser cette question que le marteau de la déconnexion intempestive s'abattait sur eux. Certes, ce n'était qu'une version de test et il fallait s'attendre à devoir rencontrer quelques problèmes mineurs. Cependant, dans le cas de Final Fantasy XIV, les mécaniques mêmes sur lesquelles reposait le jeu étaient défaillantes, empêchant le titre de fonctionner correctement. Nous étions bien loin du but...


2010 : L'échec


La plus belle pour aller glitcher

Tout d'abord, le moteur graphique utilisé pour Final Fantasy XIV était le Crystal Engine, le moteur conçu spécialement par Square Enix pour Final Fantasy XIII. Le Crystal Engine permettait à Final Fantasy XIV d'afficher des graphismes d'excellente qualité pour l'époque. Face à d'autres jeux en ligne comme World of Warcraft ou Lord of the Rings Online, Final Fantasy XIV était beau, même trop beau pour son propre bien.

Les équipes de développement de Final Fantasy XIV avaient misé sur des environnements gigantesques à visiter, tout en visant le rendu le plus réaliste possible. Ce réalisme devait se retrouver dans chaque recoin, dans chaque pli de vêtement, dans chaque petit pixel pour façonner ce nouveau jeu en ligne. On se retrouvait effectivement devant un jeu multijoueur en ligne capable d'afficher des graphismes de la qualité d'un jeu hors ligne. Cependant, il semble que les développeurs n'aient pas pris en compte le fait que dans un jeu multijoueur en ligne, on se retrouve très souvent avec plus d'une dizaine de personnages différents à devoir afficher à l'écran. Le moteur n'était pas pensé pour cela et cette course au réalisme entraîna une succession de glitchs, de problèmes d'affichages et de ralentissements qui rendaient l'expérience de jeu particulièrement inconfortable.

Pour l'anecdote, ce souci du détail était si démesuré que certains pots de fleurs présents dans les villes et dans les donjons nécessitaient autant de polygones pour être affichés à l'écran que les personnages contrôlés par les joueurs eux-mêmes, générant des ralentissements toujours plus violents et frustrants pour les joueurs (satanés pots de fleurs !).

Jeu de désorientation

Cet aspect réaliste avait également un effet néfaste sur les environnements du jeu et la capacité des joueurs à s'y orienter.

Le monde de Final Fantasy XIV était gigantesque car les développeurs souhaitaient faire renaître ces sentiments de liberté et de découverte qui ont animé le coeur des joueurs des premiers Final Fantasy. Malheureusement, ces derniers ont rapidement remarqué qu'il n'y avait absolument rien à explorer.

A l'exception des grandes villes, l'univers de Final Fantasy XIV était plus vide que les plateaux du Grand Journal. Pas de personnage-non-joueur qui aurait pu donner une quête à accomplir ni de campement régional spécifique pour insuffler un peu de vie au titre. Seulement du vide et des monstres qui réapparaissent sans interruptions. Cela est dû encore une fois aux limitations du Crystal Engine, qui était poussé dans ses derniers retranchements avec la multitude de détails qu'il devait déjà afficher.

En plus de rendre l'exploration triste et monotone, ce manque de contenu créait de grands problèmes d'orientation pour les joueurs. Les plaines, les forêts et les plateaux se succèdent et se ressemblent sans qu'aucune indication ne puisse réellement les aider à se situer dans leur voyage. De plus, pour "favoriser l'immersion", la mini-carte n'affichait quasiment aucune information à l'écran. Il fallait constamment se rendre dans les menus pour s'orienter dans ces labyrinthes géants ! Étonnant me dîtes-vous. Et pourtant ce n'est que le début des problèmes.

Bac +14 option mécaniques de jeu incohérentes

Seul ou en groupe, enchaîner les combats fait partie du quotidien d'un joueur de MMORPG, qui passera aisément plus d'une centaine d'heures sur ces phases de jeu. Autant dire que le système de combat d'un jeu-vidéo en ligne est l'un des aspects les plus importants de ce genre. Et comme vous avez déjà dû le deviner, Final Fantasy XIV a royalement échoué sur ce plan également.

Lors des phases de combat, il faut abattre son adversaire en diminuant sa barre de vie, jusqu'à ce qu'elle atteigne zéro. Pour faire diminuer cette barre de vie, plusieurs actions sont possibles telles que l'utilisation d'attaques au corps-à-corps, de compétences spéciales ou de sorts magiques. Rien de bien sorcier hein ? Maintenant, ça va se compliquer.

Le personnage qu'on contrôlait ne pouvait attaquer qu'à condition que sa jauge d'action soit pleine. Si elle ne l'était pas, il fallait attendre qu'elle se remplisse. D'habitude, dans ce type de jeu, les personnages effectuent des "auto-attaques", des coups faibles mais répétés qui permettent, même si cette jauge d'action n'est pas pleine, de diminuer les points de vie de l'ennemi afin de raccourcir la durée les combats.

Dans le cas de Final Fantasy XIV, cette jauge d'action régissait TOUTES les actions de notre personnage. Ce qui est embêtant, c'est que les actions plus puissantes comme les sorts ne pouvaient être utilisées qu'à condition qu'une seconde jauge d'action (la jauge de TP) soit suffisamment remplie. Il faut aussi noter que cette seconde jauge ne se remplissait que lorsque l'on effectuait des attaques simples, elles-mêmes limitées par la première jauge d'action. Et, finalement, si l'on arrivait malgré tout à remplir ta jauge de TP pour effectuer une compétence spéciale, il fallait tout de même attendre que la première jauge d'action permette d'activer la fameuse compétence !

Ces phases de combat, censées être des séquences d'actions épiques et dynamiques, étaient d'une redondance et d'un ennui rarement égalés, à cause de ces limitations multiples. Malheureusement, le système de combat défaillant de Final Fantasy XIV n'est rien face au système de progression catastrophique imaginé par ses développeurs.

On n'est pas fatigué !

Dans un jeu de rôle en ligne, la progression d'un joueur prend souvent la forme d'un niveau qui lui est attribué en fonction des points d'expérience que celui-ci aura accumulé. Effectuer des combats, accomplir des quêtes ou découvrir de nouvelles zones sont autant de manières différentes de récupérer de l'expérience et donc d'augmenter son niveau de joueur. Ce schéma a fait ses preuves à de très nombreuses reprises et est parfaitement assimilé par les adeptes de ce genre de jeux. Il n'y a donc aucune raison que les développeurs de Square Enix se trompent sur ce sujet pensez-vous ? Je crois que vous connaissez déjà la chanson maintenant... Je vais tout de même décortiquer chaque note de ce morceau dissonant pour vous.

Le système de progression de Final Fantasy XIV était effectivement calqué sur le schéma classique de progression des jeux en ligne, à quelques exceptions près.

Tout d'abord, chaque joueur a un niveau physique (le niveau de progression général) et un niveau de classe. Ce niveau de classe fait écho à l'une des particularités du titre, la possibilité de changer de rôle à n'importe quel moment. Ainsi, en équipant l'arme adéquate, un joueur peut prendre le rôle d'un sorcier, d'un soigneur ou d'un guerrier. Chacun de ces rôles possède son propre niveau qui permet de déterminer le taux de spécialisation d'un joueur dans telle ou telle classe, indépendamment de son niveau général.

Ce concept de changement de rôle à la volée était novateur pour l'univers des jeux en ligne, où il était coutume de figer le rôle de chaque joueur dès la création de leur avatar. Malheureusement, ce concept innovant n'aura pas survécu à une mécanique "inédite" intégrée par les développeurs de Final Fantasy XIV : le principe de "fatigue". Attention, lisez attentivement et n'hésitez pas à prendre des notes. Je crois qu'on a touché le fond en termes de système ridiculement compliqué avec ce principe-là.

Avec le principe de "fatigue", la quantité d'expérience que pouvait accumuler un joueur était limitée en cycles d'expériences décroissants calculés en fonction du niveau du personnage joué. Ces cycles étaient divisés en huit seuils représentant une heure d'accumulation de points d'expérience. À chaque heure d'expériences accumulées, un seuil était atteint. Au huitième seuil, un nouveau cycle était lancé et la quantité totale d'expérience que le joueur pouvait obtenir était réduite pour ce cycle. Une fois le huitième seuil du nouveau cycle atteint, l'expérience totale reçue lors du cycle suivant était encore diminuée, et ainsi de suite jusqu'à ce que le joueur ne puisse plus du tout obtenir d'expérience. Cette règle s'applique au niveau physique du joueur, mais n'entravait pas l'évolution de ses rôles, qui possédaient leur propre cycle d'expérience. Ainsi, un joueur pouvait continuer à faire progresser un rôle spécifique, même s'il avait atteint la limite pour son niveau physique.

Il fallait arrêter d'effectuer des actions qui permettent de gagner de l'expérience pour que le joueur puisse revenir à son cycle d'expérience initiale et recommencer à progresser normalement. Ou alors, il fallait attendre le début d'une nouvelle semaine de jeu pour que les cycles de tous les joueurs soient remis à zéro.

Honnêtement, je ne vous en voudrais pas si tu vous n'aviez pas compris les deux paragraphes précédents. Ces principes de limitations, de cycles et de seuils liés à deux jauges de progression différentes, sont imbitables. La progression des joueurs a été complexifiée à l'extrême sans aucune raison apparente.

Enfin si, ce système avait pour but de limiter la progression des joueurs dits hardcore gamers. Ces derniers sont réputés pour s'impliquer grandement dans leurs parties et pour être capables d'effectuer de longues sessions de jeu sans interruption. On parle ici de plusieurs heures voire des dizaines d'heures d'affilé (et ma mère qui me criait dessus quand je jouais 30 min sur ma Gameboy...). Ce faisant, cela permettait de limiter le fossé qui aurait dû se créer entre les joueurs occasionnels et les joueurs plus dévoués.

Bien évidemment, cela n'a pas eu l'effet escompté et frustra surtout cette tranche de joueurs prête à investir leur temps et leur argent dans Final Fantasy XIV, ce qui est complètement contre-intuitif quand on souhaite entretenir un jeu vidéo en ligne sur la durée. C'est justement cette partie des joueurs qui s'impliquera le plus au quotidien, qui animera la communauté et qui, surtout, assurera une source constante de revenu pour continuer l'exploitation du jeu dans les meilleures conditions. Ce n'était que le début...